Ndlr. L’hebdomadaire français Le Point annonce dans sa newsletter du 2.3.2024 la sortie d’un ouvrage posthume du dit sociologue Zygmunt Bauman en parlant d’un livre de “bonne foi”, “livre honnête” où “tout nous paraît authentique, sérieux et profond”. En espérant que cela est bien le cas et en attendant de prendre connaissance de cet ouvrage, un de nos contributeurs bien informé avait tenu a rappelé, le 1.10.2017 sur notre site LesObsrvateurs.ch certaines des activités staliniennes et criminelles de Z. Bauman.
Décès de Ziggy le liquidateur.
Zygmunt Bauman est décédé cette semaine à l’âge de 92 ans. Né à Poznan, en Pologne, dans une famille juive, il raconte avoir quitté le pays pour l’URSS en 1939 devant l’avancée des Nazis. Il a trouvé du travail dans la milice (la police étant un concept oppressif capitaliste) de Moscou où il affirme « avoir fait la circulation ».
Lorsque Staline forme une armée de Polonais (principalement ses prisonniers de guerre) intégrée à l’armée rouge, Bauman rejoint la 4ème division d’infanterie. Il participe aux combats pour la « libération » du nord de la Pologne.
Après la guerre, il participe à la « pacification » de la Pologne les armes à la main. Il commande brièvement une unité chargée de la liquidation des maquis de résistants anti-nazis poursuivant la lutte contre le nouvel occupant soviétique. Zygmunt est alors décoré pour sa détermination dans le combat. Les unités dont Bauman faisait partie étaient les pendants polonais des infâmes NKVD et GRU et les missions impliquaient l’action directe, les interrogatoires, la torture et les exécutions. Il y occupa un poste de commissaire politique et avança au grade de major du KBW (Corps de Sécurité Intérieure). Ses états de service relatent « un amour de son travail » l’empêchant de poursuivre sa formation intellectuelle. Nous avons donc la biographie d’un apparatchik du système de répression totalitaire soviétique. Pourquoi, parmi tant d’autres rouages de la terreur rouge et tant d’autres gens avec du sang sur les mains, celui-ci est-il plus intéressant ?
La réponse se trouve aussi dans ses états de service, ses supérieurs le voient destiné à une brillante carrière scientifique. Le combat physique fait place au combat idéologique et Zygmunt Bauman deviendra au fil des décennies une éminence de la guerre psychologique que le système communiste a livrée au monde libre. Mais dans l’après-guerre, sa mission première était de détruire l’âme de la résistance polonaise, d’en saper les fondements spirituels, moraux, idéologiques. Dissoudre les structures psychiques et sociétales de l’identité polonaise, si farouchement éprise de liberté, de vérité et d’indépendance. Un laboratoire grandeur nature pour la guerre de subversion psychologique dans laquelle Bauman était passé maître.
Formé à l’école de pensée de Sun Tsu, il a appliqué les recettes millénaires de ce politologue et stratège chinois dont la lecture est toujours obligatoire pour les officiers supérieurs russes. Le grand Sun Tsu nous apprend que tout l’art de la guerre est duperie et seul celui qui prend contrôle de l’Etat ennemi sans coup férir accède au niveau suprême de cet art. Gagner sans un coup de feu face à un ennemi démoralisé, déstructuré étant l’objectif.
Si cela vous fait penser à la déconstruction des penseurs français comme Derrida, Foucault, ce n’est peut-être pas un hasard, comme nous le verrons plus loin. Et si vous voyez poindre un parallèle avec les analyses de Zemmour sur le suicide français, vous voyez déjà où je veux en venir.
Par ailleurs, pour ceux qui seraient intéressés, les schémas de subversion idéologique mis au point par le KBG sont magistralement racontés dans Le montage de Vladimir Volkoff. Sur Youtube, on peut regarder les cours et interviews de Yuri Bezmenov à ce sujet.
