Par Jean-Jacques Nieuviaert, en collaboration avec Jean- François Raux.
Nucléaire : de la léthargie à la crise
La crise énergétique qui s’est ouverte avec le conflit ukrainien et la chute de la stratégie tout gaz russe de l’Europe a révélé simultanément le drame nucléaire français. En pleine crise énergétique en Europe, la France découvrait que le parc nucléaire d’EDF ne lui assurait plus sa sécurité d’approvisionnement et qu’elle devait payer l’électricité à un prix totalement exorbitant !
Dix ans au moins d’atermoiements politiques sur la décision de diminuer ou de relancer le nucléaire, l’augmentation des contraintes de sûreté post Fukushima, mais aussi la perte de compétences d’EDF, expliquent cette situation dramatique, notamment sur le plan industriel.
L’angoisse a alors pris le pas sur la procrastination. Elle a conduit le président de la République en début de second mandat à exprimer une volonté de remettre le système éclectique en ordre avec, simultanément, une accélération du développement des EnR et la relance du nucléaire basée sur 6 EPR2, et peut être 14 à terme.
Les choix actuels ne permettent pas de rattraper le retard lié à l’absence de décisions
Il s’agirait maintenant d’aller « deux fois plus vite » dans le développement des EnR en simplifiant en particulier les procédures. Même discours sur les EPR2, pour lesquels il s’agit en particulier de réduire les délais d’instruction.
Mais, en la matière, la précipitation ne semble pas être bonne conseillère ni surtout apte à résoudre les problèmes de la France pour les vingt prochaines années.
En effet, on peut douter de la pertinence des différentes technologies mises en avant :
Il « faut faire maintenant de l’éolien terrestre pour atteindre nos objectifs de sobriété » (!) mais le ministère de Transition écologique (MTE) n’avait-t-il pas déclaré début septembre 2022 « qu’il (l’éolien) ne devait pas disparaitre du mix énergétique, mais que le degré de tension qu’il génère, rapporté au faible gain en énergie ne justifie pas toutes les difficultés qu’il suscite ».
Il s’agirait d’en installer 40 GW d’éolien marin, soit plus de 10 fois les projets approuvés actuellement. Même si cette forme d’éolien est plus efficace on imagine son impact sur la faune et le milieu marin, mais surtout pour un résultat qui devra attendre 2050 pour être significatif.
Pour l’énergie solaire, le potentiel semble plus avéré mais encore faut-il rappeler que pour encore plusieurs décennies, le système électrique français se caractérise par une plus grande consommation en hiver qu’en été, et c’est justement la période de l’année où le solaire est quasi inexistant.
Ainsi donc, le « deux fois plus vite » va nous conduire entre 2022 et 2040 à injecter des sommes considérables dans des énergies renouvelables intermittentes qui ne résoudront en rien notre problème actuel de sécurité d’approvisionnement lié au manque de puissance garantie en pointe des ENR : elles peuvent faire en effet défaut par périodes hivernales anticycloniques.
Mais la piste EPR2 n’est pas non plus satisfaisante, car même en accélérant les procédures, elle ne donnera rien de concret avant 2035/2036 au minimum, si nous obtenons que le premier des six EPR2 prévu soit bien opérationnel à cette date. Quant à l’objectif de huit EPR supplémentaires, qui ne seraient complétement disponibles qu’en 2047, il est complétement hors-sujet par rapport aux enjeux actuels.
Sommes-nous alors condamnés à nous accoutumer à la pénurie pendant deux décennies, cette pénurie que la sémantique moderne qualifie de « sobriété » ?
Accélérer en changeant de stratégie sur le nucléaire : développer les Small Modular Reactor
Comme dans d’autres secteurs industriels, la voie du salut peut venir de l’idée de faire plus petit mais en beaucoup plus grande quantité, c’est-à-dire en s’appuyant sur les Small Modular Reactor (SMR).
Contrairement à ce que pense la MTE, qui considère que les SMR « relèvent d’un débat pour la PPE de 2028 et non pour celle de 2023 », il y a au contraire urgence sur le sujet si on ne veut pas une fois encore prendre dix ans de retard.
Le terme SMR pour Small Modular Reactor désigne des réacteurs nucléaires d’une puissance de 10 à 300 MW qui peuvent être construits de manière modulaire. Leur technologie est dérivée des réacteurs utilisés dans les porte-avions, sous-marins ou brise-glaces nucléaires.
