D’abord, rappelons-nous. Onze ans après les révélations WikiLeaks, Julian Assange finit par être interpellé à l’ambassade d’Équateur à Londres. Il est immédiatement livré à la justice britannique et placé en détention provisoire. Les États-Unis réclament alors son extradition.
Le lanceur d’alerte avait de sérieux espoirs d’y échapper pour trois raisons :
- Un état de santé préoccupant,
- La liberté d’expression et le droit à l’information dont son alerte est le symbole,
- Et la jurisprudence Snowden.
Ce n’est en effet qu’à la faveur de fragilités psychiatriques que le refus d’extradition a d’abord été accordé, le magistrat appréciant un risque de suicide élevé, plutôt que les arguments sans cesse invoqués par le lanceur d’alerte comme la liberté d’expression ou le droit à l’information issus de ses leaks.
Il est en effet malheureux que le refus d’extradition d’un lanceur d’alerte, ayant permis par exemple de révéler des crimes de guerre au Moyen-Orient, se fonde essentiellement sur un état mental fragilisé, plutôt que sur des droits aussi fondamentaux.
Le cas de d’Edward Snowden mérite aussi d’être rappelé, tant il témoigne de la différence de traitement avec Julian Assange.
Tous deux font l’objet de poursuites de la part des autorités américaines pour avoir divulgué des informations confidentielles. Tous deux se sont réfugiés dans un État différent de celui dont ils sont ressortissants. Tous deux font l’objet d’une demande d’extradition des États-Unis.
À la différence que la Russie a d’abord accueilli Snowden, refusé de l’extrader, sans jamais le placer en détention. Il a même successivement obtenu l’asile temporaire, un permis de séjour, et peut aujourd’hui librement se déplacer sur ce territoire ; aussi restreint soit-il depuis la guerre en Ukraine née entretemps.
« Des garanties suffisantes » ou un procès Kafkaïen à venir pour Julian Assange
En dépit de ses espoirs légitimes du lanceur d’alerte, en décembre 2021, l’appel devant la justice britannique fait droit à la demande des États-Unis, estimant que des garanties suffisantes avaient été fournies quant au traitement réservé à Julian Assange.
Ces garanties suffisantes sont donc à ce jour les suivantes :
- Rien de moins qu’une prévention maximale de 175 ans de prison.
- Rien de moins qu’un ancien Président (Donald Trump) qui a promis d’en faire « un exemple » pour tous les journalistes d’investigation.
- Rien de moins qu’une incarcération promise dans une prison de « très haute sécurité », en l’occurrence l’ADX dans le Colorado, aux côtés de membres d’Al-Qaida.
- Et une incarcération d’autant plus exceptionnelle qu’elle sera en isolement total.
Preuve supplémentaire de cette décision politique, la Suprem Court britannique refuse d’examiner le recours du lanceur d’alerte au prétexte qu’il ne soulèverait pas de question juridique particulière.
L’extradition vers les États-Unis ainsi ordonnée le 20 avril 2022 est donc définitive. Très concrètement, cela signifie que Julian Assange dépend maintenant de l’ordonnance d’extradition du ministre de l’Intérieur britannique. Une fois signée, il quittera le pays sous 28 jours.
Un départ donc sous forme de sentence, ici synonyme de condamnation à mort, preuve supplémentaire de l’allégeance de Londres à la puissance américaine, et signal fort du peu de cas que fait la Couronne à la cause des lanceurs d’alerte.
Extrait de: Source et auteur
Pour ma part, je ne cesse de m’étonner que l’État américain soit incapable de ne pas mettre à la portée de tout passionné d’informatique les données numériques les plus importantes et les plus “secrètes” ? La formation d’informaticiens coûte-t-elle trop chère à l’État américain, ou bien ceux-ci auraient-ils préférés se reconvertir vers des professions plus motivantes dans le secteur privé ? Reste à savoir si un tel laisser-aller de la part de cet État n’est pas punissable au sein des responsables des Services de la sécurité des données “secret défense” ; lequel laisser-aller semble s’apparenter (par cet exemple) à un je-m’en-foutisme le plus pathétique.