Toutefois, aux yeux du comité central, la proximité excessive de Maurycy, père de Zygmunt (il habitait chez ses parents) avec l’ambassade d’Israël à Varsovie conduisit à la disgrâce de Zygmunt lors de la purge anti-juive qu’ont connue le parti communiste et le monde académique polonais en 1968. En effet, Israël n’avait finalement pas choisi le camp progressiste comme prévu et son alliance avec les USA était intolérable. Pour Bauman, la conséquence en fut l’exil. Ayant dès le début de sa carrière écrit sur le mouvement social en Angleterre, Zygmunt quitta la Pologne pour devenir professeur de sociologie à l’Univesité de Leeds. Qui dit qu’il est difficile de trouver du travail à l’Ouest ? Si on a le bon « réseau » no problemo…
De nos jours, il est convenu de considérer que nous vivons dans une époque dont les grandes idéologies sont absentes. Une narration s’est imposée : les idéologies ont été discréditées. La défaite du troisième Reich et l’effondrement économique de l’URSS seraient la démonstration de leur infécondité. Le crépuscule des idéologies, allant de pair avec la fin de l’histoire seraient notre réalité. Or il n’en est rien. Une nouvelle idéologie tient le haut du pavé. L’idéologie de nos élites politiques et soi-disant culturelles. Cette idéologie est le post-modernisme. Polymorphe, elle prend source sous différents cieux dans les années 1960-1970. L’apparition du terme postmoderne et postmodernisme (avec ou sans tiret) a fait l’objet de nombreuses études. Nous n’analyserons pas en profondeur ici ces apports venus d’horizons aussi variés que l’architecture, la linguistique et la philosophie. Remarquons juste au passage l’apport du français Lyotard. Notre propos est de faire le lien avec Zygmunt Bauman qui se trouve, comme par hasard, être l’un des plus célèbres tenants du postmodernisme comme en atteste sa bibliographie.
Baumann a poussé le concept très loin en parlant de « liquidité ». Dans le monde après la modernité les catégories de la rationalité moderne sont obsolètes. Le Vrai, le Bien, le Beau n’étant que des concepts obsolètes, on peut faire fi de la vérité tout court. Désormais, tout serait liquide. La culture, la nation, la tradition, la religion, le sexe, la famille. On peut tout dissoudre ou tout liquider. On peut liquider l’opposition physiquement ou idéologiquement. C’est pourquoi Zygmunt m’apparaît aujourd’hui revêtu du sanguinolent costume de Ziggy, le liquidateur. Liquidateur de résistants, liquidateur des identités et des nations.
En forçant le trait on pourrait postuler que le postmodernisme ne serait donc pas seulement une expérience fascinante d’intellectuels français des années soixante qui ont séduit de gentils intellectuels américains lors du Linguistic Turn, mais une arme de guerre forgée derrière le rideau de fer. Une arme de désinformation massive ayant déjà fait des millions de lobotomisés. Son application politique immédiate semble manifeste quand on lit ce que Baumann disait dans un de ses derniers entretiens. Pour les lecteurs du site Les Observateurs cet extrait se passera de commentaire:
QUESTION :
La notion de paysage (scape) ou de « couloirs culturels transnationaux » évoque cependant un autre type d'hybridité, celle naissant d'une interaction entre différentes parties du monde et permettant à des populations, des migrants par exemple, de s'inscrire durablement dans un espace culturel composite...
REPONSE de BAUMANN :
La mondialisation ne se déroule pas dans le « cyberespace », ce lointain « ailleurs », mais ici, autour de vous, dans les rues où vous marchez et à l'intérieur de chez vous... Les villes
d'aujourd'hui sont comme des décharges où les sédiments des processus de mondialisation se
déposent. Mais ce sont aussi des écoles ouvertes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 où l'on
apprend à vivre avec la diversité humaine et où peut-être on y prend plaisir et on cesse de voir
la différence comme une menace. Il revient aux habitants des villes d'apprendre à vivre au
milieu de la différence et d'affronter autant les menaces que les chances qu'elle représente. Le
« paysage coloré des villes » suscite simultanément des sentiments de « mixophilie » et de
« mixophobie ». Interagir quotidiennement avec un voisin d'une « couleur culturelle »
différente peut cependant permettre d'apprivoiser et domestiquer une réalité qui peut sembler
effrayante lorsqu'on l'appréhende comme un « clash de civilisation »...
http://sspsd.u-strasbg.fr/IMG/pdf/Vivre_dans_la_modernite_liquide._Entretien_avec_Zygmunt_Bauman.pdf
Aujourd’hui, pourrait-on être encensé par les médias comme étant un des plus grands penseurs de notre temps en ayant un CV de gradé dans une unité SS Totenkopf ou dans la Gestapo ? Difficilement. Pourtant l’Hebdo n’a pas hésité à franchir le pas avec le cas du major du KBW Baumann. Dans l’Europe du début du XXIème siècle, on peut être participant actif du système de terreur totalitaire tout en bénéficiant du statut d’autorité morale. C’est d’autant mieux si on peut participer encore à détruire ce qui reste de sa propre société.
https://www.facebook.com/lhebdo/posts/1386569844686454
Jacques-Antoine de Coyetaux, 10.1.2017
Le site de l’Hebdo décrit Zygmunt Bauman comme “un des plus grands penseurs de notre temps”. C’est beau, la propagande décomplexée. L’absence de honte est un signe de dégénérescence morale profonde.
Merci à Pierre-Antoine de Coyetaux d’avoir mis les points sur les i. Je ne connaissais pas du tout le trajet de cet apparatchik exemplaire, qui a su si habilement se refaire un habit dans le postmodernisme gauchiste.