Pour l’instant le modèle français Nuward est développé grâce à un partenariat entre EDF, TechhnicAtome, Naval Group et le CEA. C’est un réacteur modulaire de 170 MW de type PWR et initialement l’objectif est de commencer la construction d’un prototype en 2030.
Les SMR présentent de gros avantages techniques et financiers
Les SMR sont beaucoup plus simples au niveau ingénierie que les grands réacteurs. Leur architecture intégrée et leur taille permettent d’envisager un niveau de sûreté plus élevé que dans les grandes unités et une moins grande vulnérabilité.
Ils sont fabriqués en usine, ce qui permet d’envisager des économies d’échelle importantes dans le cadre d’une production de grande série. Transportés sur leur lieu de fonctionnement, ils ne nécessitent pas une main-d’œuvre qualifiée et nombreuse sur le chantier d’installation.
Par rapport aux contraintes de localisation territoriales des EPR et des EnR, les SMR peuvent être facilement installés sur des emplacements réduits, sans atteinte majeure à l’environnement, voire même utiliser les sites d’anciennes centrales thermiques ou des friches industrielles.
Il existe d’ailleurs une possibilité qui permettrait d’accélérer encore leur implantation, c’est leur positionnement en mer sur barge flottante. Nuscale, depuis mai 2021, travaille avec l’entreprise canadienne Prodigy Clean Energy pour produire des plateformes flottantes pouvant porter jusqu’à 12 SMRs de 77 MWe. De son côté, Rosatom opère depuis mai 2020 une centrale nucléaire flottante équipée de deux SMR de 35 MW chacun.
Le financement de leur construction peut être envisagé avec des montants plus réduits et sur des temps plus courts, permettant un retour sur investissement beaucoup plus rapide.
Un autre avantage est de permettre une réduction considérable des investissements prévus dans le réseau de transport et les réseaux de distribution par rapport à ceux exigés pour développer les renouvelables (et en particulier l’éolien offshore), car les SMR peuvent se positionner plus facilement à proximité des points d’entrée existants sur le réseau de transport.
Leur coût de fonctionnement devrait être très compétitif. En août 2022, GE Hitachi Nuclear Energy a déclaré que les SMRs modulaires peuvent être développés avec un LCOE d’environ 60 dollars/MWh et qu’ils auront un avantage de longévité par rapport aux énergies renouvelables, entre 60 et 100 ans, contre 20 ans pour l’éolien et le solaire. Même vision chez NuScale qui prévoit un LCOE de 58 dollars /MWh.
S’appuyer sur les savoir-faire industriels français
La France fait partie du club très restreint des six pays ayant acquis une grande expérience dans la fabrication et la gestion des réacteurs utilisés par les marines de guerre, à savoir les USA, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et l’Inde.
Ce qui a manqué jusqu’à présent c’est de réussir à surmonter un syndrome du type Airbus 380, à savoir préférer la construction de grandes unités complexes en petit nombre, plutôt que la production d’unités moins prestigieuses techniquement, mais en grand nombre.
Les SMR : un choix qui devient mondial
Le 29 juillet, une enquête du US Nuclear Energy Institute indiquait que les utilities américains prévoient d’ajouter aux États-Unis jusqu’à 90 GW de nouvelle production nucléaire, soit plus de 300 SMR au cours des 25 prochaines années. L’enquête indique que les utilities évaluent actuellement les sites qui abritent des centrales au charbon en exploitation ou retirées du service pour y installer ces SMR. Les responsables US pensent que l’avenir du nucléaire réside dans ces SMR, beaucoup moins compliqués à construire que les grands réacteurs : la simplicité est leur véritable avantage technologique. L’enquête indique d’ailleurs également que les propriétaires du parc américain actuel (92 réacteurs) s’attendent à ce que la durée de vie de 90 % de celui-ci puisse être prolongée jusqu’à 80 ans.
Les projets de SMR se multiplient aussi en Europe de l’Est (Pologne, Estonie, Roumanie), au Royaume-Uni (Rolls-Royce et GE Hitachi), au Canada, aux USA (Utah), en Russie, et surtout en Chine pour y produire de l’électricité mais aussi du chauffage urbain.
Une indépendance énergétique plus grande et plus rapide grâce aux SMR
Pour changer de stratégie, il faut augmenter massivement les montants des investissements prévus pour le développement de Nuward, afin d’obtenir un début de commercialisation au plus tard en 2028-2030.
Il s’agit ici de gagner entre 3 et 5 ans sur les hypothèses actuelles, mais en utilisant des moyens beaucoup plus importants. La filière SMR permettrait de gagner entre cinq et dix ans par rapport à la mise en service des EPR.
