Âgé d’une cinquantaine d’années, cet enseignant agrégé de lettres avait fait toutes ses études dans le Nord. Un ancien camarade de classe à l’université – “effondré par cette nouvelle” – se rappelle d’un “homme très fin et très érudit”.
“Érudit”, “brillant” et spécialiste de Julien Gracq
“C’est un cauchemar, je suis dans un mauvais film.” Paule Orsoni peine à retenir ses larmes au téléphone. Cette professeure de philosophie retraitée avait co-fondé l’université populaire du Nord Pas-de-Calais avec Dominique Bernard, en 2002, dans la lignée de celle de Michel Onfray. La création de cette structure, aujourd’hui fermée, illustre “l’engagement du côté du savoir critique et d’esprit d’émancipation” que les deux professeurs souhaitaient partager.
“Dominique était quelqu’un de très brillant, décrit-elle. Il était passionné par la littérature, par Julien Gracq, par la poésie de René Char… Il aimait la philosophie aussi.” Elle parle également de ses discussions plaisantes avec lui : “nous aimions rire ensemble.”
“Il a montré son courage”
Selon les premiers éléments de l’enquête, on sait que Dominique Bernard s’est fait poignarder au cou et au thorax alors qu’il tentait de s’interposer face à l’assaillant à l’entrée de l’établissement.
“Il voulait notre bien”
Matéo Chevalier, apprenti en hôtellerie-restauration, était l’un de ses élèves en classe de 4ème. Il se rappelle d’un professeur “très sympa, calme, qui ne s’énervait pas facilement.” Et d’ajouter : “Moi qui n’aimais pas forcément le français, j’ai bien aimé apprendre avec lui. On voyait qu’il voulait nous aider.”
“Il était à l’écoute, c’était un super prof, ça se voit qu’il voulait notre bien”, raconte un autre ex-élève de Dominique Bernard. “Jamais il criait sur les élèves, on rigolait souvent avec lui”, ajoute un autre, qui a appris la tragique nouvelle alors qu’il était en cours ce matin.
“Il a sans doute sauvé plusieurs vies.” C’est avec ces mots qu’Emmanuel Macron a rendu hommage à Dominique Bernard, professeur de français à la cité scolaire Gambetta-Carnot à Arras qui a été assassiné ce vendredi 13 octobre lors d’une attaque terroriste. L’enseignant était âgé de 57 ans. Il a été mortellement poignardé par Mohammed Mogouchkov, assaillant tchétchène âgé d’une vingtaine d’années qui faisait l’objet d’une fiche S par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Pas “d’animosité” avec les élèves
Le secrétaire régional du syndicat Unsa Éducation confie par ailleurs qu’il n’y avait “aucune animosité” entre Dominique Bernard et les élèves de l’établissement. “Ni lui ni aucun de ses collègues ne se sentaient en danger. C’est d’ailleurs ça qui fait que c’est choquant. Ça fait prendre conscience que ça peut arriver à côté de chez nous. Ça se passe dans notre département, dans notre ville.“
En fin de journée, à Arras, le climat était marqué par un “choc émotionnel“, toujours selon les mots de Nicolas Penin. “Il y a eu un moment de flottement, puis c’était la panique. L’état d’esprit est lourd. On se dit que quand on est lycéen, ou quand on enseigne, ce n’est pas pour aller se faire assassiner.” L’établissement où l’attaque a eu lieu doit rouvrir samedi afin de rendre hommage à Dominique Bernard. “On va essayer de remettre de l’humain dans quelque chose de totalement inhumain“, conclut Nicolas Penin.
Ava, la collégienne qui a assisté à la mort de son professeur, tient à lui rendre hommage auprès de Charlie Hebdo, la voix tremblante : « Il parlait français avec, genre, des manières d’une autre époque un peu, un beau langage très soutenu. Et on en rigolait avec lui. C’était un nounours, il était trop gentil. Ça me fait mal au cœur de me dire qu’il est mort en défendant ses élèves et ses collègues quoi. »
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