Les pénuries alimentaires programmées : le cas des Pays-Bas

post_thumb_default

 

Des manifestations paysannes à bas bruit dans certains pays

Il y a ce que l’on peut appeler les manifestations conjoncturelles, essentiellement liées à  l’augmentation des coûts de production et l’insuffisance des mesures compensatoires gouvernementales.

Ce fut le cas en Espagne, où les agriculteurs ont manifesté à Albacete, Bajadoz, Murcie, etc. Il y a eu des « tractorades » ; mais le mois d’août n’a, semble-t-il, pas été aussi « chaud » qu’annoncé.

En Italie, la sécheresse et les pertes de production sont un facteur aggravant. C’est Milan qui a été bloqué en juillet, et les agriculteurs ont menacé de rouler sur Rome.

Des manifestations ont également eu lieu en Allemagne, en particulier le 31 août 2022 à l’appel de l’organisation Landwirtschaft verbindet Deutschland (l’agriculture crée des liens en Allemagne).

Tout cela se déroule à bas bruit. Les grands médias ne prêtent guère attention à ces événements, contrairement aux réseaux alternatifs et protestataires qui tentent visiblement de monter un mécontentement plus généralisé.

Manifestation paysanne à la Haye, 2 octobre 2022

Le drapeau est arboré à l’envers (le rouge est normalement en haut). Dans la marine néerlandaise, ce montage signalait autrefois un appel de détresse.

 

L’État stratège a frappé aux Pays-Bas

Ce sont les Pays-Bas qui présentent la situation la plus préoccupante. La presse française ne s’y est guère intéressée, alors même que le pays a connu des manifestations massives et parfois violentes. Signalons tout de même un article du journal Le Monde, de bonne facture, du 13 juillet 2022. 

Répondant à des objectifs européens de rétablissement de la virginité écologique, le gouvernement de M. Mark Rutte a annoncé le 10 juin 2022 un plan de réduction des émissions d’azote de 50 % à l’horizon 2030. À sa décharge – partielle – un tribunal avait décidé en 2019 que le pays devait faire beaucoup plus dans ce domaine.

S’illustre ici une dérive inquiétante de nos systèmes démocratiques : des gouvernements et Parlements incapables de gérer le présent adoptent des lois fixant des objectifs ambitieux, que l’on sait irréalistes. C’est pour camoufler leur inaction et leur incompétence, ou encore complaire à des franges influentes de l’électorat et de l’opinion dite publique. Rien de sérieux ne se produisant, les activistes saisissent des tribunaux forcément liés par les textes des lois, et aussi sous l’emprise du discours apocalyptique ambiant. Et les gouvernements – souvent nouveaux – sont sommés de prendre des mesures dévastatrices (ou trouver une autre échappatoire).

Nous avons du reste connu le même phénomène en France avec l’Affaire du Siècle les activistes trouvent intérêt à saisir la justice dans les pays démocratiques, pas dans les États autoritaires ou à gouvernement illibéral…

Tous les secteurs économiques devront contribuer à l’effort, mais c’est l’agriculture, à l’origine de 46 % des émissions – de protoxyde d’azote, d’ammoniac ou de nitrates issus des engrais azotés et des effluents d’élevage – qui a été plus particulièrement visée.

L’annonce s’est accompagnée de la publication d’une carte détaillée des objectifs et d’un budget de 24,3 milliards d’euros utilisable pour, notamment, racheter les fermes qui seraient contraintes de mettre la clé sous la porte. Cela a, du reste, ravi les populistes, les extrêmes droites et les complotistes qui y ont vu une manœuvre en faveur du Great Reset, de la grande réinitialisation ou de la soviétisation de l’économie. Même Donald Trump a apporté son soutien aux agriculteurs, certes dans un discours à l’adresse de ses compatriotes qui seraient les suivants dans la liste des victimes des « faucons de la crise climatique »…

 

Des objectifs délirants de réduction des émissions d’azote

Le plan de la ministre de l’Environnement et de l’Azote (ça ne s’invente pas !), Christianne van der Wal, et du ministre de l’Agriculture, Henk Staghouwer, prévoit des réductions pouvant aller jusqu’à 97 % dans les zones Natura 2000 et 70 % dans 131 zones adjacentes, avec un minimum de 12 %. Les provinces sont chargées de mettre au point les plans détaillés d’ici le 1er juillet 2023.

Un premier effet de ce plan a été la démission du ministre Henk Staghouwer, qui aura été en poste pendant à peine huit mois. « Je me suis demandé si j’étais la bonne personne pour superviser les tâches qui m’incombent », a-t-il déclaré. « Je suis arrivé à la conclusion que je ne suis pas cette personne. »

L’effet majeur porte évidemment sur l’agriculture mais aussi sur les industries d’amont et d’aval et, par voie de conséquence, sur la production agricole et alimentaire du deuxième exportateur mondial ; mais aussi sur l’ensemble du tissu social en zones rurales.

Quand un agriculteur meurt, la faim naît.

On a avancé un objectif de réduction de… 30 % du cheptel !

Tout aussi dévastatrice est l’incertitude que les agriculteurs subissent quant à leur avenir et à l’avenir de fermes qui sont parfois entre les mains de la même famille depuis plusieurs générations. À quoi bon investir – y compris dans les pratiques et technologies de réduction des émissions d’azote – si l’avenir n’est pas assuré ?

 

Le « message honnête » du gouvernement et le cynisme bruxellois

Selon une déclaration du gouvernement sur les nouvelles réglementations, « le message honnête […] est que les agriculteurs ne pourront pas tous poursuivre leur activité ». Le Premier ministre Mark Rutte a déclaré quant à lui qu’elles auraient « d’énormes conséquences. Je comprends cela et c’est tout simplement terrible ».

On peut créditer M. Mark Rutte d’honnêteté face à des décisions communautaires entérinées par des juridictions européennes et nationales et quasiment gravées dans le marbre.

Pour le cynisme, on se tournera vers Bruxelles, quartier européen (traduction) :

« Natura 2000 n’est pas un système de réserves naturelles strictes dont toutes les activités humaines seraient exclues. Bien qu’il comprenne des réserves naturelles strictement protégées, la plupart des terres demeurent des propriétés privées. L’approche de la conservation et de l’utilisation durable des zones Natura 2000 est beaucoup plus large, largement centrée sur les personnes travaillant avec la nature plutôt que contre elle. Les États membres doivent toutefois veiller à ce que les sites soient gérés de manière durable, tant sur le plan écologique qu’économique. »

« Les États membres doivent toutefois veiller »… quasiment sans émissions d’azote au Pays-Bas, autant exiger la quadrature du cercle.

Mme Christianne van der Wal-Zeggelink :

« Je viens de recevoir le plan d’attaque du paysage. Un plan axé sur un paysage diversifié avec des canaux, des fossés, des berges boisées et des rangées d’arbres. C’est important pour relier l’agriculture et la nature. Il est bon que nous travaillions ensemble avec un grand nombre de parties sur ce sujet. »

Gerrie Kleene-Jager :

« C’est l’extinction de l’agriculture et de ses agriculteurs au lieu de connecter l’agriculture et la nature. Tu ne comprends vraiment pas, hein ! Faire des politiques sans tenir compte des conséquences… »

 

 

Extrait de: Source et auteur

Suisse shared items on The Old Reader (RSS)

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.