DÉCRYPTAGE – La pandémie a révélé que l’archipel cultive toujours son isolationnisme et qu’il ne cherche pas à intégrer les étrangers.
Tout juste intronisé premier ministre, Fumio Kishida, à la réputation falote, bombe le torse face au virus Omicron et annonce: «J’ai décidé de restreindre l’entrée des étrangers du monde entier.» Après s’être claquemuré depuis le printemps 2020, l’Archipel avait entrouvert ses portes début novembre ; Fumio Kishida les referme trois semaines plus tard. Expatriations gelées, chantiers interrompus, plans d’études en berne, familles coupées en deux…
(…) Mais les autochtones applaudissent: 88 % des Japonais approuvent la fermeture des frontières, à la fois protectrice et indolore pour eux. S’ils critiquent leur gouvernement, c’est pour ne pas en faire assez. «Les services de l’immigration sont plutôt compréhensifs, vu la clameur populaire», observe une avocate dont la clientèle est étrangère.
(…) Les étrangers au Japon y résident en principe de manière temporaire et non renouvelable (…) Tous sont pour ainsi dire les « sujets » de l’Agence de l’immigration, au pouvoir discrétionnaire immense (…)
Le Japon, enfin, chasse ses clandestins, n’hésitant pas à les enfermer sans limite de temps jusqu’à leur déportation ; ils sont aujourd’hui 83 000, soit un peu moins qu’il y a dix ans. Et il limite son accueil de réfugiés à quelques dizaines par an.
Cette politique d’accueil en masse d’immigrés de travail, jumelée avec leur maintien à distance par les autochtones, a inspiré la chercheuse Aeran Chung : elle parle d’une «politique de pétromonarchie», similaire à celle des États du Golfe, où l’immigration pléthorique jamais ne fait souche.
Les Japonais se félicitent de leur intransigeance. Ils y voient la cause du caractère bénin du Covid-19 sur leur pays (18 391 décès à ce jour) et, plus largement, de l’absence des phénomènes qui déchirent le tissu des sociétés riches mondialisées – communautarisme, insécurité…
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