- La nuit dernière, il y a eu une sorte de révolution à Paris. Les catholiques se sont soulevés et ont tué des centaines de protestants.
Ce lundi 25 août 1572, dans la région de Bourges, après avoir entendu cette parole de son père, Arthur, qui a appris que sa contemporaine de dix ans, Clothilde Burnand, et sa famille étaient protestants, comprend qu'ils sont en danger, décide de rejoindre leur maison et meurt en se faisant piétiner par une troupe de cavaliers.
Dix ans plus tard Clothilde, le mardi 22 mai 1582, à Genève, est traduite devant un tribunal, accusée d'avoir assassiné Victor Mugnier. Elle est condamnée à mort, après le témoignage de Fernand Picod, compagnon charpentier de Victor, qui l'a vue s'éloigner bras dessus, bras dessous, avec lui en direction de son domicile.
Ramenée en cellule, Clothilde sait que, dans quelques minutes ou quelques heures, on va venir la chercher, l'enfermer dans un sac, la soulever avec une corde attachée à une poulie et la plonger dans l'eau froide du Rhône, jusque ce que mort s'ensuive. Comme souvent ceux qui vont mourir, elle repense à ce qu'a été sa vie.
Au soir du 25 août 1572, sa grand-mère, ses parents, Pierre et Alice, son frère, et sa tante Hélène, soeur de Pierre, prennent la route pour Genève, havre des exilés protestants, de l'or cousu dans les ceintures, pensant faire étape à Lyon chez François Pelletier, un ami coreligionnaire de Pierre, à qui, drapier, il achète des tissus.
Henri Gautschi raconte les péripéties de ce voyage éprouvant, les routes n'étant pas sûres, protestants et catholiques rivalisant de cruautés et de violences en chemin. Clothilde parvient toutefois à Genève où elle est accueillie par les Gindrat (Benoît étant une vieille connaissance de son père), qui tiennent l'Hôtel de l'Écu.
L'auteur restitue si bien ce temps de la Saint-Barthélemy et des années suivantes que le lecteur a l'impression de le revivre et en est remué. Cela lui permet de se voir confirmer que ce temps échappe, comme tous les temps, aux schémas simplificateurs où s'opposeraient d'une part un camp du Bien et de l'autre un camp du Mal.
Francis Richard
Clothilde: au temps de la Saint-Barthélemy, Henri Gautschi, 280 pages, Éditions Encre Fraîche
Publication commune lesobservateurs.ch et Le blog de Francis Richard
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