Interviewé par le média Front Populaire à l’occasion de la sortie de son dernier roman « Vivre – Le compte à rebours – J-780 », éditions Gallimard, l’écrivain et essayiste algérien Boualem Sansal livre son analyse de la progression de l’islamisme en Occident, qu’il estime inéluctable :
En première partie, Sansal évoque les événements du 7 octobre en Israël, s’étonnant que l’Europe n’ait pas compris que le Hamas allait un jour ou l’autre sortir de son rôle de mouvement de résistance pour devenir un mouvement terroriste, dans le but d’internationaliser le conflit israélo-palestinien.
« La Palestine n’existait pas au moment de la création de l’Etat d’Israël, insiste Boualem Sansal. L’ONU décide de partager ce territoire – qui n’a jamais été parfaitement défini – entre Israël et qui ? On ne sait pas. « Les Arabes ». Mais quels pays ? Il y a eu des tentatives entre « les Arabes », mais ils n’étaient pas d’accord : entre les Arabes syriens, les Arabes irakiens, les Arabes marocains… C’était un accord entre Israël et… rien ! Les Arabes étaient au départ uniquement représentés par les tribus qui vivaient en Palestine : tribus syriennes au nord, tribus irakiennes, etc. »
Les pays arabes se sont détournés des Palestiniens, les considérant comme des fauteurs de troubles, « des menteurs, des lâches. On va vous donner de l’argent et foutez-nous la paix ! » (sic…).
Les Palestiniens se sont alors tournés vers l’Occident. Tous les pays européens ont décidé de soutenir les Palestiniens, financièrement, diplomatiquement, en appelant Israël à négocier. Il y a eu les accords de Camp David, d’Oslo… Finalement, constate Sansal, « les Palestiniens ont davantage gagné avec les Occidentaux qu’avec les pays arabes qui cherchaient au fond à les instrumentaliser pour des raisons de politique intérieure. Les Palestiniens ont des ambassades à Paris, à Londres, aux Etats-Unis… Ce lobbying a superbement fonctionné, et on a commencé à voir de plus en plus de condamnations d’Israël de la part des pays occidentaux. »
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En deuxième partie, Sansal revient sur le protocole de Barcelone (« un chef d’œuvre qui a fonctionné pendant très longtemps ») et sur le projet sarkozien de l’Union pour la Méditerranée auquel la Chancelière Merkel opposa son veto. On pourra ne pas être d’accord avec l’analyse de l’essayiste dont on soulignera l’étonnante naïveté de la part d’un penseur pourtant réputé pour sa clairvoyance au sujet des ambitions planétaires du panislamisme :
Relevons en revanche cet éclair de lucidité : « En France, on trouve de grands noms dans la liste des renégats, mais les idiots et les opportunistes seront tués comme les autres à la fin de leur service ». On rappellera en effet qu’après s’être servi des communistes pour arriver au pouvoir en Iran, l’ayatollah Khomeini les a totalement éliminés. Un détail de l’histoire qui ne semble pas inquiéter les Mélenchon et consorts. On ne s’en désolera pas pour eux.
Sansal souligne la puissance de l’armée algérienne, classée 16e armée du monde « ultramoderne, avec des sous-marins, des satellites… En Algérie, il y a plus d’ingénieurs militaires, formés dans les meilleures écoles du monde, que d’ingénieurs civils ». Est-ce le prix à payer pour que l’Algérie ne devienne pas une dictature islamiste aux portes de la France avec, sur notre sol, une diaspora de quelque 2,5 millions de membres sur trois générations ?
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La dernière partie de l’entretien est consacrée à la « décennie noire » des années 92-2002, la guerre civile algérienne qui fit plus de 100 000 morts. Pour Sansal « On ne se bat pas contre les islamistes avec le droit et la gentillesse ». L’auteur ironise sur les initiatives françaises du type CFCM et signale le poids des pays musulmans (Algérie, Maroc, Tunisie, etc.) sur la communauté islamique de France par l’intermédiaire des recteurs des Grandes Mosquées qui sont de véritables agents de renseignements pour leur pays respectif.
Selon Sansal, l’état major de l’armée française planche sur les meilleurs scénarios pour éradiquer la menace islamiste dans notre pays. Le pouvoir politique osera-t-il les mettre en œuvre lorsque la menace de submersion deviendra évidente ? Rien n’est moins sûr… Pourtant, assure l’essayiste, « ça sera nécessairement violent »…
Sansal nous aura prévenus : « N’ouvrez une porte que si vous savez la refermer. On peut ouvrir la porte à toute la misère du monde, mais il faudra un jour la refermer, parce que la misère du monde est infinie »
Henri Dubost
Extrait de: Source et auteur
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