Fin des visas au Kosovo

La fin des visas pour les Kosovars fait planer le spectre d’un exode

Depuis le 1er janvier 2024, les Kosovars peuvent voyager sans visa dans l’espace Schengen, et donc en Suisse. Si l’accès au marché du travail ne sera pas facilité, des craintes d’une vague de départs persistent. [...]

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Kosovo : le spectre de l’exode suite à l'exemption de visa de l’UE

Depuis le 1er janvier, l’Union européenne dispense les Kosovars de l’obtention d’un visa pour circuler librement au sein de l’espace Schengen, faisant craindre le départ massif des populations d’un pays dont le développement est loin d’être achevé.

François Dupuis 05/01/2024

Ce matin du premier jour de la nouvelle année 2024, Albin Kurti, le Premier ministre du Kosovo, tenait une conférence de presse à l’aéroport « Adem Jašari » de Pristina. L’objet officiel était de récompenser une vingtaine de gagnants d’un jeu organisé par l’Union européenne permettant aux lauréats de participer à un voyage en Autriche. Pour le chef du gouvernement de la jeune république, la journée ne pouvait pas mieux commencer : dans la nuit, l’Union avait appliqué la levée de l’exigence de la possession d’un visa pour les ressortissants de son pays, souhaitant voyager à l’intérieur de l’espace Schengen, pour une durée de moins de 90 jours tous les 180 jours.

Selon l’intéressé, dont les propos ont été relayés par Koha Ditor, principal journal du pays : « C’est un vrai jour de fête, la libéralisation du régime des visas efface la grande injustice subie par les citoyens kosovars, derniers Européens à avoir besoin de visa pour se rendre en UE. »

Un État très pauvre

En 2022, le PIB par habitant du Kosovo atteint 5 340 $ courants, ce qui en fait l’un des États parmi les plus pauvres d’Europe, devant la Serbie (9 537 $), la Roumanie (15 786 $) et même l’Albanie (6 810 $), ceci justifiant une croissance négative de -1,4 % de sa population la même année et le départ de près de 400 000 de ses citoyens depuis la déclaration d’indépendance de 2008.

En 2013, un groupe de réflexion britannique, le Centre for Economic Policy Research avait démontré, via un sondage, que les préférences des Kosovars pour le choix de leur pays d’émigration (hors Allemagne, en tête de classement) étaient la Suisse et les États-Unis (34 % chacun), suivis de près par le Royaume-Uni (29 %), la France (18,2 %), l’Italie (16,2 %) et la Suède (15,2 %).

Faible taux d’activité et pénurie de travailleurs qualifiés

Selon l’édition 2023 du baromètre des Balkans, un sondage diligenté par le Conseil régional pour la coopération, 57 % des Kosovars envisagent de vivre à l’étranger, faisant craindre une importante pénurie de main-d’œuvre dans le pays.

Selon Belgzim Kamberi, directeur du groupe de réflexion kosovar Musine Kokalari (l’Institut pour l’étude des politiques sociales) : « Il existe une situation où se mêle un faible taux d’activité (NDLR, 38,6 %) et une pénurie de travailleurs qualifiés conduisant des entreprises à employer des ouvriers venus du Bangladesh, comme c’est le cas dans la ville de Gjakovë (Djakovica en serbe) au sud-ouest du pays, qui ne constitue d’ailleurs pas un cas isolé en la matière. Une bonne partie de ces travailleurs utilisant les Balkans comme transit pour immigrer en Europe de l’Ouest. »

Le processus avait, en effet, trainé en longueur devant l’inquiétude de la France et des Pays-Bas de voir se reproduire le torrent migratoire du départ de près de 100 000 kosovars, entre novembre 2014 et février 2015, un chiffre énorme si on le rapporte à la population de 1,8 million d’habitants de ce petit pays des Balkans occidentaux.

Un revenu moyen de 500 € par mois

« Le phénomène est identique à l’ensemble des pays de la région et environ 40 % de la population du Kosovo ferait désormais partie de la diaspora, explique Belgzim Kamberi. Ce qui est nouveau c’est que la migration touche aussi les classes moyennes (et plus seulement les catégories populaires) à la recherche d’une meilleure sécurité sociale, d’une meilleure qualité de vie ou d’une meilleure éducation pour leurs enfants. Avec un revenu moyen de 500 € par mois, la vie est devenue plus difficile après la pandémie et les salaires n’ont pas suivi. »

Au mois de septembre, s’opposant en cela au chancelier allemand Olaf Scholz, Emmanuel Macron avait suggéré que la date de libéralisation des visas pouvait fort bien être repoussée si le pays ne faisait pas un effort pour fluidifier ses relations avec son voisin serbe. Un mois et demi plus tard, lors d’une conférence avec Edi Rama, le Premier ministre albanais, il avait proféré des sous-entendus lourds de menaces en déclarant : « Nous avons fait un geste de confiance sur la question des visas. Elle est suspendue, pour ce qui est de la France, au respect de la parole donnée et la parole aujourd’hui n’est pas tenue. J’attends un vrai engagement de ces deux autorités pour avancer dans les prochaines semaines. C’est la condition même de la paix dans toute la région ».

Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si, le même jour, Serbes et Kosovars ont mis fin à une guerre picrocholine qui durait depuis deux ans s’agissant de la possibilité pour les seconds de circuler en voiture dans le pays des premiers sans être obligé de cacher par un autocollant la mention « République du Kosovo » sur leur plaque d’immatriculation.

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