La fausse enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université, annoncée mais pas réalisée par les autorités de tutelle, montre l’absence de confiance que l’on peut avoir dans la parole du gouvernement. Elle démontre aussi la lâcheté de celui-ci, comme de l’Université, quand il s’agit de défendre réellement les libertés académiques. Le coup de gueule de Céline Pina.
Quand on soupçonne une emprise idéologique dans des secteurs comme les sciences humaines, qui sont des cibles privilégiées pour des mouvements radicaux et qui ont déjà fait l’objet de mainmise idéologique dans l’histoire, une enquête s’impose ! Que cette dernière soit devenue impossible à mener, au point d’être considérée comme trop risquée politiquement, aurait plutôt tendance à valider l’existence de l’emprise idéologique, contraire aux exigences de la démarche scientifique et à la liberté de la recherche. L’histoire de la fausse enquête sur l’islamo-gauchisme à l’Université est révélatrice de ce qui est en train de tuer la démocratie : le cynisme d’un gouvernement dont les déclarations non suivies d’effets remplacent l’action, et la lâcheté qui consiste à nier l’existence d’un problème quand celui-ci parait politiquement trop coûteux à affronter.
Rappelons les faits. En février 2021, Frédérique Vidal annonce à l’Assemblée nationale qu’elle veut diligenter une enquête sur la nécessité de distinguer à l’université, ce qui relève « du militantisme et de l’opinion » plutôt que de la démarche scientifique. En ligne de mire, le sentiment que l’Université devenait l’otage d’une idéologie islamo-gauchiste qui favorisait certains enseignements pour mieux en délégitimer d’autres, une idéologie qui refusait le débat, diabolisait ses contradicteurs et exerçait une forme de censure larvée contre certains chercheurs et certains enseignements. Une résurgence du terrorisme intellectuel qui avait caractérisé l’emprise marxiste qui sévissait à l’université dans les années 50/60.
Réflexes corporatistes et levée de boucliers des proches de cette mouvance censée ne pas exister…
Levée de bouclier immédiate au CNRS, dont le dirigeant, Antoine Petit est très favorable aux thèses dites « décoloniales », à la montée du concept de race dans les sciences sociales comme à la bouillie de chat « intersectionnelle ». Pour lui, l’islamo-gauchisme n’est pas un objet scientifique. Et vouloir veiller à ce que l’idéologie ne prenne pas le pas sur la connaissance objective, une façon de s’en prendre aux libertés académiques ! La conférence des Présidents d’université lui emboite le pas dans un réflexe corporatiste, sans se soucier du fait que la mainmise d’une idéologie sur l’Université, c’est justement la mort effective de cette liberté. Comme le dit Xavier-Laurent Salvador, co-fondateur de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires et maître de conférence à l’Université, « les libertés académiques ne doivent pas devenir l’alibi des dérives militantes qui les compromettent et les censurent ». A ce titre, mener une enquête objective aurait été une bonne manière de protéger réellement ces fameuses et indispensables libertés.
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Or c’est exactement ce qui n’a pas été fait par le gouvernement. En effet, à peine la déclaration de la ministre faite, un groupe de six enseignants chercheurs militants, appartenant à la mouvance islamo-gauchiste, groupe dont font partie notamment Nacira Guenif et Eric Fassin, a déposé un recours pour demander l’annulation de l’enquête. Le ministère a donc produit un mémoire en défense. Or des fuites sur son contenu viennent de révéler la ligne de défense de la ministre : la procédure de ces enseignants-chercheurs est irrecevable car la ministre n’a jamais saisi aucun organisme pour mener une quelconque enquête. L’enquête sur l’islamo-gauchisme n’était donc bien qu’un effet d’annonce.
Le bilan désastreux d’un mensonge institutionnel
Pour ceux qui font partie des acteurs de la dérive militante, l’occasion est trop belle d’expliquer que la déclaration sur l’islamo-gauchisme de la ministre a « entretenu un climat d’intimidation au sein du monde universitaire », se faisant ainsi passer pour les victimes d’une chasse aux sorcières. On ne peut cependant leur donner tort d’exploiter la stupidité de la ministre dans leur combat politique.
Sur le fond, le bilan est désastreux. Le lien entre certains courants de la gauche et l’islamisme, dans sa version Frères musulmans notamment, est renseigné. Pierre-André Taguieff a interrogé et défini la notion, mais surtout, les conséquences de l’emprise de cette idéologie sont très marquées dans la sphère politique et intellectuelle. C’est une idéologie qui ne propose aucun modèle de société explicite (l’Oumma en est l’aboutissement logique mais cela n’est jamais affirmé). Elle a pour rôle avant tout d’instruire des procès et de chasser hors du champ moral tout ce qui n’est pas elle. En politique elle implique de légitimer la violence au nom de l’oppression subie et toutes les valeurs universelles et occidentales sont réduites à des outils favorisant la domination blanche contre la figure de l’opprimé universel : le musulman. Cette mythologie édifiée, elle sert à nourrir la haine contre les sociétés occidentales au nom de la défense de l’Oumma, la communauté des musulmans. À cette posture de base, se greffe tout ce qui peut contribuer à mettre en accusation la société, même si cela s’avère incompatible avec la radicalité religieuse. C’est ainsi que stratégiquement, les Frères musulmans investissent les associations antiracistes, LGBT, soutiennent en sous-main les associations trans les plus radicales, investissent la cause féministe etc… Ce qui les intéresse n’est pas le fond des luttes mais leur potentiel destructeur, déstabilisateur et fournisseur de haine à engranger. Cette histoire n’est pas nouvelle, la révolution islamiste en Iran l’illustre. Toutes les fois où les gauchistes ont cru à une alliance avec les islamistes, l’histoire s’est toujours mal terminée pour les gauchistes, mais à chaque fois ils sont fidèles au rendez-vous, l’excitation provoquée par la possibilité de faire chuter un régime prenant le pas sur toute considération sur la société qui en sortira après.
