Atlantisme : et si nous nous demandions pourquoi nous suivons la politique américaine ?

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par courrier-strateges - 19 avril 2022
François Martin nous revient avec un papier d'analyse sur l'atlantisme comme impensé stratégique français. Et pourtant, la guerre en Ukraine nous montre que notre suivisme vis-à-vis des Etats-Unis pourrait nous mettre en bien mauvaise posture. Mais pourquoi refusons-nous d'interroger nos relations avec les Etats-Unis ?

Il est impossible d’analyser correctement une situation ou un conflit géopolitique si l’on considère que l’une des contreparties n’est a priori pas critiquable. C’est pourtant le cas concernant le conflit ukrainien, où le fait de pointer la responsabilité américaine paraît, pour beaucoup, une violence, une indécence, presque un crime. Considérer les choses sous cette forme est pourtant une grave atteinte à la vérité, plus encore qu’à la liberté d’expression, et un grand danger pour l’avenir du monde.

 

Il existe à ce jour deux lectures du conflit ukrainien :

L’une est locale, régionale. Selon cette vision des choses, la Russie a voulu envahir l’Ukraine soit pour protéger ses ressortissants russophones, soit pour augmenter son «espace vital», soit même pour reconstruire l’empire des tsars ou celui de l’URSS. Cette version des faits est évidemment conforme au «verbatim» américain1. Elle est encouragée par les images de la presse, qui ramènent les choses à l’événementiel le plus immédiat, à l’émotionnel, et parfois même à l’insupportable.
L’autre est celle d’un conflit géopolitique, où deux adversaires, deux puissance nucléaires de premier plan, les USA et la Russie, s’affrontent sur un théâtre périphérique, l’Ukraine2.
Ces deux lectures sont évidemment antinomiques, ceux qui adoptent la première s’interdisant de fait de tirer la moindre conclusion globale du conflit autre que celle d’une réponse humanitaire ou protectrice face à une «agression» russe.

Or, on constate aujourd’hui que la plupart des observateurs et presque tous les candidats à la Présidence française ont, sous le coup du choc médiatique3, adopté la première version, qui les empêche de développer une vision géopolitique des choses et les rabaisse de ce fait au rôle de supplétifs américains. Ils valident ainsi, plus encore qu’une approche tronquée du conflit, un impensé politique français caractéristique concernant les dérives modernes de l’atlantisme.

LES CAUSES DE L’IMPENSÉ POLITIQUE FRANÇAIS DE LA CRISE UKRAINIENNE
Cet impensé a de nombreuses causes.

D’abord, d’une certaine façon, les USA sont «notre fille». En effet, l’aventure de l’indépendance américaine est l’enfant de nos combats4. La figure de La Fayette y est omniprésente5, la philosophie des Lumières en est l’âme, ainsi que l’organisation politique républicaine. Le traité qui reconnaît cette indépendance en 1783 est, ne l’oublions pas, le traité de Paris.

De même, ce pays a été présent dans les moments les plus tragiques de notre Histoire récente. Son intervention a été décisive au cours de la première guerre mondiale, en 19176, ce qui a été un moteur de son influence politique et de son extraordinaire croissance ultérieure. Il en a été de même au cours de la deuxième guerre mondiale, où les Américains ont été reconnus comme nos libérateurs7, puis les financiers de notre reconstruction8. Ensuite, grâce à l’OTAN, ils ont été gardiens de notre «monde libre» jusqu’à obtenir, selon la version historique communément acceptée, la chute de l’Union soviétique en 19919.

Même les «bons moments» de l’après-guerre ont été attribués aux Américains : l’«americain way of life», la société de consommation, le cinéma, la musique, l’anglais si pratique comme langue véhiculaire universelle, et même la contre-culture hippie, sa drogue et sa «libération sexuelle», qui ont marqué toute une génération prétendument «libre10».

Bien qu’ils en aient toujours très bien tiré profit, politiquement, commercialement et financièrement, comment en vouloir aux Américains avec de tels antécédents ?

