Quand des minorités font régner leur loi par la terreur

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Klaus Kinzler est cet enseignant de civilisation allemande à Sciences Po Grenoble qui, rappelez-vous, a été victime il y a un peu plus d’un an d’un véritable déferlement de haine de la part d’une minorité d’extrémistes adeptes des thèses racialistes et de la cancel culture. Jusqu’à être mis à pied par la direction, étant accusé d’avoir tenu des « propos diffamatoires ». Et avoir subi des menaces de mort.

Loin de se laisser faire, ce professeur a choisi d’exprimer sa révolte et son indignation, à travers un livre dans lequel il livre sa vérité. Un livre destiné aussi, au-delà de son cas personnel, à venir en défense d’une liberté d’expression devenue de plus en plus menacée. Car ce que le livre Klaus Kinzler dans cet ouvrage dépasse largement l’entendement, ainsi qu’il a l’occasion de l’exprimer par exemple dans cet excellent entretien :

 

Accusé de fascisme et d’islamophobie

Klaus Kinzler parle de « Tribunal révolutionnaire », tant la comparaison avec ce qu’il pouvait se passer de plus ignoble sous la Révolution française semble ici à propos. Car voici ce qu’il a trouvé inscrit sur des affiches placardées sur les murs de l’IEP de Grenoble le 4 mars 2021 :

Au nom du peuple woke : Klaus Kinzler et Vincent T. se sont rendus coupables d’islamophobie. Ce sont des fascistes. Ils seront bannis de l’Institut.

Cette désignation publique à la vindicte provient de ce qu’il qualifie de « police de la pensée ». Assemblage hétéroclite d’islamistes, de quelques intellectuels douteux et de militants de plus en plus nombreux sans légitimité légale ou démocratique faisant régner leur terreur en de plus en plus d’endroits, en particulier dans les écoles ou universités.

Le problème étant, comme il le développe ensuite, que la décision prise par la direction de l’IEP Grenoble à la suite de ces accusations consiste à s’accommoder d’une injustice au nom du sacro-saint « ne pas faire de vagues », trop souvent en vigueur lorsqu’il s’agit de tenter de trouver une issue à un désordre. Plier l’échine plutôt que de risquer les troubles et l’atteinte à l’image.

L’idée d’islamophobie en question

Mais revenons au point de départ : Klaus Kinzler explique comment, par un concours de circonstances, il décide inopinément et par curiosité de s’inscrire pour participer à la « Journée de l’Égalité » organisée à l’IEP, dont le thème l’interpelle : « Racisme, islamophobie, antisémitisme ». Tandis que les deux autres concepts sont universellement admis, dans un mail qu’il adresse à l’ensemble des participants, il émet des réserves sur l’emploi du terme « islamophobie », dont le sens est – lui semble-t-il – non seulement ambigu et trompeur, mais également controversé et à forte dimension politique.

L’exprimer lui vaut aussitôt des ennuis. Non seulement il se trouve exclu de fait du groupe, sans qu’on le lui signifie directement, mais aucun débat n’a lieu. Si ce n’est une réponse d’une de ses collègues professeur d’histoire, qui dément – de manière qu’il perçoit hostile et condescendante – toute ambiguïté au sujet de cette notion qui aurait un caractère scientifique.

Percevant le caractère militant de l’événement, et surpris de se trouver ainsi exclu de fait, il tente néanmoins d’argumenter, pensant malgré tout renoncer. Mais des échanges de mails avec cet autre professeur (qui ira plus tard chercher le soutien de toutes les instances type « déléguée à l’égalité et à la lutte contre les discriminations », défenseur des droits, CGT et autres), qu’il nous retranscrit, vont changer la donne. L’engagement et la partialité dont lui semble faire preuve celle-ci lui semble peu compatible avec l’esprit critique et la curiosité intellectuelle qu’il aimerait susciter chez les étudiants inscrits. Mais de débat il n’y a pas. Et le voilà réduit à exprimer son point de vue de manière univoque par mail.

Car le problème, note-t-il, ainsi que l’argumente à son tour le collègue Vincent Tournier qui lui vient en soutien, est que ce concept d’islamophobie n’est pas neutre lorsque l’on sait que le journal Charlie Hebdo était accusé justement d’islamophobie et que le professeur Samuel Paty était affublé du même vocable avant d’être sauvagement assassiné de la manière particulièrement horrible que l’on sait. Le blasphème ou encore la laïcité se trouvent eux aussi accusés d’être islamophobes, comme le sont aussi bien d’autres personnes devenues connues malgré elles. Dès lors, ainsi qu’ont pu le montrer parmi d’autres Sonia Mabrouk ou Eugénie Bastié dans leur dernier ouvrage respectif, ce sont notre civilisation et nos libertés qui se trouvent menacées. Le professeur de civilisation allemande est donc fondé à alerter sur le danger d’utiliser ce terme fortement connoté. Ce qui demeure sa seule préoccupation d’alors.

