La Suisse n’existe plus, de Nicolas Jutzet

Francis Richard
Resp. Ressources humaines

La Suisse n'existe pas plus ? Telle est la question à laquelle répond Nicolas Jutzet dans cet essai. La Suisse n'est plus ce qu'elle était, même si elle a de beaux restes. Son déclin est en effet furtif. Il est rien moins qu'évident.

Ce qui a fait la prospérité de la Suisse et le bonheur d'y vivre?

  • Ses institutions inclusives qui garantissent le droit de propriété, le respect des contrats, l'égalité devant la loi, bref qui sont respectueuses de la liberté.
  • Sa culture de la promotion au mérite, de la prise de risque, de l'importance de la figure de l'entrepreneur et de la responsabilité individuelle.

La Suisse n'est pas devenue prospère en un jour. L'immigration des huguenots, la révolution industrielle, les innovations techniques sont à l'origine de sa prospérité et ... l'absence d'intervention de l'État dans son économie.

L'instauration de l'État fédéral en 1848 a été un passage crucial. Des singularités institutionnelles ont alors été adoptées. Un équilibre en a résulté permettant de réduire les mécontentements en limitant le pouvoir de chacun:

  • la démocratie semi-directe
  • le principe de milice
  • la décentralisation
  • la concordance.

Les signes de déclin sont pourtant là avec le vieillissement de la population, la faible natalité - facteurs de décroissance et de baisse de la productivité -, l'augmentation des dépenses publiques et du nombre d'emplois publics.

Deux mutations se sont produites depuis les années 1990 qui ont eu pour conséquence un divorce préjudiciable entre économie, politique et population:

  • L'internationalisation de l'économie: les dirigeants des grandes entreprises suisses sont de plus en plus des étrangers, qui plus est des salariés, qui ne font plus valoir d'arguments économiques dans les décisions politiques.
  • La professionnalisation des politiques: le principe de milice est abandonné et l'emprise de l'État sur la société s'en trouve aggravée parce que les politiques n'exercent plus d'activité dans la société et finissent par s'homogénéiser.

Ces deux mutations se sont traduites par une étatisation et une centralisation qui sont néfastes pour la population:

Un pouvoir d'achat moins élevé, davantage d'impôts et taxes, moins de liberté car étouffée par la bureaucratie et, surtout, des réponses étatiques de moindre qualité, car moins soumises à la concurrence et à la comparaison que par le passé.

Pour remédier au fait que le Parlement aurait trop à faire, ce qui justifierait sa professionnalisation, l'auteur suggère quelques pistes:

  • Décentraliser massivement les responsabilités de la Confédération aux cantons et aux communes, ce qui renforcerait l'engagement à un échelon plus local.
  • Limiter la possibilité d'intervention de chaque élu, la quantité et la densité réglementaire: par exemple toute nouvelle subvention devrait être accompagnée de la suppression d'une subvention de même montant.
  • Limiter le nombre de mandats sans possibilité de dérogation.
  • Introduire une dose de tirage au sort dans le processus électoral: par exemple, pour l'élection au Conseil national, les députés seraient tirés au sort sur la liste proposée par un parti en proportion du score obtenu au lieu que soient élus les premiers de la liste.

Pourquoi pas? L'auteur rappelle, à raison et à titre d'exemple, que le frein à l'endettement introduit au début des années 2000 explique pourquoi l'étatisation observable en Suisse n'est pas aussi étendue que dans d'autres pays.

L'immixtion croissante de l'État n'en est pas moins observable et conduit, hélas, au désengagement des citoyens, à leur passivité, à leur déresponsabilisation, à un désamour pour la liberté, à une servitude volontaire moderne.

L'auteur propose une autre piste, qui revient à convaincre par l'exemple. L'idée qui la sous-tend est de concurrencer les modèles de gouvernance existants par la création d'un canton de la liberté, de façon virtuelle puis physique.

Cette création s'inspirerait du modèle des zones économiques spéciales, s'affranchirait des obligations des autres cantons, ne recevrait aucune aide de la Confédération1 et serait complètement libre et responsable de sa gestion:

Il s'agirait d'un laboratoire démocratique ambitieux, qui permettrait à une échelle réduite des solutions impossibles ailleurs à cause de l'étendue de la bureaucratie et de l'inertie qu'elle engendre.

Cet essai roboratif bouscule les idées reçues sur une Suisse fantasmée qui n'existe plus, ne se contente pas de souligner les dérives du modèle qui l'a rendu prospère, propose des pistes crédibles pour qu'elle ressuscite.

 

Francis Richard

 

1 - La péréquation financière, qui sanctionne les cantons qui réussissent en les forçant à redistribuer une partie de leurs recettes aux cantons à la peine, freine la concurrence entre les cantons et masque toujours davantage les choix hasardeux de certains mauvais élèves...

(voir mon article sur la péréquation financière en France du 6 mais 2023: les mêmes causes y produisent les mêmes effets...)

 

La Suisse n'existe plus, Nicolas Jutzet, 152 pages, Slatkine

 

Collectif sous la direction de Nicolas Jutzet:

Faut-il tolérer l'intolérance ? - Défis pour la liberté (2022)

 

Collectif sous la direction de Nicolas Jutzet et Victoria Curzon-Price:

Les défis de l'après-Covid (2021)

 

Publication commune avec Le blog de Francis Richard

2 commentaires

  1. Posté par Serguei le

    Le résultat est actuellement le même que dans un régime communiste. Il engendre une démoralisation et une forme d’abandon de la liberté par une pseudo sécurité d’état. C’est exactement ce qui se passe en Suisse.

  2. Posté par CiGîtLaSuisse le

    On voit bien là le PLR pour lequel seul le FRIC compte. RIEN sur ce méta-événement qu’est l’immigration, qui a non seulement triplé la population du pays en 1 siècle, mais a profondément changé la mentalité du pays et LA TOTALITE de ses caractéristiques, en particuclier socio-politiques. L’immigration démente a détruit la Suisse !

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