LA TENTATION DE L’HYBRIS
Toute la difficulté est là, car la chute du Mur fait brusquement des USA «l’hyperpuissance», une force politique, commerciale et militaire immense sans contrepartie. À partir de ce moment-là, la tentation de l’hybris peut se répandre dans certains milieux politiques, intellectuels et des affaires. Avec une grande naïveté, les Européens penseront que le système démocratique suffit à maîtriser cette tentation. C’est exactement le contraire qui se produira, parce que si l’on admet que les régimes autoritaires tendent à interdire l’action, alors que les régimes totalitaires tendent à interdire la pensée, le totalitarisme se déploiera plus facilement dans un régime démocratique (par la presse, le magistère intellectuel, la consanguinité des élites, etc.), parce que ce dernier peut servir d’alibi et qu’il est très facile à dévoyer.

Cet hybris se manifestera sur le plan économique par un ultra-libéralisme débridé, par un pacte tacite entre l’État et les GAFAM consistant à utiliser la puissance phénoménale de ceux-ci au service de l’espionnage américain11, puis, finalement, par la tyrannie médiatico-politique de ces GAFAM et la monstruosité du système d’extraterritorialité du droit américain permettant d’emprisonner les dirigeants de n’importe quelle entreprise étrangère, de piller ses secrets et de lui infliger d’énormes amendes sous quelque prétexte que ce soit12.

Sur le plan politique, l’OTAN se transformera non pas en un organisme «en état de mort cérébrale», mais en une entité bien vivante, poursuivant jusqu’à aujourd’hui sa mission première, non de «protection du monde libre», mais de verrouillage et de mise au pas de l’Europe. Comment, en effet, un pays ou un groupe de pays peut-il concevoir de disposer de la moindre autonomie politique ou même commerciale, lorsqu’il confie sa défense à un autre13 ? Dans tout autre cas que celui de l’Amérique, on aurait parlé d’occupation ou de colonisation… Le comble, certainement, s’est produit avec le traité de Lisbonne de 200714, qui stipule, au titre 5, que pour tous les pays européens, y compris la France, l’OTAN reste «le fondement de leur défense et l’instance de la mise en œuvre15» de la Politique Étrangère et de Sécurité Commune16(PESC). Comment avons-nous pu laisser passer une chose pareille ? Que dire de plus après cela ?

En Russie, avant la reprise en main par Poutine17, les hommes d’affaires américains s’entendront avec les oligarques russes pour «piller» économiquement le pays pendant la «décennie maudite» de Boris Eltsine18. Sur le plan diplomatique, ils «oublieront» ensuite la promesse faite à Gorbatchev en 1991 de ne pas étendre l’OTAN vers l’est.

Sur le plan militaire, chacun connaît l’impressionnante série de guerres menées, toujours «au nom de la liberté», par les USA sur les théâtres européens et proche-orientaux19. La stratégie militaire se traduira toujours par la technique préalable du «carpet bombing20», qui a l’avantage d’être peu coûteuse en vies humaines américaines, alors qu’elle maximise les pertes civiles. Il est à remarquer par ailleurs que ces guerres sont toujours intensément préparées par des campagnes de presse, avant et pendant les conflits. Elles font partie, à proprement parler, de la mise en œuvre des opérations21.

LES AMÉRICAINS À LA CONQUÊTE DE L’EST
Pour ce qui est de l’Ukraine, la guerre s’inscrit évidemment dans le cadre de cette «conquête de l’est» américaine22. Il s’y rajoute aujourd’hui un aspect civilisationnel très important, celui de l’idéologie progressiste «woke» à laquelle l’Amérique cherche à contraindre le monde avec une très grande violence23. La Russie est le dernier «bastion» européen, chrétien et conservateur, qui résiste encore dans cette guerre idéologique que le reste de l’Europe a pratiquement perdue, et la «conquête» occidentale de l’Ukraine est évidemment une façon d’abattre ce bastion.

Nous avons facilement prouvé cette expansion24, à la suite de la Révolution du Maïdan, une opération dans laquelle les Américains ont dépensé près de 10 milliards de USD25 ! Comment peut-on penser, dans ces conditions, avoir affaire à une «jeune démocratie» et non à un gouvernement fantoche, privé, qui plus est, de 3 millions d’électeurs du Donbass ? Que dirait-on si nous avions traité de la sorte un gouvernement africain ?

