Une idée folle: réinventer l’école!

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L’éducation a été abandonnée à des idéologues qui, en plus de laisser le niveau s’effondrer, y ont laissé prospérer les lobbys identitaires. L’explosion de la violence et l’irruption du terrorisme parachèvent le désastre. Pour Gabriel Attal, le défi est immense et les obstacles, tout autant. Mais son discours de rupture avec le laisser-faire, qui a tenu lieu de politique, donne envie d’y croire.


D’accord, il y a un brin de volontarisme dans notre optimisme. Parce que c’est la vraie dernière chance de sauver l’École. En supposant que ce ne soit pas déjà foutu. Autrement dit, s’il n’est pas déjà minuit et quart, il est moins cinq, docteur Attal. Alain Finkielkraut, qui est depuis longtemps le chroniqueur accablé du désastre, ne sait pas si le ministre de l’Éducation nationale réussira, mais il ne doute pas de la sincérité de son engagement (voir notre entretien de six pages). Nous non plus.

Chute abyssale du niveau

Une chose est sûre : si on n’arrête pas le massacre, si on continue à jeter dans l’âge adulte des générations incapables d’accéder à l’autonomie parce qu’elles ne possèdent pas le langage pour penser ce qu’elles vivent, la France deviendra, non seulement un no man’s land inhabitable, mais aussi une province oubliée du monde. C’est donc la mère des batailles, celle qui devrait obséder tous les gouvernants. Mais depuis des décennies, la plupart ont choisi de participer ou de se soumettre à la vaste entreprise d’escamotage du réel. Une cohorte geignarde de professeurs, syndicats, bureaucrates, pseudo-pédagogues, épaulés par des parents nigauds et des médias enthousiastes, a imposé une vérité parallèle à coups de mantras orwelliens comme « le niveau monte » ou « l’excellence pour tous » – autant proclamer que « l’ignorance, c’est la connaissance ». Leur seule boussole, c’est l’égalité. Sans oublier quelques articles de foi sur le respect des différences et le droit pour chacun de vivre comme il l’entend – mon voile, mon choix.

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Il fallait une sacrée puissance de feu idéologique pour faire perdurer cette fantasmagorie. Ses propagateurs ont réussi à interdire toute remise en cause du collège unique, vache sacrée d’une religion éducative tournant le dos à toute idée de hiérarchie et de compétition – et ne parlons pas de transmission ou de grands auteurs. Loin de tirer les mauvais élèves vers le haut, le collège unique a entraîné tout le monde au fond, les résultats au bac étant à l’ensemble ce que le plan quinquennal était au stalinisme. Logiquement, les seuls à avoir échappé au saccage sont les enfants de bonne famille qui fréquentent le privé ou les établissements de centre-ville. De plus, l’effondrement est cumulatif, les professeurs officiant aujourd’hui étant eux-mêmes issus de cette école au rabais – comme en témoigne l’orthographe hasardeuse de certains.

La chute abyssale du niveau n’est pas la seule maladie de l’École. Au cours des mêmes décennies funestes, l’Éducation nationale a docilement accueilli toutes les lubies identitaires, de la propagande LGBT aux exigences de familles musulmanes. La nébuleuse frériste a parfaitement compris que l’école de la République était son ventre mou. Depuis l’affaire des voiles de Creil, en 1989, elle a multiplié les offensives, exigeant des accommodements souvent concédés en loucedé. La seule manifestation de fermeté de l’État a été la loi de 2004 proscrivant les signes religieux à l’école publique. Trop tardive, elle a pourtant permis une longue rémission. Qui a pris fin avec les attentats de 2015, et l’apparition d’élèves proclamant publiquement qu’ils n’étaient pas Charlie. Depuis l’assassinat de Samuel Paty, la menace qui pèse sur les professeurs est vitale. Parallèlement, on assiste à l’émergence d’une violence apparemment dénuée de toute justification religieuse – songeons à cette collégienne de 12 ans qui a menacé son enseignante avec un couteau de 30 centimètres.

La ritournelle des « valeurs de la République »

On se demandera ce qui nous permet de penser que Gabriel Attal peut être l’homme de la reconstruction. D’abord, le fait qu’il joue à contre-emploi. Ce jeune homme bien né, biberonné au progressisme haut de gamme – ouverture au monde et amour de la culture –,  a dû rompre avec son milieu idéologique pour voir ce qu’il voit. Échaudés par l’expérience décevante de Jean-Michel Blanquer (ce qui ne remet pas en cause ses qualités), les sceptiques répètent qu’Attal, c’est rien que du verbe. Et puis, ajoutent-ils, on ne peut pas faire confiance à quelqu’un qui croit que l’empathie peut s’enseigner en classe. Il est vrai que cette innovation anti-harcèlement semble tout droit sortie d’un texte de Muray. Comment, en quelques heures, inculquer le sens de l’altérité et des limites à des gamins qui paraissent totalement dépourvus de surmoi ? On peut aussi reprocher au ministre d’abuser de la ritournelle des valeurs de la République qui est depuis des années, le paravent de son abandon.

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Toutefois, l’action commence par le verbe. Celui de Gabriel Attal rompt radicalement avec le baratin pédago qui guide l’Éducation nationale depuis un demi-siècle. Outre l’interdiction de l’abaya et les sanctions promises aux trublions ayant refusé d’honorer la mémoire de Dominique Bernard, c’est la première fois qu’un ministre reconnaît nettement la dégringolade du niveau et semble concrètement remettre les savoirs au centre de son ambition. On dira que les sanctions sont trop légères, que les groupes de niveau sont une brèche bien timide dans le sacro-saint collège unique. Que les syndicats sont en embuscade, prêts à torpiller toute initiative marquée du sceau de l’exigence et que, jusqu’à présent, ils ont eu la peau de toute tentative de réforme.

N’empêche. À en croire le braillomètre (invention de Cyril Bennasar qui mesure la pertinence d’une politique aux criailleries qu’elle suscite à gauche), le ministre est sur la bonne voie. Depuis l’annonce de la création de groupes de niveau en maths et en français, il s’affole. D’après Libé, ces dispositifs, avec leurs vilains relents d’élitisme, sont unanimement décriés par les chercheurs. Si la science le dit, peu importe que l’expérience prouve au contraire que l’homogénéité des classes améliore le niveau. Même levée de boucliers contre le retour du redoublement, forcément stigmatisant. En prime, Najat Vallaud-Belkacem et Benoît Hamon, deux anciens ministres qui figurent en bonne place dans la longue liste des fossoyeurs de l’École, sont vent debout tandis que l’ineffable François Dubet, chef de file de la sociologie « effaciste » (Renaud Camus) y va de son couplet contre les « slogans conservateurs ». Reste à espérer qu’on les verra un jour s’étrangler de rage parce que Gabriel Attal ou un de ses successeurs annoncera 60 % de réussite au bac.

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