En finir avec la destructrice victimisation

Il évoque ensuite les digital natives, cette génération « J’ai le droit » telle que décrite par Barbara Lefebvre dans son ouvrage éponyme, ou encore par Caroline Fourrest dans son Génération offensée, qui se caractérise par ses ambiguïtés et la large place laissée à la « police de la pensée », à travers le recours permanent aux réseaux sociaux. C’est à des étudiants de cette génération qu’il s’est ainsi trouvé confronté.

Et tout le problème vient de là, selon lui. Refusant un quelconque débat, le groupe d’étudiants concerné par cette « Journée de l’Égalité » se serait senti « blessé dans son identité » par ses questions désobligeantes. Soutenus par des enseignants adeptes d’une bien connue « bienveillance » qu’il assimile quant à lui plutôt à une forme de « racisme de la compassion » consistant à discriminer. Et c’est là le fond du sujet (notre professeur me fait d’ailleurs penser aux personnages typiques des romans de Patrice Jean, par son naturel et son caractère décomplexé avant d’être confrontés aux affres de l’époque, sauf qu’ici il s’agit bien de la réalité. Et ce qui l’attend, comme il le développe tout au long de l’ouvrage, est une succession de dénonciations, diffamations, injures publiques et délations, de la part de ceux qui refusent que l’on ne pense pas comme eux).

Car au lieu de se plaindre et de se présenter comme victimes, ces jeunes-là devraient, ainsi que nous le montrait superbement Fatiha Agag-Boudjahlat, en finir avec la victimisation et accepter un débat sain et constructif. Au lieu de sombrer dans des délires tels que cet exemple bien connu qu’il donne au sujet de l’introduction des « ethno-mathématiques », introduites dans l’État de l’Oregon, suite à cette incroyable interrogation d’une activiste du mouvement Black Lives Matter sur la part de « suprématie blanche » que revêtiraient les mathématiques :

L’idée de 2+2=4 est basée sur la culture. Si nous pensons aujourd’hui que seul ce résultat (4) est bon, c’est en raison de l’impérialisme et [de] la décolonisation de l’Occident.

Résultat : les enseignants de l’Oregon doivent désormais prévoir au moins deux résultats corrects pour chaque tâche. Par exemple 2+2= 4 ou 5 !!!

Assez rigolé, retournons en France. À l’école et à l’université. L’évolution que je décris, si nous ne la stoppons pas, fera d’autres dégâts, et ce, pas seulement pour la formation des jeunes gens, que les nouveaux pédagogues nous disent vouloir protéger. Mais il y aura aussi des conséquences pour l’université dans son ensemble et pour l’une de ses missions essentielles : celle d’être un lieu de débat scientifique. Quand toute opinion susceptible d’offenser ne serait-ce qu’un seul de nos collègues ou étudiants est d’avance déclarée « problématique », on ne dit rien d’autre que cette opinion est mise à l’index. Verboten. Par voie de conséquence, toute personne tentée de défendre une telle opinion à l’intérieur des murs de l’université est déclarée persona non grata.

Il poursuit ensuite en rappelant des exemples similaires d’évocation du racialisme pour appeler au boycott de pièces de théâtre, opéras, salles de concert et de cancel culture aux États-Unis, mais aussi en France. Signes que la liberté est bien en danger et qu’il est encore temps de tenter de corriger le tir.

Les dangers à l’Université aujourd’hui

Car les dérives à l’Université aujourd’hui sont nombreuses. Outre ces tendances au wokisme, à la montée de la cancel culture, à la victimisation, aux mauvais procès, au militantisme néoféministe, on trouve la question de la langue inclusive, que Klaus Kinzler aborde également. Généralisée au sein de l’IEP Grenoble, elle constitue une forme d’endoctrinement et de réduction de la forme de la pensée, montre-t-il à travers des développements, en référence à la novlangue imaginée par George Orwell dans 1984. Résultat : elle a plutôt pour effet d’exclure, par les complications monstrueuses qu’elle introduit.

Autre danger : celui de la « militantisation » de l’enseignement supérieur, de plus en plus présente au sein des Universités. Cette affaire en est d’ailleurs la preuve car ce qu’il nous rapporte des multiples réactions de professeurs et chercheurs à l’apogée de la crise de l’IEP Grenoble en dit long (il faut lire le livre pour en avoir un aperçu).

Non moins dangereux est le conformisme en général – thème qui nous est cher également et parsème bon nombre de nos chroniques – et le silence, lâche ou apeuré, des majorités silencieuses, dont nous avons par exemple pu observer à plusieurs reprises l’incidence lors des révolutions sanglantes, qui préfèrent se plier ou ne pas réagir plutôt que de prendre parti. Klaus Kinzler montre à quel point cela a pesé dans son affaire, combien il s’en est trouvé isolé, mais aussi comment cela constitue une triste réalité quotidienne.

Sans oublier, entre autres exemples, l’organisation devenue rituelle des blocages votés à main levée par une minorité d’activistes à des moments bien choisis et en toute opportunité, imposant à cette majorité silencieuse ce qu’elle subit sans généralement réagir.