Plusieurs éléments récents peuvent encore confirmer la mainmise américaine et la «conquête» de ce pays, qui ont provoqué la réaction défensive russe26 :

L’un est le fait que l’armée ukrainienne est aujourd’hui piégée par les troupes russes le long de la ligne de contact du Donbass. Depuis 2014, 100 000 soldats ukrainiens y faisaient face aux populations retranchées. Suite aux manœuvres russes, toute l’armée ukrainienne, soit plus de 200 000 soldats, s’y est déployée, pensant que la Russie allait attaquer à cet endroit27. Pourquoi la classe politique américaine et la presse n’ont-elles parlé que des troupes russes et pas des troupes ukrainiennes qui leur faisaient face, donnant ainsi l’impression, pendant des mois, d’une menace unilatérale russe ? Pourquoi ces troupes ukrainiennes massées depuis 2014 face à leur propre peuple, en contradiction formelle avec les accords de Minsk ? Pourquoi aucune admonestation n’a-t-elle jamais été faite à l’Ukraine par l’ONU, en huit ans, pour retirer ces troupes ?
Un autre est la mise à jour par les Russes, à l’occasion de cette guerre, de 30 laboratoires bactériologiques militaires28 créés à partir de 2014. Une existence confirmée par l’Américaine Victoria Nuland, n°3 du Département d’État américain, et «patronne» américaine de l’Ukraine depuis la Révolution du Maïdan29.
Un autre encore est le bombardement très récent de la base de l’OTAN en Ukraine de Yavoriv30. Cette base, créée en 1991 dans le cadre du partenariat américano-ukrainien appelé PPP31 (Partenarial pour la Paix), fut renforcée après 2014. Elle servait à entraîner les soldats étrangers : allemands, anglais, italiens, baltes, roumains, etc., jusqu’à 6 000 hommes, pris en charge par des instructeurs américains et canadiens. Située à quelques kilomètres de la frontière polonaise, elle avait reçu récemment les «brigades internationales» venant se battre en Ukraine, ainsi que les armes antiaériennes et antichars (Stinger, Javelin) livrées par l’Europe. Cette base vient d’être détruite. L’OTAN est donc bien présent en Ukraine, …sous un autre nom, celui du PPP, et l’objectif stratégique de l’adhésion de ce pays à l’OTAN est absolument manifeste. Pourquoi cette organisation, après 2014, a-t-elle ainsi renforcé son emprise, alors que l’objectif «officiel», depuis cette époque, était la désescalade et le retour de la paix ?
Enfin, le dernier signe est le fait que le Président Zelensky a officiellement demandé, le 21 février dernier, soit quelques jours avant l’attaque, la renucléarisation de son pays. Compte tenu de ce qui précède, pouvait-il faire une telle déclaration sans un aval formel des USA ? À un tel moment, n’était-ce pas un chiffon rouge agité devant un taureau ?
Dans ce conflit, tout n’est évidemment pas blanc ou noir. Il est très difficile de s’approcher de la vérité. Mais il est certain qu’on ne peut le faire que si l’on s’autorise au départ a priori la critique sans réserve des deux parties, américaine et russe, et non pas d’une seule. Faute de se tenir à cette règle stricte, et si l’on veut faire de la critique de l’Amérique, au nom d’un dogme hérité du passé, un impensé politique, on entre avec certitude – et exclusivement – dans la lecture américaine. En agissant ainsi, on se refuse à l’analyse et on se range dans un camp. Si l’on veut la séparation du monde en deux blocs irréconciliables, et un jour la troisième guerre mondiale, c’est la meilleure façon de s’y prendre.