Augmenter les financements du projet NUWARD
Pour y arriver, il faut d’abord rassembler des moyens financiers importants au lieu de se contenter des sommes assez faibles prévues actuellement, soit 50 millions d’euros par France Relance, 500 millions d’euros par France 2030 et une partie des 420 millions d’euros alloués au CEA. Pour reprendre les termes du PDG d’EDF au sujet de la construction des EPR, la France a en effet besoin d’un « Plan Marshall », mais pour construire des SMRs.
Il semblerait nettement plus pertinent d’engager un budget beaucoup plus massif pour le nucléaire que les 1,2 milliard d’euros prévus dans le PDLF 2023, alors qu’on se prépare à consacrer plus de deux milliards d’euros en faveur du secteur de l’hydrogène qui n’apportera aucune réponse à moyen terme à notre problématique énergétique.
Concentrer les moyens
La France a la technologie, l’expérience, les compétences, et peut s’appuyer également sur les ressources de la Marine Nationale.
Il ne manque qu’une concentration de moyens, en n’oubliant pas de renforcer les capacités de l’ASN pour lui permettre d’accélérer la validation du prototype, et en particulier les référentiels de sûreté qui sont différents des grands réacteurs. Ceci est le préalable incontournable au passage à la phase industrielle, qui sera quand même beaucoup moins complexe que celle requise pour les EPR2.
Il faut également le plus rapidement possible organiser la supply chain nécessaire ainsi que la filière industrielle, ce que les Britanniques sont déjà en train de faire avec GE Hitachi.
Retrouver rapidement un niveau de sécurité d’approvisionnement serein et une indépendance énergétique
Ces éléments étant réunis, un plan de développement Nuward pourrait se dérouler en deux phases :
À partir de la validation du prototype, la production industrielle en série de Nuward pourrait porter sur une centaine d’unité, soit 15 GW. Cela permettrait, avec la prolongation du parc historique, Flamanville 3 et le parc hydraulique, de disposer de 103 GW de capacité pilotable. Cela mettrait la France définitivement à l’abri de problème de sécurité d’approvisionnement en électricité en moins de dix ans (En moyenne, la France a besoin de 85 à 90 GW), tout en décarbonant totalement le mix. Le surplus de capacité et les autres instruments de production intermittents pourraient satisfaire les besoins en production d’hydrogène bas carbone et les nouveaux besoins d’électrification.
La France progresserait également au niveau de son indépendance énergétique grâce au recours à une technologie totalement nationale, au lieu de se trouver dépendante en particulier des importations chinoises d’équipements EnR.
Électrifier massivement la France en toute sécurité
Ensuite entre 2030 et 2040 la France pourrait construire 300 autres SMR pour compenser le retrait progressif des réacteurs de 900 MW.
La France disposerait alors de :
- 45 GW de grands réacteurs (dont 6 EPR2)
- 60 GW de Nuwards
- 25 GW d’hydro
- 50 GW de renouvelables
À ce stade la France pourra faire l’économie du renouvellement de l’éolien terrestre et se concentrer sur le solaire et le stockage induit.
La France disposerait donc dans 20 ans de 130 GW pilotables, voire même plus avec l’aide du stockage, une situation très confortable, si on considère les progrès qui auront été réalisés d’ici là en matière d’efficacité énergétique.
Et les Nuward pourraient être aussi utilisés pour produire de la chaleur, de l’hydrogène bas carbone et dessaler de l’eau de mer, lorsque le système électrique se trouve en période de faible charge.
Changer de vélo et de braquet
Il faut conforter notre confiance dans l’énergie nucléaire mais en changeant de vélo et de braquet : c’est l’idée clef sous-jacente au développement des SMR. Après avoir perdu entre vingt et trente ans en errances stratégiques et en procrastination, le temps est compté pour la France pour qu’elle retrouve sa sécurité, son indépendance, et sa compétitivité énergétiques.
Extrait de: Source et auteur
En Suisse, le peuple a voté CONTRE toutes nouvelles centrales nucléaires !
Le gouvernement suisse, SANS consultation du peuple, a repris intégralement les sanctions de l’UE contre la Russie ! (plus de gaz, ni de pétrole russe)
L’immigration voulue par les islamo-gôchistes bat son plein : 200’000 immigrants de plus par année; ils ne vont PAS consommer de l’électricité du chauffage, etc …
Et après Mme Sommaruga (PS) nous demande de faire des économies d’énergie pour compenser leurs décisions foireuses … ! C’est PAS sérieux.