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L’université, cible récurrente des idéologies totalitaires
Pour revenir à l’Université, l’idéologie l’a déjà fortement investie et celle-ci a montré à quel point elle pouvait être lâche et peu efficace quand les valeurs académiques sont réellement menacées. On se souvient d’un Sartre traitant de « chiens » ceux qui ne professaient pas le marxisme-léninisme, donc leur déniant leur humanité. On se souvient de tous les idéologues pour qui la quête de vérité, l’analyse des faits, le réel ne comptent pas. Tout doit plier devant la « vérité révolutionnaire » : il valait mieux avoir « tort avec Sartre que raison avec Aron ». De la même façon, les islamo-gauchistes dénoncent l’université comme le lieu de la reproduction de la domination des Blancs sur les non-Blancs. Lieu où se forgent les représentations de la jeunesse, il doit être investi par les apôtres du Bien qu’ils sont pour que la justice puisse être répandue. Cela tombe bien, c’est aussi le projet des Frères musulmans. Investir l’Université c’est se doter d’une arme de légitimation massive pour des idées qui ont vocation à susciter la haine, le rejet et le séparatisme en distinguant soigneusement le pur de l’impur, en rejetant à l’extrême-droite tout ce qui se dresse contre cette volonté de remplacer la quête de la vérité et des faits par la morale et la censure idéologique. Les Frères musulmans ont très bien compris cela et ont su trouver des chercheurs en sciences sociales pour diffuser leurs discours identitaires et victimaires. Florence Bergeaud-Blackler le montre très bien dans son ouvrage sur « le frérisme et ses réseaux ». Oser prendre position sur la question de « l’islamophobie » pour en faire l’étude critique par exemple, c’est courir le risque de se faire attaquer par un certain nombres d’élèves et de collègues, mettre à mal sa réputation en étant accusé d’appartenir à l’ « extrême-droite », subir des procès en « racisme », risquer de déplaire à l’Université qui vous emploie. Au final, c’est souvent un frein à une carrière.
La science, cible de l’idéologie islamiste
Or l’Université est une cible de l’idéologie islamiste. Elle ne s’en cache pas. Pour les frères musulmans, il s’agit d’apporter à la science athée et matérialiste des occidentaux, la guidance de l’islam et de soumettre la quête scientifique à la validation coranique. Conscients que s’attaquer aux sciences exactes serait compliqué dans un premier temps, ce sont les sciences humaines qui ont été ciblées. Le projet de mise sous tutelle est présenté sous forme d’une approche éthique de certains enjeux. L’assaut est mené conjointement côté religieux et côté racial. Il peut parfois très bien fonctionner. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, des scientifiques ont dû réagir face à un groupe de travail du gouvernement qui, pour réhabiliter une « science autochtone », avait écrit que la science « serait une invention de l’Europe occidentale, constituant en soi une preuve de la domination européenne sur les maoris et les autres peuples indigènes ». Jerry Cyne, célèbre biologiste et professeur à l’université de Chicago, a dénoncé de son côté les attaques contre la science venant de la gauche aux États-Unis : négation de l’existence des sexes, revendication de décolonisation de la « science occidentale », attaques contre la théorie de l’évolution… Il remarque que si les créationnistes ont pu être vaincus, si les antivax et complotistes restent marginaux et combattus, les attaques contre la science au nom de l’idéologie racialiste proviennent de l’intérieur du système éducatif et ne sont pas combattues. Mendel, le père de la génétique, est ainsi accusé d’être raciste, parce que ses théories déplaisent à des idéologues politiques et que le simple fait de s’intéresser aux différences génétiques entre populations est devenu tabou.
Or, je le disais, nous avons déjà connu, grâce au communisme, l’effet d’une corruption de la science par l’idéologie. Trofim Lyssenko en est le meilleur exemple : il avait opposé la notion de science prolétarienne à celle de science bourgeoise, pour le plus grand malheur de la démarche scientifique tout court. À tel point que le lyssenkisme désigne aujourd’hui une science corrompue par l’idéologie qui piétine les faits quand ils sont contraires à ses représentations. La question aujourd’hui est : allons-nous laisser encore une fois la fausse exigence de vertu d’idéologues politiques corrompre la quête de savoir, ou l’Université est-elle prête à protéger vraiment les libertés académiques ? Avec cette triste affaire, où le déni domine, on peut avoir des craintes. Ou alors: chiche, Mme Sylvie Retailleau, faites réellement l’enquête promise par Mme Vidal !
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