L’actualité commémorative permet à Emmanuel Macron de cocher toutes les cases de son appartenance au camp du Bien: la lutte contre l’antisémitisme en qualifiant à raison le 7 octobre de « plus grand massacre antisémite de notre siècle », le combat contre la peine de mort par l’hommage à Badinter et aujourd’hui la Résistance, en panthéonisant Manouchian, figure historique des FTP-MOI, c’est-à-dire de ces immigrés fédérés par le Parti communiste et engagés dans la Résistance à partir de 1942.
Il avait simplement manqué à ces preuves un complément indispensable : désigner le Rassemblement national (RN) comme le camp du Mal. En répondant aux questions des journalistes de l’Humanité, le président a voulu rattraper cette bévue. Le RN n’avait pas sa place à la cérémonie du Panthéon et Emmanuel Macron précisait n’avoir jamais pensé qu’il fasse partie de l’“arc républicain”.
Contradiction avec l’injonction à Élisabeth Borne
Il contredisait ainsi une nouvelle jurisprudence du camp du Bien qu’il avait lui-même instaurée contre Élisabeth Borne en insistant sur l’inefficacité de la diabolisation du RN. Ses successeurs potentiels lui avaient docilement emboîté le pas. Édouard Philippe, Bruno Le Maire, Gabriel Attal y étaient tous allés de leur couplet antidiabolisation du RN, le Premier ministre déclarant même : « L’arc républicain, c’est l’hémicycle. »
Patatras ! Macron, qui aime tant prendre à revers ceux qui prétendent s’inspirer de lui, dément cette interprétation en rediabolisant le RN ! C’est que, comme son maître Mitterrand autrefois, il aime paraître profond en prenant le contre-pied de la pensée qu’on lui prête. Il n’est pas sûr cependant que cette stratégie de séduction, qui consiste à s’entourer de brume pour se donner de la profondeur, fonctionne encore. Même les commentateurs habituellement les plus faciles à tenir en haleine se rebiffent aujourd’hui et affichent leur désarroi. Sur les plateaux de télévision une plainte s’élève : “On n’y comprend plus rien !”
Le camp présidentiel en proie au doute
En réalité, il semble que ce soit le camp présidentiel lui-même qui soit la proie du doute et du désarroi. Il n’est pas facile d’abandonner la stratégie de la diabolisation et du cordon sanitaire lorsqu’on commence à douter de soi-même et de la solidité de son argumentation. La crise de l’agriculture et la crise migratoire interviennent dans les domaines de compétence de l’Union européenne, remettant frontalement en cause son efficacité.
Il ne suffira pas de balayer d’un revers de main “diabolisateur” les arguments nationaux du RN. Il faudra y répondre. D’où l’hésitation sur la tête de liste de Renaissance pour les élections européennes : faut-il nommer un poids lourd de la diabolisation tel Olivier Véran, ou un homme capable de mener la confrontation sur le fond ?
La venue, en troisième position sur la liste du RN, de Fabrice Leggeri, ancien directeur exécutif de Frontex, risque d’aggraver cette hésitation. Car elle pourrait faire apparaître que ceux qui maîtrisent les dossiers sont du côté du RN et que les démagogues, eux, sont du côté du pouvoir.
L’article Macron et la diabolisation du Rassemblement national : stop ou encore ? est apparu en premier sur Valeurs actuelles.
Extrait de: Source et auteur
Et vous, qu'en pensez vous ?