François Martin

source: https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/04/19/atlantisme/

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2 commentaires

  1. Posté par maury le

    Biden et Zélensky les va-t-en-guerre ,tous les deux complices et corrompus jouent un jeu très dangereux car ils manipulent les opinions grâce aux médias et aux politiques d’un système lui même corrompu et d’une UE sur le déclin!!!Il est salutaire que la Chine,l’Inde et l’Afrique n’adhèrent pas à cette folie !dernière folie :Livraison prochaine d’avions de nouvelle génération à l’Ukraine contre la Russie (déclaration de guerre??)du sénile étatsunien que n’atteindrons pas les retombées de cette ineptie , manipulé par les lobbyings d’armement qui se frottent les mains !Poutine est patient jusqu’à quand? “Il ne sert à rien de dire : “Nous avons fait de notre mieux.” Il faut réussir à faire ce qui est nécessaire.” “Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre.” “Quand on a un public, rien n’est trop audacieux.”Winston churchill” Anne Laure Bonnel:https://youtu.be/8L_9-GS7ZCM Ceux qui appellent à la guerre ne la connaissent pas!

  2. Posté par aldo le

    A GARDER SOUS LE COUDE ET CONTINUER L’ENQUÊTE

    Madame von der Leyen outrepasse ses compétences et n’a aucun mandat pour faire la guerre. Ses compétence sont celles données à l’un des multiples alcoolique du Parlement et de la politique, tel Juncker le junkie. Erdogan en lui offrant un canapé ne s’y était pas trompé sinon sur le confort. Elle méritait pourtant une planche à clous cette illusionniste de pacotille.

    QUE VIENT FAIRE CETTE COMMISSIONNAIRE POLITIQUE planquée par les Allemands, cette vieille rafistolée aux 7 enfants, qui grâce aux commissions des milliards de $ d’armes qu’elle trafique sur les conseils de McKinsey comme pour Macron et bien d’autres traîtres, a pu s’offrir de nouvelles dents, et quelques centaines de millions versés dans le Delaware par exemple, cette belle patrie paradis fiscal des corrupteur Clinton-Obama-Biden ?

    Déjà les Allemands savaient qu’elle était nulle pour avoir triché par un plagiat lors de ses examens écrits de médecine. 7 ENFANTS, ELLE REPRÉSENTE RÉELLEMENT LA SECTE DES MORMONS (LDS), tout comme le Dr. Jouret (l’effet docteur) le faisait pour l’OTS dont on a liquidé par le feu toutes traces d’ADN des complices politiques, déjà ! L’Eglise des Saints des derniers jours nous propose leur arrivée. Les Saints associés de toutes les sectes mondialistes par profit, donc LA FIN DU MONDE VOILA LEUR VRAI PROGRAMME, NUCLÉAIRE A L’APPUI. Et ces dingues sont cachés parmi nos intriguant politicards drogués et nazis comme Zelensky. https://is.gd/XPKrLS

    Pourquoi la fin du monde ? Parce qu’ils fonctionnent selon des principes totalitaires fascistes et bolchévique. L’Elite autoproclamée et le troupeau esclavagisé. L’Elite des grands “bobets” riches par héritages ou crapuleries multiples, qui se sont fait spolier par une organisation leur redistribuant à l’occasion les bénéfices MAIS TOUT EN PRATIQUANT LA PYRAMIDE DE PONZI. Et le gâteau s’est épuisé force de dépenses somptueuses. https://is.gd/tBsBOx (“… impressionné par le nombre de clients sachant qu’ils pouvaient mourir demain… … et que c’est maintenant qu’il faut profiter de la vie” en réalité la programmation politique imposée par les MOR(MOON). Et comme ils sont au bout, ils fabriquent l’inflation, pour imposer la mort des pauvres, puis la leur par le feu nucléaire, non sans continuer de profiter sur les cadavres.

    DEJA LES PLUMÉS SAUTENT PAR LES BALCONS. https://is.gd/N2pMll ET IMMEDIATEMENT LE CONTRE-FEU DE LEUR PRESSE A LA BOTTE. https://is.gd/WiSijx pour faire croire à une sympathique église chrétienne sans danger. Pour plus d’indices reconstituer le puzzle et décortiquer les mauvaises actions de ces petits saints de l’imposture mondialiste, lisez aldo sous: https://is.gd/5NDNHp et surtout l’arnaque aux dons à l’armée ukrainienne soutenue par la Tribune de Genève.

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