Les conséquences potentielles de cette affaire

Finalement, ce qui motive ce professeur dans l’écriture de ce livre, outre l’évocation de son cas personnel et de la rancœur qu’il éprouve, est l’analyse des conséquences qui en découlent. Même si on peut reprocher la longueur de ce livre (une petite centaine de pages aurait suffi à mon avis), qui souffre de répétitions malgré un style alerte et agréable, mélange de dépit, d’humour, d’ironie et de réflexion de qualité, il n’en est pas moins essentiel. Car ce qu’entend démontrer son auteur est qu’à force de laisser courir, de renoncer, d’étouffer, de faire des concessions, on finit par légitimer. Et c’est ainsi que, comme il le développe, on prend le risque d’officialiser, puis de généraliser la notion d’islamophobie, la faisant entrer dans un cadre juridique qui aboutirait à criminaliser tout acte jugé « islamophobe ».

Cela voudrait dire qu’il serait bientôt impossible de critiquer, et plus encore de combattre efficacement, l’idéologie de l’islamisme fondamentaliste, cette forme rétrograde et mortifère de l’islam qui a pris le pouvoir dans le monde islamique il y a quarante ans et qui, depuis, profitant de la manne pétrolière, finance une puissante propagande visant les musulmans aux quatre coins de la Terre.

 

La bataille médiatique

Ce livre est aussi l’occasion pour l’auteur de nous livrer les coulisses à la fois de la bataille de communication qui a eu lieu en interne à l’IEP Grenoble, mais aussi au sein des médias. Si le consensus chez ces derniers a été, selon lui, rare et assez remarquable (à l’exception de Mediapart, dont il nous narre la manière engagée et le parti pris avec lesquels, fidèles à leur réputation, ses journalistes ont traité l’affaire), il n’en reste pas moins qu’en interne il semble y avoir eu une véritable fracture entre générations chez les journalistes de nombreuses parutions, entre des jeunes tendance woke et des plus anciens.

Malgré le quasi-consensus des médias et un rapport de l’inspection générale sans concession à l’égard de la direction de l’IEP Grenoble comme du syndicat étudiant très engagé dans cette affaire ou des enseignants-chercheurs très politisés, c’est Klaus Kinzler qui s’est retrouvé en définitive poussé vers la sortie et soumis aux attitudes revanchardes de ses opposants. Qui, quant à eux, s’en sont plus que bien sortis, malgré les recommandations de l’inspection générale.

D’où l’intérêt de ce livre, qui révèle les détails d’un scandale qui doit faire ouvrir les yeux sur les vives menaces auxquelles peut être soumise la liberté d’expression lorsqu’une minorité d’activistes idéologues peu soucieux des libertés profite en toute impunité du silence de la majorité passive pour imposer ses vues en faisant régner sa terreur.

Comme conclut d’ailleurs son collègue Vincent Tournier, maître de conférences à l’IEP de Grenoble et autre victime de cette affaire, dans une courte postface :

« Il ne reste plus qu’à espérer que l’histoire ne s’arrête pas là. Un sursaut peut encore se produire, du moins si l’on veut sauver l’université du désastre qui s’annonce ».

 

Klaus Kinzler, L’islamo-gauchisme ne m’a pas tué, éditions du Rocher, mars 2022, 344 pages.

 

Extrait de: Source et auteur

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3 commentaires

  1. Posté par Il en est ainsi le

    En résumé , et pour pouvoir s’ attribuer toutes les chances d’ être posé en victime en tant qu’ adepte d’ une minorité, il faut être, et toutes les combinaisons sont possibles- les additionner est une réelle opportunité- être une femme, africaine et/ ou musulmane, inculte, lesbienne, au chômage, obèse, mère de famille d’ une myriade de miteux de père inconnu, vivant de la générosité des contribuables occidentaux , séropositive et autres.
    La liste est longue. En fait , ne pas être un homme blanc, occidental et hétérosexuel.

  2. Posté par Lucide le

    Il faut juste que les minorités soient remises à leurs places ou marche dans le rang c’est aussi simple que ça…. c’est quand même terrible que des gens responsables, parents et salariés qui se lèvent à 6h pour aller faire avancer le “schmilblick” doivent entendre, en rentrant de leurs 9h de boulot, les doléances et les chouineries d’immigrés inintégrables qui profitent de manière éhontée et inhumaine de notre générosité imposée et d’autochtones “mutants” qui préfèrent se marier avec des Pokemons ou des “trucs de je ne sais où” en ouvrant leurs gueules comme s’ils ne voyaient pas le ridicule qu’ils inspirent …. mais franchement où est Darwin??????

  3. Posté par miranda le

    Pauvres lieux du savoir qui produisaient les génies dont nous avions besoin et qui aujourd’hui sont les lieux où les manipulés du pouvoir entreprennent une déconstruction-destruction, dont le résultat doit peut-être même dépasser les espérances de nos élites.

    En tout cas, si l’on veut faire sombrer l’intelligence et la cohérence d’une société, on ne pouvait pas mieux s’y prendre. Créer des conflits à profusion au point que même les élites de ces lieux, doivent prendre un temps de réflexion énorme, intense pour essayer de décrypter ce qui se passe et en produire un ouvrage ” reportage de guerre” (je plaisante).

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