Par Jérôme Boily.
La fascination occidentale pour une idéologie meurtrière
La Chine maoïste a exercé, et exerce encore, un grand attrait sur la jeunesse militante et idéaliste en Occident, ainsi que dans certains milieux intellectuels. Certains membres de l’élite québécoise, comme Gilles Duceppe, Jean-François Lisée, Pierre-Karl Péladeau, Françoise David, Christian Rioux, pour ne nommer que ceux-là, ont milité dans des organisations maoïstes dans leur jeunesse. Encore aujourd’hui le philosophe français Alain Badiou chante les louanges de Mao Tsé-Toung et son régime tyrannique.(1)
Il y a eu aussi bien sûr les Bernard-Henri Lévy, André Glucksman, Serge July et bien d’autres gauchistes français qui ont frayé avec le maoïsme dans leur jeunesse. Pour bien des jeunes en révolte contre le capitalisme, et l’auteur en a fait partie il y a plus de 20 ans, le maoïsme exerce un attrait en tant qu’idéologie typiquement tiers-mondiste et donc « anti-impérialiste ».
Sa phraséologie radicale contre les capitalistes et les exploiteurs lui confère un aspect mythique et révolutionnaire dans le milieu de l’extrême gauche. La victoire de la révolution chinoise dirigée par Mao et le parti communiste chinois en 1949 est régulièrement décrite dans l’historiographie progressiste et gauchiste comme une victoire des opprimés et des exploités face à l’impérialisme américain et ses agents locaux représentés par le parti nationaliste du Kuomintang de Tchang Kaï-Chek. Il y a une tendance à minimiser, voire passer sous silence, le rôle joué par ce dernier dans la lutte contre les envahisseurs japonais au cours de la IIe Guerre mondiale et à donner le crédit de la victoire aux communistes. Le Kuomintang a été souvent dénoncé par les libéraux occidentaux à cause de sa corruption réelle ou supposée et de ses politiques répressives qui pourtant étaient plutôt faibles en comparaison de celles de Mao et du PCC.(2)
Le nombre de morts causés par le Kuomintang est sans commune mesure avec les massacres du régime maoïste comme nous le verrons plus loin dans cet article.
Le livre noir du communisme publié en 1997 contient une description assez détaillée des crimes et des horreurs perpétrés par les communistes chinois à partir des années 30 dans les zones sous le contrôle du PCC et ensuite dans la Chine entière après la prise du pouvoir par Mao et ses acolytes en 1949. Ce texte sur la violence de masse en Chine contient aussi beaucoup d’informations pertinentes et fort utiles sur la terreur communiste et la répression de toute forme de dissidence et de protestation sous Mao et ses successeurs.(3)
Mao avait déjà déclaré dans un de ses textes « On a raison de se révolter », mais bien évidemment ce slogan ne s’appliquait pas à son régime dictatorial et totalitaire qui n’avait rien à envier à celui de Joseph Staline que Mao admirait ouvertement et sans vergogne.(4)
Sans l’appui du « Petit père des peuples » et de l’URSS, Mao n’aurait jamais réussi à prendre le pouvoir en Chine. Il lui était donc lourdement redevable et il s’est toujours opposé à la remise en cause de Staline par Khrouchtchev lors de son fameux discours au XXe congrès du PCUS en 1956. La filiation entre les deux dictateurs est donc très évidente et leurs méthodes étaient très similaires, malgré certaines différences. Mao n’a jamais hésité, à l’instar de Staline, à purger ses opposants au sein du PCC, comme Liu Shaoqi qui fût la principale cible de la Révolution culturelle déclenchée en 1966 par Mao dont le pouvoir s’effritait suite à l’échec retentissant et monumental du Grand Bond en avant dont nous parlerons plus loin. Le principal lieutenant de Mao durant la Révolution culturelle, le maréchal Lin Piao, a également été purgé quelques années plus tard dans des circonstances mystérieuses. La Chine depuis Mao possède son système de camps de concentration et de travaux forcés, les tristement célèbres Laogaï qui n’ont rien à envier aux goulags soviétiques et où furent enfermées des dizaines de millions de personnes depuis le début des années cinquante. Sans compter la présence d’une police secrète très puissante et répressive qui contrôle intensément la vie de citoyens comme dans l’ex-URSS.
