Manipur (Inde): deux femmes Kuki violées et exhibées nues dans les rues par un groupe d’hommes

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Ndlr. Vous entendez les manifestations de masse, les pétitions, les protestations devant les ambassades concernées et les hurlements quotidiens de nos féministes? Trop occupées à la chasse à l’homme blanc, macho, de plus de 50 ans, ennemi prioritaire, etc., et au changement des noms de rues, par exemple à Genève?

Une vidéo choquante montrant deux femmes nues exhibées et agressées par une foule d'hommes à Manipur, dans le nord-est de l'Inde, a mis la lumière sur un  conflit tribal qui a fait plus de 140 morts et des dizaines de milliers de déplacés depuis le début du mois de mai. Selon notre Observatrice, ces images témoignent du fait que le corps des femmes a été utilisé comme "terrain de conflit" depuis que la loi martiale a été imposée à l'État dans les années 1970.

Capture d'écran d'une vidéo montrant des femmes défilant nues et agressées sexuellement dans l'État de Manipur, en Inde, le 4 mai 2023.
Capture d'écran d'une vidéo montrant des femmes défilant nues et agressées sexuellement dans l'État de Manipur, en Inde, le 4 mai 2023. © Observers

La vidéo remonte au 4 juillet mais elle est apparue sur les réseaux sociaux le 19 juillet. Elle dure 26 secondes :  deux femmes nues, membres de la minorité Kuki de l’État du Manipur, sont poussées sur un chemin et forcées à avancer par un groupe d’hommes de l'ethnie majoritaire Meitei. Plusieurs hommes leur mettent la main aux fesses, et l’un touche ouvertement les parties génitales d’une des victimes avant que la vidéo ne coupe. Selon une plainte déposée auprès de la police, l'une des femmes, âgée de 21 ans, a été "brutalement violée par un groupe d'hommes en plein jour", tandis que l'autre a réussi à s'échapper.

Les Meitei représentent 53 % de la population du Manipur, un État multiethnique situé à la frontière de l'Inde avec la Chine et la Birmanie. Il compte 34 communautés tribales différentes, et les conflits interethniques y sont légion, si bien que l’État est soumis à la loi martiale. Le Maripur est actuellement gouverné par le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP), aussi au pouvoir en Inde.

Ethnie majoritairement hindoue contre ethnie majoritairement chrétienne

Le 4 mai, la tension est vive au lendemain d'émeutes ethniques meurtrières entre les Meitei, majoritairement hindous, et les Kuki, majoritairement chrétiens. Les violences ont été déclenchées par une controverse sur la discrimination positive : les Kukis, qui ont déjà le statut de "tribu répertoriée" leur garantissant des quotas pour les emplois publics et des places à l'université, protestaient contre une proposition visant à étendre le même statut aux Meitei, majoritaires dans la population.

Les violences ont depuis fait au moins 140 morts et provoqué le déplacement 60 000 personnes. Des entrepôts d’armes dans des locaux de police ont été pillés, des centaines d'églises Kuki attaquées, plus d'une douzaine de temples Meitei ruinés et des villages ont été détruits.

Après des mois de silence, le Premier ministre indien, Narendra Modi, s'est finalement exprimé sur les violences dans le Manipur le 20 juillet, en réponse à la vidéo : "Mon cœur est rempli de chagrin et de colère. L'incident survenu à Manipur est une honte pour toute société civile". Le même jour, la police ouvrait une enquête pour viol collectif, arrêtait quatre hommes, et annonçait que d’autres arrestations suivraient.

"Les corps des femmes du Manipur sont utilisés comme terrain de guerre depuis les années 1970"

Notre Observatrice, Binalakshmi Nepram, qui a fondé la Northeast India Women Initiative for Peace, a critiqué le temps de réaction des autorités alors qu'une plainte avait été déposée auprès de la police quelques jours seulement après l'incident:

 

Ce n'est pas la première fois que des femmes manipuriennes sont victimes d'abus sexuels, cela s'est produit à d'innombrables reprises et personne n'a été puni jusqu'à présent. Les hommes jouissent d'une impunité totale dans notre État.

Le viol horrible dont il est question dans la vidéo publiée cette semaine a eu lieu en mai, mais il a fallu attendre 78 jours pour que des mesures soient prises, que des arrestations aient lieu et que le Premier ministre prenne la parole. Cela ne donne évidemment pas confiance dans les autorités.

Au Manipur, le corps des femmes est utilisé comme terrain de guerre depuis les années 1970, lorsque la contre-insurrection a commencé. Nous avons une loi martiale qui accorde une immunité totale au personnel des forces armées opérant dans l'État du Manipur. Il y a eu en conséquence plusieurs accusations de violences sexuelles et de viols commis par des membres des forces de sécurité armées.

Par exemple, en 2004, une femme appelée Thangjam Manorama a été victime d’un viol collectif brutal de la part des forces paramilitaires indiennes. Elle a reçu sept balles dans le vagin pour détruire les preuves du viol... Le fait qu’aucun coupable ne soit identifié dans cette affaire de viol et de meurtre avait donné lieu à des manifestations de grande ampleur dans le Manipur. Cet incident, tout comme la récente vidéo, a choqué le pays et le Premier ministre indien a été contraint de reconnaître la violence.

https://observers.france24.com/fr/asie-pacifique/20230721-inde-viol-manipur-ethnie-violences-kuki-meitei

 

Voir aussi: Manipur (Inde) : 120 églises détruites suite à des affrontements entre communautés (23 mai 2023)

État de Manipur (Inde) : guerre civile entre chrétiens et hindous, plus de 250 églises brûlées et 130 morts (18 juillet 2023)

 

https://www.youtube.com/watch?v=kqrzE8IwdtM

 

 

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