Une réaction aux thèses alarmistes sur les « guerres climatiques ».
Bruno Tertrais, spécialiste en géopolitique et relations internationales, réagit à travers ce petit livre contre les thèses de plus en plus répandues au sujet des migrations massives et autodestructions de l’humanité, ou même le conflit mondial, que le changement climatique serait susceptible d’entraîner selon certains. Qui relèvent selon lui du mythe.
Il étaye ces affirmations de multiples références (essais, chroniques, romans, conférences) et rappelle qu’en 2007 le prix Nobel de la paix a été attribué conjointement au GIEC et à Al Gore, accréditant ainsi l’idée que la lutte contre le réchauffement climatique pouvait être une œuvre de paix. Suivis bientôt dans cette idée par de nombreuses autorités politiques.
Un amoindrissement des ressources agricoles ?
C’est la première idée que Bruno Tertrais bat en brèche. Il rappelle ainsi qu’historiquement c’est durant les périodes froides que les ressources agricoles sont plus rares et que les famines tendent à naître. Par ailleurs, non seulement les prévisions en matière de raréfaction des ressources dans certaines régions sont très incertaines, voire hasardeuses, mais encore les modèles scientifiques ne s’accordent que pour quelques régions. Les ressources agricoles pourraient même être favorisées dans certaines régions.
En outre, même à supposer qu’il y aurait raréfaction, écrit-il, cela signifierait-il davantage de guerres ? A l’exception sans doute de périodes plutôt de refroidissement, encore que ce lien de causalité ne soit plus véritablement avéré depuis les débuts de la Révolution industrielle et l’essor du commerce mondial, qui permet d’amortir les chocs temporaires. Et même lorsqu’il y a conflit, les causes sont souvent différentes :
Les conflits du Sahel montrent bien que ce sont d’abord et avant tout les facteurs politiques et humains qui sont la clé lorsque l’on recherche les causes des guerres. Le cas des conflits des années 1970 le montre bien. Dans cette région, les deux décennies précédentes avaient été particulièrement pluvieuses ; les gouvernements avaient favorisé la mise en culture des steppes, ce qui avait déplacé l’élevage vers le nord. Lorsque les pluies se firent plus rares, les éleveurs voulurent retrouver leurs terres et se heurtèrent aux cultivateurs eux-mêmes aux prises avec la sécheresse. L’ensemble se greffait sur la rivalité traditionnelle dans cette région de l’Afrique entre nomades et sédentaires, entretenue voire encouragée par les responsables locaux ou nationaux ; sans eux, pas de conflits ouverts. (…) Il existe même des exemples en sens inverse. Par exemple, à la frontière du Kenya et de la Somalie, les conflits sont plus nombreux lorsque la ressource (en l’occurrence, les pâturages) est abondante. De manière générale, la sécheresse conduit rarement à la famine, et la famine est rarement une cause de conflit – elle en est en revanche fréquemment une conséquence.
Même sur la question de l’eau, montre Bruno Tertrais, s’il existe bien des contentieux, tensions et menaces entre Etats, la dernière vraie guerre remonte au milieu du troisième millénaire avant notre ère, opposant deux cités sumériennes.
Les coûts d’un conflit seraient tellement grands et les résultats inefficaces que la coopération reste incomparablement supérieure, y compris d’ailleurs en temps de guerre.
Une déstabilisation sociétale ?
Le nombre de conflits est en diminution importante au cours des dernières décennies. A rebours de l’augmentation moyenne des températures. Or, certaines thèses tentent là encore de lier hausse des températures et probabilités plus importantes de conflits. Bruno Tertrais entreprend de démontrer une nouvelle fois que les arguments avancés ne sont pas valides. Comme dans le cas des printemps arabes, que certains avaient tenté d’associer au réchauffement climatique. Mais les faits ont montré que les chaleurs de 2010 et l’augmentation du prix notamment du blé ne sont nullement ce qui a prédominé dans les manifestations de l’époque. Les causes étaient bien plus généralement politiques. Sans compter les méthodologies discutables des études qui voulaient prouver le contraire et la confusion fréquente entre météorologie et climat.
Bruno Tertrais discute aussi du bienfondé de la surenchère alarmiste en en ce qui concerne le nombre de réfugiés climatiques, que certains évaluent jusqu’à un milliard d’ici 2050, sans aucune précision méthodologique. En réalité, il est démontré que les migrations ont rarement pour principale cause le réchauffement climatique, qui n’est au mieux qu’un déclencheur.
Par ailleurs, l’émigration n’est pas nécessairement un drame, mais une adaptation, montre l’auteur et elle n’est pas nécessairement cause de conflit. Sans compter que certaines élévations locales de températures peuvent être source d’augmentation de la productivité et donc qu’elles ne justifient pas nécessairement des migrations.
En ce qui concerne les catastrophes météorologiques, non seulement elles n’entraînent des déplacements de populations qu’en dernier recours, mais généralement les déplacés cherchent à revenir chez eux et à rebâtir. Quant aux modèles de prévisions et leurs interprétations, ils sont souvent sujets à caution. Et les catastrophes, qui ont par ailleurs toujours existé, sont trop souvent mélangées, sans distinction de celles dont la responsabilité humaine est à écarter catégoriquement (tremblements de terre, tsunamis, éruptions volcaniques).
Mais surtout, surtout, dit l’auteur, qu’est-ce qui amène à affirmer que les migrations entraîneraient nécessairement des conflits armés violents ?
Un mythe moderne
En définitive, aucune étude sérieuse ne permet de démontrer qu’il y aurait un risque avéré de guerres du climat. Même le rapport scientifique du GIEC en convient. « Les guerres naissent avant tout des choix et des erreurs des hommes », écrit Bruno Tertrais.
Mais n’est-on pas une fois de plus, ici, en présence de fantasmes, de la part de ceux dont le cheval de bataille est la remise en cause de la modernité ?
- Bruno Tertrais, Les guerres du climat – Contre-enquête sur un mythe moderne, CNRS Editions, septembre 2016, 48 pages.
Extrait de: Source et auteur
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