C‘est une nouvelle campagne qui s’est levée pour frapper d’anathème Valeurs actuelles, pour en finir avec le journal ou, du moins, pour le contraindre à “changer de ligne” et à adopter un discours qui ne sera plus jugé scandaleux par la presse de gauche et ceux qui, parce qu’ils la craignent, prétendent partager les mêmes aversions qu’elle.
Il s’agit de faire un exemple, pour que tous sachent ce qui arrivera à qui défiera frontalement l’idéologie dominante. Pour être accepté dans l’intelligentsia, il faut savoir se rallier avec les bonnes formules de soumission : par exemple, on s’indignera rituellement de certaines couvertures en les jugeant de mauvais goût — je parle ici du mauvais goût idéologique consistant à déplaire aux journalistes de gauche qui conservent l’immense pouvoir de décider de ce qui est un scandale et de ce qui ne l’est pas. Dans la société médiatique, est souverain celui qui a le pouvoir et la capacité de décider que telle déclaration, telle prise de position ou telle une de journal est un scandale ou n’en est pas un.
“Extrême droite” : la formule est répétée en boucle pour bien rappeler à ceux qui évoluent dans l’espace public à quelle entité maléfique ils se collent s’ils acceptent d’y être associés.
Les méthodes de production du scandale sont connues : un journaliste de gauche s’empare d’une phrase, d’un extrait de phrase, d’un slogan décontextualisé dans un meeting, d’une photo, puis le jette dans l’espace public ou, de plus en plus, sur les réseaux sociaux, en obligeant les uns et les autres à commenter sur le mode de l’indignation (dans certains cas, on assiste même à la fabrication d’un photomontage truqué). Se crée immédiatement un effet d’entraînement : personne ne veut être pris à ne pas commenter de la manière la plus outrée qui soit. On pourrait le dire avec les mots d’Orwell : quand sont déclenchées les “deux minutes de la haine”, le moindre silence sera interprété comme une marque de dissidence et d’insoumission, transformant dès lors le discret en complice du diabolisé du moment, ce qui justifiera à son tour sa propre diabolisation
Les attaques contre Valeurs actuelles prennent plusieurs formes, mais ont toutes pour fonction de le disqualifier, de l’infréquentabiliser, de le mettre au ban de la presse nationale, d’en faire un titre qu’on ne mentionnera que de dédaigneuse manière, en se gantant les doigts et en se pinçant le nez, et en précisant, chaque fois, qu’il s’agit d’un “hebdomadaire d’extrême droite”. “Extrême droite” : la formule est répétée en boucle, à la manière d’une technique d’exorcisme et d’une mise en garde, tout à la fois, pour bien rappeler à ceux qui évoluent dans l’espace public à quelle entité maléfique ils se collent s’ils acceptent d’y être associés, ne serait-ce qu’en lui accordant un entretien.
Ce que la presse de gauche nomme “extrême droite” n’est rien d’autre qu’une droite qui la contredit frontalement
Ce sont les méthodes classiques de l’intimidation mafieuse. On peinera toutefois à trouver ici ou là le début d’une définition rigoureuse de ce terme, qui sert moins à qualifier qu’à disqualifier — en fait, il accumule les définitions contradictoires. Le concept d’extrême droite sert à fabriquer des parias et à condamner à la mort sociale.
On peut lire des journalistes expliquant qu’ils se revendiquent d’une “droite conservatrice décomplexée”, qui ne soit toutefois pas d’extrême droite. Je mets au défi quiconque de m’expliquer que cette formule faussement subtile n’est pas d’abord un signal envoyé à la presse de gauche pour lui faire savoir qu’on ne sortira pas du corridor idéologique qu’elle trace et surveille. Nous le savons, ou nous devrions le savoir : ce que la presse de gauche nomme “extrême droite” n’est rien d’autre qu’une droite qui la contredit frontalement et qui ne respecte plus les critères de respectabilité qu’elle entend fixer. “L’extrême droite” est un fantôme conceptuel que les gardiens de l’idéologie dominante ne cessent de chasser pour mettre en scène leur propre vertu républicaine. De là ce que j’appelle l’extrême droitisation du désaccord.
Ce qu’on reproche à Valeurs actuelles, c’est la mise en scène d’une autre narration de l’actualité, qui accorde de l’importance à des faits ou des phénomènes sociaux que la presse de gauche minore ou invisibilise.
Dans cette entreprise d’ostracisme, les procès jouent leur rôle, et nous rappellent que le politiquement correct dispose d’un relais juridique. Je confesse mon étonnement devant l’existence de la XVIIe chambre, lieu d’un théâtre ubuesque qui dans une démocratie libérale normale ne devrait pas exister. Mais elle existe. Et cela nous rappelle qu’il existe en ce pays des persécutions politiques, légales et financières pour ceux qui pensent mal et se comportent comme des hérétiques face au dogme diversitaire.
Alors on y revient. Ce qu’on reproche à Valeurs actuelles, c’est la mise en scène d’une autre narration de l’actualité, qui accorde de l’importance à des faits ou des phénomènes sociaux que la presse de gauche minore ou invisibilise, qui traite de manière respectueuse des hommes politiques qu’ailleurs on se fait un devoir de maudire. La gauche réclame le monopole du récit médiatique légitime : tout récit qui la contredit sera assimilé tôt ou tard à un discours haineux, et même, à une entreprise de désinformation. Ce qui n’est pas toléré, c’est le droit revendiqué de critiquer des totems actuels et de voir le monde autrement qu’à travers l’idéologie officielle. Et c’est pourquoi il faut aujourd’hui défendre Valeurs actuelles. Le véritable pluralisme intellectuel ne consiste pas seulement à le défendre dans l’abstrait, mais à se porter à la défense d’un titre quand le système cherche à l’évincer et à condamner à la mort sociale ceux qui y travaillent.
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