Les pays anglo-saxons subissent la même pression migratoire que les européens. Mais parce qu’ils sont encore souverains, ils surveillent leurs frontières et choisissent ceux qui peuvent les franchir. Rien de plus normal lorsqu’on veut garder le contrôle de son avenir.
La crise migratoire n’a pas encore commencé : elle est devant nous, selon Nicolas Sarkozy. La situation à Lampedusa démontre en effet que les dirigeants européens sont débordés face à l’ampleur du défi alors que, selon le HCR, sur les 100 millions de migrants dans le monde en 2022, un tiers se dirigent vers l’Occident. Si les Européens ont perdu le contrôle de leur destin migratoire, d’autres pays ont identifié les ressorts d’une politique efficace pour défendre leur civilisation.
Une crise migratoire sans précédent
Les Européens verront dans les prochaines années des millions de migrants se presser à leurs portes. Un flux sans précédent alimenté par l’explosion démographique africaine. La population de ce continent devrait doubler d’ici 2050 pour atteindre 2 milliards de personnes. Seulement, l’Afrique ne dispose pas des structures nécessaires pour dominer sa transition démographique comme l’Europe au XIXe siècle. Ces pays n’offrent ni travail (20 % des jeunes en moyenne sont au chômage), ni logements (20 à 25 % des Africains vivent dans un bidonville), ni nourriture (la guerre en Ukraine a perturbé les chaînes alimentaires dans de nombreux pays qui dépendent à plus de 50 % de la production céréalière russe ou ukrainienne).
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À ce chaos s’ajoute l’instabilité sécuritaire. La décennie qui s’ouvre est marquée par la multiplication des coups d’État (Niger, Mali, Burkina Faso), l’apparition de nouveaux conflits (Soudan) et le pourrissement de conflits antérieurs (Syrie, Irak, Yémen, Éthiopie, République démocratique du Congo, etc.). Autant de pays qui protègent moins bien, ou plus du tout, leurs frontières.
Les Anglo-Saxons choisissent leur immigration !
La pression migratoire ne concerne pas que l’Europe. L’accélération de la mondialisation à partir des années 1980 a démultiplié les flux de personnes, notamment à destination des pays anglo-saxons (États-Unis, Canada, Australie). En Amérique du Nord, il s’agit de trois flux : une immigration européenne qualifiée, une immigration est-asiatique qualifiée et une immigration sud-américaine peu ou pas qualifiée. En Australie, il s’agit d’une immigration peu qualifiée en provenance de l’Asie du Sud et de l’Est (Indonésie, Philippines, Malaisie).
Les pays anglo-saxons choisissent leur immigration. D’une part, les États-Unis, le Canada et l’Australie se sont pleinement engagés dans la guerre des cerveaux. Ils ont adapté leur doctrine migratoire aux impératifs de la course à l’innovation en soutenant une immigration haut de gamme. À titre d’exemple, 42 % des métiers de la science, de la technologie, du génie et des mathématiques (STGM) au Canada sont occupés par des étrangers, un chiffre qui monte à 48 % aux États-Unis. En Australie, 35 % des étrangers ont un diplôme universitaire contre 20 % en moyenne dans l’OCDE. D’autre part, les pays anglo-saxons n’acceptent que des migrants utiles au modèle productif de leur pays. Ainsi, le taux d’emploi des étrangers aux États-Unis (64,7 %) est supérieur à celui des nationaux (61 %). En Australie, la tendance est légèrement inversée : un taux d’emploi de 72,3 % pour les étrangers contre 75,7 % pour les nationaux.
Des mesures concrètes
Les pays anglo-saxons sont souverains et décident de leur politique migratoire. Pour cela, ils garantissent une réelle protection de leurs frontières afin de lutter contre l’immigration illégale. L’Australie dispose ainsi de deux mesures emblématiques : la systématisation du refoulement des bateaux en haute mer par la marine australienne et la création de camps de réfugiés à Nauru et en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour traiter les demandes d’asile. Ces dispositifs sont soutenus par des moyens financiers accrus : le budget du département de l’Immigration et de la Citoyenneté a été multiplié par huit sur la période 2000-2020.
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Concernant l’immigration illégale, les États-Unis vont au-delà des seules mesures matérielles. En effet, toute personne entrant illégalement sur le sol américain ne pourra être ni régularisée ni naturalisée. Sur l’immigration légale, les critères de sélection pour obtenir la carte verte sont drastiques : avoir un talent extraordinaire, investir au moins 500 000 dollars pour créer au moins dix emplois ou justifier de cinq années d’expérience si l’on a un bac +5 avec une attente de deux à trois ans, un délai qui passe de huit à dix ans pour les travailleurs ayant un bac +3 ou moins.
Enfin, les pays anglo-saxons font de l’obtention de la nationalité une chance. En effet, la nationalité américaine, australienne ou canadienne est sanctuarisée et donc difficile à obtenir. D’une part, les immigrés éprouvent déjà des difficultés à obtenir la carte de résident. D’autre part, les conditions de naturalisation sont drastiques (et respectées) : cinq années de détention de la carte verte ou de la carte de résident, maîtrise totale de l’anglais, ne pas avoir été arrêté ou jugé coupable de faits graves ou criminels, et obtention d’un test de citoyenneté. Face à la crise migratoire, l’impuissance publique n’est pas une fatalité. La France et l’Europe doivent être au rendez-vous de l’Histoire. Les Anglo-Saxons ont réussi à concilier une attractivité forte pour gagner la guerre des cerveaux tout en refusant l’immigration non souhaitée. Ils ont simplement décidé de garder le contrôle de leur destin.
William Thay est président du thinktank gaulliste et indépendant Le Millénaire. Matthieu Hocque est Consultant senior chez Capgemini Invent.
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