L’artiste béninois Romuald Hazoumè : “Les Africains doivent prendre conscience que le mieux est de rester chez soi. Nous devons développer nos pays et ne plus penser que la solution se trouve en Occident”

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L’ACTU VUE PAR. Chaque samedi, Jeune Afrique invite une personnalité à décrypter des sujets d’actualité. Le plasticien béninois de renom se livre sans filtre sur la montée de l’extrême droite en France, l’immigration, la guerre en Ukraine et la restitution des trésors royaux du Bénin par la France.

Du célèbre Moma de New-York aux États-Unis au Queensland Art Gallery de Brisbane en Australie, en passant par le British Museum de Londres ou la Fondation Zinsou au Bénin, les œuvres de Romuald Hazoumè sont exposées partout dans le monde. Ses masques conçus à partir de bidons d’essence racontent à leur manière l’histoire de l’humanité : la traite négrière, l’immigration, les tensions sociales.

Mais si l’artiste plasticien connu pour son franc-parler commente en privé l’actualité politique africaine, il se garde de s’épancher dans la presse hors de son domaine, l’art contemporain. Redoutant que ses prises de position soient incomprises. « Je ne suis pas un donneur de leçons », dit-il. Pour Jeune Afrique, toutefois, il a accepté de faire une exception et de se prêter à cet exercice périlleux.

Jeune Afrique : La présidentielle française a été marquée par une percée de l’extrême droite, chez les Français et binationaux vivant en Afrique. Cela vous surprend-il ?

Romuald Hazoumè : Rien ne m’étonne en ce moment. Mais les Africains doivent prendre conscience que le mieux est de rester chez soi. Nous devons développer nos pays et ne plus penser que la solution se trouve dans l’émigration vers l’Occident. Il faut arrêter avec le mythe de l’eldorado européen. On peut réussir en Afrique.

(…)

Nous sommes capables d’être autosuffisants sur le plan alimentaire, sur le plan de l’énergie également, comme le prouve le barrage Inga sur le fleuve Congo. Mais nous n’avons jamais pris nos responsabilités. Les Africains doivent travailler à être autonome et à se développer plutôt que de regarder les autres.

(…)

En France, le 10 mai a été institué journée nationale de commémoration de l’esclavage. Cette thématique revient souvent dans votre travail. Ce type d’évènement vous semble-t-il pertinent ? 

J’ai toujours dit une chose qui a souvent choqué. Il ne faut pas que nous, Africains, nous continuions à indexer les Européens comme les seuls responsables de l’esclavage. Nous avons une grande part de responsabilité aussi. Quand on regarde l’histoire et les documents sur la traite, à Nantes ou ailleurs, on se rend compte que la marchandise la plus échangée par les Africains contre les esclaves a été le tissu. Le « damas » de Syrie, le wax de Java ou les tissus d’Inde, ont été l’essentiel des marchandises échangées contre des esclaves. Et ce sont des Africains qui ont reçu ces marchandises ! Nous devons arrêter de dire que seuls les Européens ont été responsables de l’esclavage. Le jour où nous prendrons nos responsabilités par rapport à cette histoire douloureuse, nous pourrons avancer et régler beaucoup de choses.

(…) Jeune Afrique

(Merci à Blaireau Bondissant)

 

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