Une enquête d’un syndicat montre que de nombreuses entorses à la laïcité ne sont pas remontées par les chefs d’établissements auprès de leur hiérarchie

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Selon une enquête parue ce mercredi du Syndicat national des personnels de direction de l’Education Nationale, menée aupès de auprès de 994 chefs d’établissements du secondaire via Internet,   42 % des chefs d’établissement  font état d’élèves entrés en classe avec des tenues vestimentaires dites « culturelles », mais qui peuvent « être utilisées dans le cadre d’une pratique religieuse », au cours du premier trimestre de l’année scolaire 2022-2023. D’autres atteintes à la laïcité sont constatées par les chefs d’établissements, qui ne les signalent pas systématiquement à leur hiérarchie. Dans certains lycées, on préfère ne pas réagir aux tenues vestimentaires qui interrogent, car un trop grand nombre d’élèves les portent.

Ce sont eux qui doivent apprécier si ces vêtements sont des signes d’appartenance manifeste à une religion. Une responsabilité qu’ils ne veulent plus porter seuls. Ils demandent une clarification des règles en la matière.

Difficile désormais de croire que les atteintes à la laïcité en milieu scolaire sont des cas isolés. Selon une enquête du Syndicat national des personnels de direction de l’Education Nationale (Snpden-Unsa) parue ce mercredi, 42 % des chefs d’établissement font état d’élèves entrés en classe avec des tenues vestimentaires dites « culturelles », mais qui peuvent « être utilisées dans le cadre d’une pratique religieuse », au cours du premier trimestre de l’année scolaire 2022-2023. Il s’agit le plus souvent d’abayas (longues robes noires) et de qamis (une longue tunique pour les hommes).

Et si l’on isole les lycées, ce sont 72 % des proviseurs qui ont constaté ce type de tenues dans leurs murs, sans pour autant qu’ils précisent combien d’élèves ont été concernés et à quelle fréquence cela s’est produit. « Ces constats se font majoritairement dans des établissements situés dans les grandes métropoles ou leurs banlieues, et plus souvent en REP », note Carole Zerbib, proviseure-adjointe du lycée Voltaire, à Paris, et membre du Snpden. Ces constats rejoignent ceux du ministère de l’Education, qui publie désormais chaque mois les chiffres des atteintes à la laïcité, montrant que le port de signes et de tenues manifestant une appartenance religieuse est le problème le plus souvent rencontré. Dans certains lycées, on préfère ne pas réagir aux tenues vestimentaires qui interrogent, car un trop grand nombre d’élèves les portent.

Ce n’est pas le seul fait marquant souligné par les chefs d’établissements : 26 % d’entre eux ont constaté des contestations de contenus d’enseignement au nom d’une « vérité religieuse ». Des faits qui sont plus souvent constatés au collège, « peut-être en raison du manque de culture de ces élèves par rapport aux lycéens », avance Didier Georges, proviseur du lycée Jean Drouant, à Paris, et secrétaire national du Snpden. « Les lycéens pratiquent davantage l’autocensure que les collégiens, car ils savent que ces contestations d’enseignement sont interdites », explique aussi Carole Zerbib.

Par ailleurs, 23 % des chefs d’établissement ont constaté des problèmes de respect de la laïcité dans le cadre de sorties pédagogiques ou de voyages scolaires. « Il peut s’agir d’une élève qui va mettre son voile lors d’une sortie scolaire, ignorant que le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse est aussi interdit lors des activités pédagogiques qui se déroulent en dehors de l’enceinte de l’établissement pour les élèves », souligne Carole Zerbib. « Certains refusent aussi de visiter une mosquée ou une synagogue, ou contestent ce que dit le guide », relève Didier Georges. Enfin, 28 % des proviseurs et principaux de collèges recensent des cas de refus de participer aux cours d’EPS, notamment de piscine.

Face à ces situations, certains chefs d’établissements se sentent bien seuls. Car ils ont tendance à ne compter que sur eux-mêmes pour résoudre les problèmes et ne font pas toujours remonter les incidents dont ils ont connaissance à leur hiérarchie. Exemple : 43 % de ceux qui ont dû faire face à des élèves portant des tenues pouvant être utilisées dans le cadre d’une pratique religieuse ne l’ont pas signalé à l’institution. Même absence de remontée pour 37 % de ceux qui ont fait le constat de contestations d’enseignement, pour 49 % de ceux ayant été confrontés à des incidents lors de sorties ou voyages scolaires, et pour 71 % de ceux qui ont recensé des refus de participation aux cours d’EPS et/ou de natation.

Si les équipes de direction ne recourent pas à leur hiérarchie, c’est parce qu’elles arrivent bien souvent à régler le problème en discutant avec les élèves et avec leur famille. Mais pas seulement. « Certains chefs d’établissements sont réticents à signaler les atteintes à la laïcité car ils craignent les conclusions qui en seraient tirées », note Bruno Bobkiewicz, le secrétaire général du Snpden. A savoir une « mauvaise pub » à leur établissement, tout en les faisant apparaître comme incompétents pour gérer ces problèmes. Avec, in fine, des conséquences sur leur carrière. « Certains ont aussi la conviction qu’ils ne seront pas soutenus par l’institution », analyse Didier Georges.

Face à ces situations complexes, certains principaux ou proviseurs prennent des mesures qui peuvent surprendre : « J’ai reçu deux signalements d’établissements qui ont décidé d’établir des créneaux de piscine non mixtes », informe Didier Georges.

Pour résoudre le problème, le Snpden en appelle au gouvernement. « Il faudrait une circulaire ministérielle pour clarifier par exemple ce qui est une tenue acceptée ou pas. S’il est dit que c’est oui pour l’abaya, il n’y aura plus de sujet. Dans le cas contraire, nous serons plus forts pour faire appliquer les règles, qui seront nationales et pas locales. En tout cas, nous ne voulons plus être les arbitres d’une forme d’incertitude », déclare Didier Georges. Reste que si demain, le gouvernement décidait d’interdire certains vêtements, les équipes de direction auraient besoin d’être accompagnées sur le terrain. « Il faudrait renforcer la présence des équipes Valeurs de la République dans certains établissements pour qu’elles puissent dialoguer en masse avec les élèves et leur famille », fait remarquer Bruno Bobkiewicz.

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