Le grand quotidien du soir a perdu son statut de journal de référence aux yeux de la plupart de ses contemporains.
Il y a désormais une « affaire Le Monde », que de nombreux médias osent affronter de face. Pas seulement une affaire « Le Monde vs Israël », déjà souvent traitée depuis la création du quotidien vespéral à la Libération par un Hubert Beuve-Mery qui ne s’était pas couvert de gloire pendant l’Occupation. Le journal n’a en effet jamais beaucoup porté l’État juif dans son cœur (si l’on excepte peut-être la période où André Scemama occupait la place de correspondant à Jérusalem), le pic de sa détestation se situant, en dehors de la présente période, à celle où Edwy Plenel en était le rédacteur en chef, avec pour conséquence la plénélisation idéologique de toute une génération de jeunes journalistes, devenus, souvent de façon inconsciente, plus militants qu’informants, leur esprit critique extrêmement acéré envers une nation occidentale et juive n’ayant d’égal que leur indulgence extrême pour un mouvement terroriste musulman et oriental.
Mais depuis le 7-octobre, le journal a basculé, sous l’empire de ce prisme, dans une détestation totale qui l’autorise à présent à tenir pour « modéré » le défunt chef du Hamas, ou à s’interroger sur la nature éventuellement terroriste de l’« opération bipeurs », sans fustiger en rien un Hezbollah qu’il ne nomme jamais terroriste nonobstant son classement comme tel par l’Union européenne.
Mais si le litige avec Israël est vieux comme Le Monde, une affaire d’ordre déontologique a pris jour. Elle concerne, dans le cadre du procès moral et politique en parti pris contre l’État juif, son rédacteur plus spécialement chargé de l’étranger, Benjamin Barthe, et son épouse Muzna Shihabi. Le premier, ancien correspondant en Israël, ne cache même pas son aversion pour cet État. Il suffit de se rendre sur son compte X pour constater sa franchise absolue. Les plus anti-israéliens, et davantage encore, y trouvent ses faveurs, jusqu’à François Burgat, poursuivi pour apologie.
Quant à son épouse, activiste palestinienne assignée pour le même délit, elle a chanté le 7-octobre et pleuré le défunt chef du Hamas jusqu’à recommander son âme à Allah. Avocats sans Frontières la poursuit aussi pour avoir incriminé le « peuple élu ». Je recommande de visiter son compte X baptisé « Free Palestine » pour constater que je suis bien en dessous de la consternante réalité.
Certains observateurs ont cru devoir reprocher à Barthe une sorte de contradiction d’intérêts entre son épouse d’une part et son journal de l’autre. Je ne partage pas ce point de vue. Ceci posé, je note que sa collègue Ivanne Trippenbach, elle aussi membre de la rédaction du Monde, a été suspendue quand son conjoint travaillait pour Gabriel Attal à Matignon. En cette circonstance, l’ombrageux quotidien sait être sourcilleux. Mais partager la vie d’un collaborateur du Premier ministre est évidemment beaucoup plus grave que d’être uni à la groupie d’une organisation terroriste…
Il n’y a donc pas d’affaire Barthe et l’affaire « Le Monde vs Israël » est dépassée. Il n’y a plus que la perte de crédibilité accélérée d’un journal autrefois de référence, et pas seulement à cause de sa détestation d’un pays agressé. À force de mordre trop, les crocs sont élimés.
Mais après tout c’est son affaire.
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