La chute de l’identification partisane en Suisse et ses conséquences pour les échéances électorales

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OPINION. L'UDC se situe dans une bonne position pour gagner les voix de celles et ceux qui ne s'identifient à aucun parti et dont le nombre est en hausse, constatent les spécialistes de sociologie politique Anke Tresch, Line Rennwald et Lukas Lauener

Pouvoir compter sur un nombre élevé de sympathisant·e·s constitue une ressource cruciale pour les partis politiques. Sans adhérer formellement à un parti, il est courant que les citoyennes et citoyens déclarent se sentir proches d'un parti. Il s'agit alors pour les partis de mobiliser en priorité ces personnes-là lors des échéances électorales. Dans le cadre de la démocratie directe également, les votant·e·s ont souvent tendance à suivre le mot d'ordre de leur parti préféré. On parle en science politique d'identification partisane pour qualifier un lien affectif à un parti servant de filtre dans le traitement des informations politiques. Cependant, le nombre de personnes s'identifiant à un parti politique a fortement chuté dans de nombreuses démocraties occidentales.

La part des personnes se déclarant proches d'un parti, passée de 52% en 1971 à 31% en 2019

Les données de l'étude électorale suisse Selects menée par le Centre de compétences suisse en sciences sociales (FORS) à Lausanne permettent de quantifier l'ampleur du changement. En analysant les enquêtes post-électorales sur la période 1971-2019 (auxquelles ont participé plus de 40 000 personnes), nous avons constaté une baisse importante de l'identification partisane en Suisse.* En 1971, plus de la moitié (52%) des personnes interrogées se déclaraient proches d'un parti. Depuis les élections de 1995, cette proportion n'a plus jamais dépassé la barre des 40% et s'est stabilisée depuis 1999 autour des 30-35% (elle était de 31% en 2019). La Suisse se place ainsi parmi le groupe de pays avec un taux faible.

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La baisse de l'identification partisane est particulièrement marquée pour l'ancien Parti démocrate-chrétien, aujourd'hui Le Centre, qui a vu sa proportion de sympathisant·e·s divisée par trois entre 1971 et 2019. Le Parti socialiste a aussi connu une chute marquée avec une réduction de moitié, suivie par les Libéraux-Radicaux (PLR). Seule l'Union démocratique du centre (UDC) a connu une augmentation de ses sympathisant·e·s depuis 1999, en parallèle à l'augmentation de sa force électorale.

> La conquête des voix des personnes qui ne se déclarent proches d’aucun parti constitue un enjeu crucial pour les partis.

Dans ce contexte, la conquête des voix des personnes qui ne se déclarent proches d'aucun parti constitue un enjeu crucial pour les partis. Toutefois, cela n'est pas chose aisée, car les personnes non attachées à un parti sont bien plus souvent des abstentionnistes. Seul un tiers des personnes sans identification partisane se rend en général aux urnes. Sur l'ensemble de la période étudiée, les partis non gouvernementaux ont mieux réussi à convaincre les personnes sans attaches partisanes. Il en va de même de l'UDC qui obtient depuis 1999 des scores légèrement supérieurs à sa force électorale auprès des personnes ne s'identifiant à aucun parti. Alors que le PLR et Le Centre obtiennent des scores ni particulièrement bons ni particulièrement mauvais dans ce groupe, le PS est par contre régulièrement à la peine. Depuis 1999, il réalise des scores plus faibles que son résultat d'ensemble auprès des personnes ne s'identifiant à aucun parti.

### Les personnes favorables à l'adhésion à l'UE se sentent plus souvent proches d'un parti politique que les adversaires de l'UE

L'âge constitue un déterminant central. Etre proche d'un parti est en effet beaucoup plus courant parmi les générations plus âgées, nées avant 1965. L'attachement partisan est aussi plus répandu chez les hommes, les personnes avec une formation tertiaire, ainsi que chez les personnes avec un revenu élevé. Les catholiques ou protestants déclarent aussi plus souvent une identification partisane que les personnes sans affiliation religieuse. En termes de profil politique, les personnes favorables à l'adhésion à l'UE se sentent plus souvent proches d'un parti politique que les adversaires de l'UE. Les personnes soutenant une augmentation des dépenses sociales sont aussi plus souvent attachées à un parti.

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Sous plusieurs aspects, l'UDC se situe dans une bonne position pour gagner les voix de celles et ceux qui ne s'identifient à aucun parti. En effet, plusieurs caractéristiques du profil des «non-affiliés» rappellent celui de l'électeur UDC typique: le faible niveau de formation, les revenus bas à moyens, l'opposition à l'UE et à l'Etat social. Cependant, avant les élections fédérales 2023, le nombre important de femmes et de jeunes parmi les personnes sans attaches partisanes ouvre aussi un boulevard à tous les autres partis.

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* Tresch, A., Rennwald, L. & Lauener, L. (2023). «L'évolution des identifications partisanes en Suisse 1971-2019», Social Change in Switzerland, no 34, [www.socialchangeswitzerland.ch](http://www.socialchangeswitzerland.ch)

_Anke Tresch est professeure à l_'_Unil et responsable de l_'_étude électorale suisse (Selects) au Centre de compétences en sciences sociales (FORS). Line Rennwald est chargée de recherche à FORS et chargée de cours à l_'_Unil. Lukas Lauener est collaborateur scientifique à FORS et doctorant à l_'_Unil. _

 

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