Un des épisodes les plus meurtriers et funestes de l’époque maoïste a été sans contredit le très mal nommé Grand Bond en avant qui dura de 1958 à 1962 qui devait faire décoller l’économie chinoise et qui se termina en une des plus grandes famines de l’histoire. Selon l’historien Frank Dikötter, le Grand Bond en avant, qui devrait se nommer plutôt le Grand Bond en arrière, cause la mort d’au moins 45 millions de personnes dont 2 à 3 millions par des tueries.(5)
La collectivisation radicale et l’industrialisation forcenée poussèrent à bout la paysannerie qui était écrasée sous le travail forcé et une famine gigantesque envahit la Chine entière. Tout le monde devait contribuer à la production de l’acier afin de faire de la Chine une grande puissance économique rivalisant avec l’URSS et les pays occidentaux, dont la Grande-Bretagne et les États-Unis. Les récoltes abandonnées dans les champs pourrirent et ce fut une des causes majeures de la famine qui en résulta. Des cas de cannibalisme furent rapportés car les gens n’avaient plus rien à manger. Lors de la réforme agraire au début des années cinquante, il y eut entre 2 et 5 millions de personnes tuées sous l’accusation d’être des grands propriétaires terriens exploitant les paysans. C’est encore une fois l’utilisation du mensonge et de la diffamation pour permettre au PCC de raffermir son pouvoir et éliminer ses opposants potentiels, une tactique classique de l’extrême gauche. La politique agraire de Mao s’avéra donc très similaire à celle de Staline et certainement tout aussi meurtrière. On peut faire aussi un parallèle avec les Khmers Rouge de Pol Pot qui causèrent un génocide au Cambodge à la fin des années soixante-dix.
Une autre période très sombre de l’époque maoïste a été la Révolution culturelle de 1966 à 1976. Mao souhaitait ardemment reconquérir le pouvoir qui lui avait en partie échappé suite à la catastrophe du Grand Bond en avant et évincer ces adversaires, plus particulièrement Liu Shaoqi et Deng Xiaoping. Il s’est servi des Gardes rouges, la jeunesse radicalisée à l’image des militants d’extrême gauche en Occident, pour arriver à ses fins et éliminer tous ceux qui faisaient obstacle à son pouvoir absolu en les accusant d’être des « véhicules du capitalisme ». Une purge gigantesque frappa le PCC et tous les secteurs de la société chinoise, notamment les artistes et les intellectuels. Les confessions religieuses furent également durement touchées par des arrestations, des exécutions et la destruction de lieux de culte. Le patrimoine historique a souffert des exactions perpétrées par les Gardes rouges aux ordres de Mao au cours d’un processus visant à faire table rase du passé et de la culture traditionnelle de la Chine.
Les ravages du progressisme ne datent donc pas d’aujourd’hui et ont toujours pour but la négation du passé et la destruction de tout ce qui le représente et le symbolise. L’Église catholique a particulièrement souffert de la répression communiste, avec des arrestations massives au sein du clergé et de la hiérarchie catholiques à la suite de la révolution de 1949, l’expulsion des missionnaires et un schisme orchestré au sein même de l’Église par le PCC dans le but de créer une « Église patriotique » séparée du Vatican et inféodée à la dictature communiste.
La révolution culturelle a été marquée par une aggravation de la répression et de la persécution antireligieuse. Les communistes n’ont jamais été tendres envers les religions, ce qui devrait faire réfléchir ceux qui en Occident veulent concilier le catholicisme et le marxisme depuis les années 1960. Les estimations sur le nombre de morts au cours de cette période sont d’au moins deux à trois millions, sans compter bien sûr toutes les arrestations, les tortures, les familles brisées et tous les autres crimes perpétrés par les Rouges.
Le maoïsme est donc marqué par un bilan humain et social particulièrement funeste et dévastateur loin des élucubrations de l’intelligentsia gauchiste qui était à la recherche d’un modèle « socialiste » idéal dans les années soixante et soixante-dix. La réalité était bien différente du mythe colporté par Jean-Paul Sartre, Jean-Luc Godard et autres progressistes bien en vue à l’époque.
Le journal Epoch Times a publié il y a plusieurs années une série de commentaires sur le communisme chinois avec une description détaillée des horreurs que ce régime inflige à son peuple depuis plus de 70 ans.(6)
Mais bien sûr une bonne partie de la gauche nous répondrait que c’est de la propagande réactionnaire et « pro-impérialiste » digne de la CIA ! Comme si le fait de dénoncer le communisme faisait de nous automatiquement des propagandistes à la solde du gouvernement américain.
Notes
(1) https://www.letemps.ch/culture/alain-badiou-dernier-maoistes
https://www.marianne.net/agora/un-alain-badiou-nest-possible-quen-france
(2) https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/1355
(4) https://www.bibliomarxiste.net/documents/chine/sur-la-question-de-staline/
(5) http://www.ursulagauthier.fr/mao-le-plus-grand-criminel-de-lhistoire/
(6) http://www.ninecommentaries.com/french
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