Royaume-Uni et Australie : un accord de libre-échange historique

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Les points de vue britannique et australien ne sont plus antagonistes. La géopolitique post-Brexit opère un bouleversement copernicien sur le plan du commerce international et de la libre circulation.

Boris Johnson a admis que l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE en 1973 et la fin de ses conditions commerciales préférentielles avec le Commonwealth « ont eu des effets assez dévastateurs sur de nombreux agriculteurs australiens ». Le ministre australien du Commerce a déclaré que l’accord commercial post-Brexit « corrigerait un tort historique ».

Global Britain : libérée, la Grande-Bretagne signe un accord de libre-échange historique avec l’Australie et répare ses torts

La géopolitique permet d’échapper parfois au point de vue franco-français et eurocentré, et d’observer les choses d’un œil neuf. Les Britanniques pensent que le Royaume-Uni post-Brexit répare une erreur historique en signant un accord commercial lui-même historique avec l’Australie. Pour les importateurs australiens il sera désormais moins coûteux de revendre des produits britanniques emblématiques comme les voitures, le whisky écossais et la mode britannique. Les favoris australiens comme les vins Jacob’s Creek et Hardys, Tim Tams et les planches de surf seront, quant à eux plus accessibles pour les consommateurs britanniques.

Alors qu’elle faisait encore partie de l’Union européenne, la politique commerciale internationale de la Grande-Bretagne était contrôlée par Bruxelles qui impose une politique commerciale commune aux États membres.

Des barrières tarifaires se sont ainsi abattues sur les pays du Commonwealth britannique, dont l’Australie, lorsque la Grande-Bretagne a adhéré à la Communauté économique européenne (CEE), comme l’était alors l’UE, dans les années 1970. Les accords commerciaux à l’échelle de l’UE avec les partenaires commerciaux de la Grande-Bretagne ont été en grande partie bloqués pendant des décennies, les États membres continentaux comme la France et l’Allemagne estimant qu’ils ne seraient pas dans l’intérêt de leurs propres agriculteurs et producteurs.

L’entrée du Royaume-Uni dans le marché commun a poussé des agriculteurs australiens au suicide.

Cet été, lors d’une rencontre au 10 Downing Street à Londres avec Scott Morrison, le Premier ministre australien, Boris Johnson a admis que l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE et la fin de ses conditions commerciales préférentielles avec le vieux Commonwealth « ont eu des effets assez dévastateurs sur de nombreux agriculteurs australiens, rapporte la Financial Review. Ce qui est arrivé à l’agriculture australienne à partir de 1973 lorsque le Royaume-Uni est entré dans ce qui était alors le Marché commun, a même poussé certains agriculteurs au suicide ». Le ministre australien du Commerce a déclaré que l’accord post-Brexit qui était alors en attente « corrigerait un tort historique ».

Du point de vue australien, l’entrée de la Grande-Bretagne dans un marché commun exclusif intégrant l’Allemagne de l’Ouest, contre la volonté de la plupart des pays du Commonwealth britannique exclus de fait, a été ressentie comme une trahison dans les années 1970, compte tenu de la Seconde Guerre mondiale où de nombreux citoyens du Commonwealth avaient combattu pour la mère patrie – un souvenir encore frais pour de nombreux adultes.

Paradoxalement, le coup avait été un peu amorti en raison du veto exprimé par le général De Gaulle à une tentative antérieure des Britanniques d’adhérer à la CEE dans les années 1960, qui signalait aux pays du Commonwealth qu’ils devraient regarder au-delà du marché britannique s’ils voulaient survivre à ce qui s’avérait être un coup de couteau inévitable dans le dos.

Durant les années 1960, le Premier ministre australien Sir Robert Menzies avait prévenu que l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE au cours de cette décennie porterait un « coup terrible » aux exportateurs australiens et un « coup presque fatal » aux exportateurs néo-zélandais.

Les jeunes Britanniques pourront travailler et voyager en Australie jusqu’à trois ans sans visa

Saluant le nouvel accord commercial, la secrétaire au Commerce de la Grande-Bretagne, Anne-Marie Trevelyan, a déclaré que sa signature était un « moment marquant dans la relation historique et vitale entre nos deux pays du Commonwealth ».

Elle déclare :

Cet accord est adapté aux forces du Royaume-Uni et répond aux besoins des entreprises, des familles et des consommateurs de toutes les régions britanniques et nous aidera à les remettre à niveau. […] Il a démontré ce que le Royaume-Uni peut accomplir en tant que nation commerçante, indépendante et agile. Ce n’est que le début, alors que nous avançons et saisissons les possibilités qui nous attendent sur la scène mondiale.

Cet accord aidera à créer de nouveaux débouchés pour les entreprises du Royaume-Uni et de l’Australie.

Son Excellence (HE) Vicki Treadell, haut-commissaire de la Grande-Bretagne en Australie — l’équivalent d’un ambassadeur dans le Commonwealth — a déclaré que cet accord était un événement historique mettant l’accent sur les dispositions qui permettront aux jeunes Britanniques de travailler et de voyager jusqu’à trois ans sans conditions de visa préalable :

Cet accord de libre-échange est un partenariat à l’échelle planétaire qui aide les Australiens à accéder au meilleur des biens et services britanniques, et les entreprises britanniques à saisir encore plus de possibilités en Australie, et montre que la Grande-Bretagne est ouverte aux affaires.

Il établit de nouvelles normes mondiales en matière de numérique et de services et crée de nouvelles possibilités de travail et de voyage pour les Britanniques et les Australiens.

L’accord devrait débloquer 10,4 milliards de livres sterling de commerce supplémentaire, stimuler l’économie et augmenter les salaires dans l’ensemble du Royaume-Uni, tout en éliminant les droits de douane sur la plupart des exportations britanniques.

Les fournisseurs de services britanniques, y compris les architectes, les scientifiques, les chercheurs, les avocats et les comptables, auront accès à des visas pour travailler en Australie sans être assujettis à sa liste de professions qualifiées. C’est plus que ce que ce pays a offert à n’importe quel autre pays dans un accord de libre-échange.

Cet accord n’est pas du goût de l’Australian Council of Trade Unions qui déplore que les entreprises n’auront pas à proposer d’emplois aux travailleurs locaux avant de faire venir des travailleurs migrants.

L’accord est également une porte d’entrée dans la région indo-pacifique en pleine croissance et stimulera la candidature du Royaume-Uni pour adhérer au traité commercial transpacifique CPTPP, l’une des plus grandes zones de libre-échange au monde, qui pèse « 8400 milliards de livres en PIB » et couvre 11 pays, du Pacifique de l’Australie au Mexique.

Le président de l’organisation patronale CBI, Karan Bilimorian, a salué un accord « complet et moderne », qui « ouvre de nouvelles frontières pour les entreprises britanniques ».

Sans surprise, toujours triste à la fête, l’ONG écologiste Greenpeace et son idéologie climato-anthropique favorable à la décroissance a déploré cet accord qui aura selon elle « non seulement l’un des pires impacts sur le climat, mais (parlant de l’Australie) avec un pays qui est l’un des principaux centres mondiaux de déforestation ».

Le Royaume-Uni a déjà obtenu des accords avec l’UE – de loin son premier partenaire commercial –, le Japon, la Nouvelle-Zélande, ou encore avec des pays européens non-membres de l’Union : la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein.

Le pays discute avec l’Inde et a lancé début octobre des négociations pour un accord de libre-échange avec les six pays arabes du Golfe. Il cherche aussi à renforcer ses liens commerciaux avec les États-Unis, sans avoir pu décrocher pour l’heure de promesse de la part de Washington.

 

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