Le Portugal entre repentance et national populisme

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Le gouvernement actuel de l’ancienne puissance coloniale entend mettre en œuvre un programme antiraciste et intersectionnaliste. Au risque de faire monter la côte de popularité d’un ancien commentateur sportif, aujourd’hui leader d’un parti nationaliste dont le nom même veut dire « ras le bol ! »


Au Portugal, le « plan national de combat contre le racisme et les discriminations 2021-2025 » vient d’être lancé. Objectif de cette grande aventure ? La création d’ici 2025 de 500 places dans le supérieur pour les élèves issus des TEIP (Territoires éducatifs d’intervention prioritaire) – contre 150 actuellement.

Déconstruisons les stéréotypes !

Dans son édition du 28 juillet, le quotidien portugais Público a souligné que le gouvernement « ne souhaite pas développer une politique d’action positive à travers l’origine ethnique ou raciale des élèves ». Pourtant, a-t-il continué, « l’accompagnement des programmes sera fait par le Haut Commissariat aux migrations ». Et d’ajouter que « le gouvernement veut aussi lancer en 2022 un concours spécial pour soutenir les projets d’investigation sur l’esclavage et le colonialisme, et la présence de groupes discriminés dans la Fondation pour la science et la technologie ».

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Selon Rosa Monteiro, sociologue de formation, auteur d’une thèse sur « le féminisme d’État au Portugal » et désormais secrétaire d’État à la citoyenneté et aux inégalités, il s’agit là « du plan le plus significatif parmi les sept qui ont déjà été élaborés ». Quel est l’objectif d’une telle dépense d’énergie ? Franchir le « pas décisif permettant de sortir de cette situation » où le racisme aurait été « un non-dit dans nos approches personnelles et institutionnelles pendant trop longtemps » a-t-elle expliqué. Pour mener à bien cette mission rédemptrice, le programme, qui ne compte pas moins de 800 mesures et « 200 activités coordonnées », sera fondé sur des principes comme la déconstruction des stéréotypes et l’inévitable intersectionnalité !

Quand sonne l’heure de la repentance

Début mars, SOS Racismo (eh oui, il semble que Harlem Désir ait fait des petits Ibères… ) appelait le premier ministre socialiste, Antonio Costa, à « déconstruire les imaginaires qui continuent à criminaliser et à inférioriser » les descendants des victimes du colonialisme. Peu après, le Conseil de l’Europe hâtait l’exorcisation des vieux démons de la quête de l’or en enjoignant au Portugal de faire face à son passé colonial. Ceci au moment même où le cancre réfractaire s’apprêtait à inaugurer à Lisbonne son premier « Mémorial des victimes de l’esclavage. » Un lieu qui devrait, l’Europe l’espère, ouvrir la voie à une contrition exemplaire.

Gare au retour de flamme…

Pendant un demi-siècle, le Portugal semblait vacciné contre l’extrême droite. On attribue souvent cette immunité de groupe à la cinquantaine d’années de régime autoritaire d’Antonio de Oliveira Salazar. Mais en janvier dernier, coup de tonnerre : André Ventura, ancien commentateur sportif recyclé en politique avec son parti « Chega » ,(« Ça suffit ! », créé il y a deux ans) raflait près de 12 % des voix aux présidentielles. L’été dernier, cet homme de 38 ans à la barbe de quadra branché assurait sur Twitter souhaiter « finir comme Salazar : pauvre et incorruptible ». Il n’a pas la langue dans sa poche, c’est le moins que l’on puisse dire. Pendant la pandémie, il a proposé d’interner les Roms dans des camps pour lutter contre le coronavirus. Ou encore, de « renvoyer » en Guinée Joacine Katar Moreira, une députée et militante « antiraciste » (et « intersectionnelle » ) d’origine guinéenne qui souhaite restituer des œuvres d’art aux anciennes colonies.

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Le programme « antiraciste » du gouvernement socialiste ravira sans doute Mme Katar Moreira et autres antiracistes autoproclamés, même s’ils estimeront que ce n’est pas encore suffisant, mais suffira-t-elle à barrer la route à André Ventura ? On peut en fortement en douter. Faire de chaque « Lusitanien » de plus de trente ans au teint un peu palot un potentiel raciste à rééduquer au plus vite pourrait en agacer plus d’un – et donc servir le fondateur de Chega. D’après différentes enquêtes d’opinion, son mouvement serait désormais la troisième force politique du pays. Des élections municipales auront lieu à la rentrée. Inutile de dire que le score de Chega y sera scruté de près.

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