Il y avait déjà parmi les neuf membres de la Cour suprême des Etats-Unis deux femmes, Sonia Sotomayor et Elena Kagan, nommées par l’ancien président Barack Obama. Deux femmes n’ayant eu aucun problème lors de leur confirmation devant le sénat et répondant, depuis, à tous les critères de la plus pure orthodoxie gaucho-subversive. Successeur d’Obama, Joe Biden se félicita de ce duo, tout en estimant qu’il serait souhaitable de le transformer en un trio encore plus destructeur. Fort opportunément, l’un des neuf juges de la Cour suprême, pris par l’âge, donna sa démission. Biden saisit l’occasion pour offrir à l’Amérique ce personnage qui l’obsédait parce qu’il le jugeait indispensable au bon fonctionnement du sommet de l’institution judiciaire : une femme noire. Biden avait depuis longtemps son nom en tête : Ketanji Brown Jackson. Cinquante-et-un ans, bonne famille, étudiante irréprochable, carrière sans faute. Une perle. L’establishment félicita Biden pour son choix : le gauchisme radical de Jackson allait faire passer ses deux futures collègues pour de pâles représentantes du centre gauche.
Les débats de confirmation devant une commission spéciale du sénat ne furent pas à la hauteur de l’événement : convenus, ternes, sans éclat. Biden installait au cœur du jugement et de la loi américains un dangereux brûlot et tout ce que l’opposition trouva de combatif fit penser aux échanges d’arguments entourant d’ordinaire la désignation d’un sous-secrétaire d’Etat au commerce extérieur. Il est vrai que la partie était jouée d’avance : les démocrates contrôlant le sénat, Jackson eut dès le début son ticket pour la Cour suprême. Que restait-il aux républicains ? Un baroud d’honneur, clamer le scandale, sonner le tocsin. Il y eut certes quelques coups d’épées bien ajustés mais l’ensemble manqua de flamme : le cœur n’y était pas. Pourtant, la cible, elle, était bien là, offerte et vulnérable avec toutes les affaires qu’elle eut à traiter, tous les verdicts qu’elle dut rendre. Le radicalisme de Jackson transparaît dans son passé de juge. Quelques ténors de droite s’appliquèrent à le lire comme on rappelle les caractéristiques d’un prévenu dont on sait tout sur les agissements et les intentions.
« Critical Race Theory » et gender
Ted Cruz, sénateur du Texas, dénicha un discours prononcé en 2020 par Jackson dans lequel elle montrait son adhésion enthousiaste au racisme anti-blanc de la désormais omniprésente Critical Race Theory (CRT) et son accord avec la thèse tout aussi haineuse selon laquelle la révolution américaine n’eut d’autre but que la défense de l’esclavage. L’épinglée se défendit mollement en soulignant qu’elle n’avait jamais préconisé l’enseignement de la CRT dans les écoles. Faux, riposta Cruz. Et il exhiba la preuve que Jackson, alors membre du Conseil d’administration d’un lycée de Washington, avait insisté pour que figure au programme non seulement le délire de frustrations racistes mais toute la panoplie de l’activisme gauchiste. Cette panoplie comprend la protection des prédateurs sexuels. Jackson, fidèle à son idéologie, laissa une trace de son militantisme. En 2013, elle eut à juger un individu de 18 ans qui possédait des images pornographiques avec des garçons impubères. Le prix : dix ans de prison. Le procureur demanda deux ans. Elle imposa trois mois. Pour l’odieux, la clémence de Jackson semble infinie.
Et face au ridicule, l’audace insolente de Jackson est-elle aussi sûre d’elle-même ? Question que se posait sans doute Marsha Blackburn, sénateur conservatrice du Tennessee, lorsqu’elle lui demanda : « Pouvez-vous définir le mot ‟femme” ? » Question à 50 cents. L’autre répondit : « Non. Je ne peux pas. » Blackburn enchaîna : « Vous ne pouvez pas ? » Et Jackson, ne sentant pas le piège, de murmurer bêtement : « Je ne suis pas biologiste. » Comme s’il fallait être météorologiste pour savoir s’il pleut ou non. Ainsi, Jackson ne sait pas définir une femme. Stupide. Pis : révélateur. Sa réticence à réagir devant l’évidence démontre qu’elle ne pourra être un arbitre neutre guidé par la vérité mais un des juges suprêmes marqués par une idéologie, clé de la révolution en cours : reconceptualiser l’homme et la femme. Mais alors, si le fait que les hommes sont les hommes et les femmes les femmes est remis en question, tout semble soumis à interprétation. Et si tout est désormais interprété – y compris la sacro-sainte Constitution – quelle jurisprudence préparons-nous ? Celle d’une Amérique que nous ne reconnaîtrons pas. •
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