Fausses ordonnances, prêts de cartes vitales… : le trafic de médicaments explose en France

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En réseaux et en milliards, le trafic de médicaments est passé devant celui des stupéfiants. La lutte, menée par l’Oclaesp, s’intensifie. Ces produits coûteux sont souvent envoyées vers des pays demandeurs, comme ceux du Maghreb ou encore l’Égypte, où les frais de santé ne sont pas pris en charge

Tout se loue. Même les cartes Vitale. Dans les cités où ils sont démarchés, ou via les réseaux sociaux où les offres sont multiples, certains acceptent de prêter leur pièce administrative et de faire des achats pour des tiers. En échange de 300 euros environ, et après avoir reçu une fausse ordonnance à leur nom, ils poussent la porte d’une pharmacie pour demander divers médicaments. Une visite qu’ils pourront accomplir une seule fois, ou bien à différentes reprises, en écumant les pharmacies , s’ils sont munis de plusieurs prescriptions. Ces mules de cités tournantes, qui, le plus souvent, rejoignent occasionnellement des réseaux, acceptent ainsi de faire les petites mains au sein de vastes trafics dont on parle moins que d’autres: ceux des médicaments.

Il s’agit pourtant d’un véritable fléau qui frappe tous les pays et qui garantit aux trafiquants des mannes financières considérables, à faire pâlir d’envie les barons de la drogue. « C’est devenu le premier trafic au monde, bien avant les stupéfiants », explique Bruno Maleine de l’Ordre national des pharmaciens. « Selon Interpol, ce commerce illicite rapporte dix à vingt fois plus que celui de l’héroïne », souligne le général Sylvain Noyau, le chef de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp). Tantôt entreposés dans des conteneurs, tantôt discrètement acheminés chez des particuliers par voie postale après des commandes passées sur des sites étrangers, des millions de comprimés contrefaits et non contrôlés déferlent sur tous les continents. En France, chaque année, les douanes interceptent 2 à 3 millions de faux médicaments. […]

Très convoitées, les pharmacies sont ainsi devenues, aux yeux des trafiquants, aussi intéressantes que les bijouteries de luxe. Depuis quelques années, elles disposent de médicaments aussi onéreux qu’une montre de marque, comme ceux contre les cancers. Une boîte coûte plusieurs milliers d’euros. « Avant, ces produits étaient délivrés à l’hôpital. Mais depuis que des patients, souffrant de pathologies graves, sont soignés chez eux, on a fait en sorte que leur traitement soit disponible en ville, dans les officines », explique Bruno Maleine. Les trafiquants l’ont bien compris et redoublent d’efforts en démultipliant les fausses ordonnances et en dérobant les carnets vierges pour les prescriptions, parfois même en s’aidant de médecins et de pharmaciens peu scrupuleux.

Ces produits coûteux rejoignent aussitôt les pays demandeurs, comme ceux du Maghreb ou encore l’Égypte, où les frais de santé ne sont pas pris en charge. « Les trafiquants répondent souvent à des commandes», précise Sylvain Noyau. Le patron de l’Oclaesp constate une consolidation des trafics de médicaments. Et pour cause: en plus d’être rentables, ils font courir moins de risques à ceux qui les animent. « Les peines de prison n’ont rien à voir: 7 ans de prison et 700.000 euros d’amende encourus pour le médicament, contre 30 ans et 7 millions pour les stupéfiants , souligne-t-il. Il y a par ailleurs moins de danger à se faire contrôler avec une boîte de médicaments sur soi qu’avec de la cocaïne. » Autre avantage de taille: il n’y a rien à débourser pour cette marchandise qui, avec le jeu des prises en charge, est payée par l’État… Par conséquent, le haut gradé de la gendarmerie nationale constate un repositionnement des réseaux criminels. « Certains abandonnent la drogue et basculent sur le médicament », rapporte-t-il. […]

Les trafiquants, eux, en profitent. Consigne est donnée aux mules d’arriver dans les pharmacies aux heures de pointe, quand tout le monde est débordé. Tous les subterfuges sont alors utilisés pour déjouer les contrôles, comme l’invariable « j’ai oublié ma carte Vitale mais j’ai une attestation de la carte ». Si les attestations ne se louent pas, au contraire de la carte, elles se vendent en revanche très bien. Dans les cités, la plupart du temps. […]

Le Figaro

 

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