Les producteurs payeront le prix des décisions prises par l'UE dans le sens des attentes écologiques
Kristóf Nagy
Les éleveurs pourraient subir un nouveau choc si la Commission européenne décide d'interdire l'élevage en cage, en réponse à une initiative des Verts. Les frais du changement de technologie ne seront jamais récupérés si l'Union européenne continue à autoriser l'entrée sur son territoire de denrées alimentaires importées de pays tiers sans imposer à leurs producteurs les mêmes règles qu’aux agriculteurs européens sur le bien-être animal et la sécurité alimentaire.
La Commission européenne pourrait décider de l'avenir de l'élevage en cage dans les prochains jours. Des organisations internationales politiques et civiles vertes veulent utiliser l'initiative citoyenne européenne pour interdire l'élevage en cage dans l'UE.
En un an, ils ont recueilli 1,4 million de signatures, si bien que l'UE doit maintenant mettre à son ordre du jour une initiative visant à interdire les cages, qui, en partie grâce au puissant lobby vert, bénéficie d'un large soutien.
Mais une interdiction des cages pourrait rendre les aliments de base comme les œufs et la viande beaucoup plus chers.
Si la Commission approuve l'initiative, les éleveurs seront à nouveau contraints de procéder à un changement technologique majeur, financièrement coûteux, dans un délai de dix ans.
L'importante dépense financière ne sera probablement jamais récupérée, car Bruxelles n'est pas pressée de conditionner les importations de denrées alimentaires produites en dehors de l'UE au respect des normes européennes en matière de bien-être animal.
C'est-à-dire que les producteurs européens devraient concurrencer des aliments bon marché et non contrôlés de pays tiers tout en assumant des coûts plus élevés.
Les Etats membres ont fait pression sur Bruxelles
Le processus décisionnel européen devrait céder à la pression des Verts après l'énorme gifle reçue par Bruxelles lors du sommet de la semaine dernière sur la nouvelle politique agricole commune (PAC).
Au lieu de l'accord attendu, les discussions se sont terminées par un scandale, les ministres des États membres rompant les négociations avec la délégation du Parlement européen.
La raison en est que, à rebours des accords partiels précédents, le Parlement présentait une proposition inacceptable qui, selon les ministres, est inapplicable et dont les objectifs écologiques mettent en danger le système alimentaire européen et les moyens de subsistance de dizaines de millions d'agriculteurs.
Il y a dix ans à peine, il avait suffi de remplacer les poulaillers par de plus grands. Les cages devront-elles bientôt disparaître aussi ?
Les 27 pays de l'UE, dont la Hongrie, ont fait de la transition vers une production alimentaire européenne plus durable et plus verte une priorité. Toutefois, la Hongrie n'acceptera un accord que s'il ne met pas en péril la compétitivité et les moyens de subsistance des agriculteurs et n'entraîne pas une augmentation significative des prix des denrées alimentaires sur le continent.
Bruxelles n'a pas seulement reçu une énorme gifle de la part des États membres : l'échec du sommet européen a également suscité des critiques de la part d'organisations politiques et de la société civile vertes disposant d'un pouvoir de lobbying important au sein de l'UE.
Ces organisations, qui sont favorables à un affaiblissement de l'État-nation et à un renforcement des pouvoirs de l'UE, exigent que Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne chargé du "Green Deal", qui attaque régulièrement la Hongrie, ne renonce pas à sa vision ambitieuse d'une réforme verte de l'agriculture. La plupart des États membres rendent également Timmermans responsable de l'échec des négociations sur la PAC. Tout cela pourrait inciter Bruxelles à adopter rapidement l'interdiction des cages, qui sonne bien politiquement.
La Commission européenne devrait proposer une interdiction progressive de l'élevage en cage dans les prochains jours. L'élevage en cage a déjà été pris pour cible par les défenseurs du bien-être animal en 2019.
Les groupes verts tentent également de faire pression sur les institutions européennes.
Comme l'a rapporté précédemment Magyar Nemzet, une initiative citoyenne européenne intitulée "End the Cage Age" a été lancée il y a deux ans, avec le soutien de quelque 170 ONG dirigées par l'organisation faîtière Compassion in World Farming (CIWF), qui dispose d'importantes ressources. L'initiative citoyenne européenne est un moyen pour les citoyens européens de participer directement au processus décisionnel de l'UE.
L'élevage en plein air : le nouveau symbole de la démocratie
Le Parlement européen a déjà entendu des représentants du mouvement anti-cages en avril de cette année, la balle est donc maintenant dans le camp de la Commission.
Les défenseurs du bien-être animal ont fait valoir que l'élevage en cage est dépassé et que seuls l'élevage en plein air et la réduction de l'agriculture industrielle sont acceptables selon les normes européennes du 21esiècle, même si l'Europe possède toujours les règles les plus strictes au monde en matière de bien-être animal. Les ONG estiment que plus de 300 millions d'animaux d'élevage souffrent de l'enfermement alors qu'ils pourraient vivre librement.
L'élevage en cage concerne principalement les poules pondeuses et les lapins. Les enquêtes des ONG montrent que plus de 80% des Européens sont favorables à l'interdiction des cages en batterie, et plusieurs pays ont déjà fixé une date butoir à cet effet.
Lors d'une audition au Parlement européen en avril, les députés européens et les principaux décideurs de l'UE ont soutenu à l'unanimité l'interdiction de l'élevage en cage.
Vera Jourová, vice-présidente de la Commission chargée des valeurs et de la transparence, qui critique aussi régulièrement la Hongrie, avait souligné à l'époque que l'interdiction des cages s'inscrivait dans la stratégie "de la ferme à la table" de Bruxelles et contribuerait à une production durable et respectueuse de l'environnement dans l'Europe du futur.
Tout le monde est d'accord pour l'élevage en plein air, mais on ne sait pas qui paiera les coûts élevés du changement de technologie.
L'interdiction des cages a reçu le soutien de Janusz Wojciechowski, commissaire européen chargé de l'agriculture et du développement rural. Selon lui, le coûteux changement de technologie pourrait être couvert en partie par le fonds de relance de l'UE et en partie par les subventions agricoles.
L'UE détourne ferme les yeux sur les importations
Il est presque certain que les nouvelles exigences entraîneraient une augmentation considérable des coûts pour les agriculteurs et une perte importante de compétitivité.
En effet, l'UE continue d'autoriser l'entrée de denrées alimentaires provenant de pays tiers sans exiger des producteurs qu'ils respectent les normes européennes.
En conséquence, des aliments produits dans des conditions précaires à des prix bien inférieurs pourraient gagner du terrain sur le marché de l'UE, détruisant ainsi les producteurs européens.
De nombreux États membres, dont notre pays, soutiennent donc l'initiative du président français Emmanuel Macron demandant que seules les importations de denrées alimentaires répondant aux normes de l'UE puissent être marquées d'un label vert.
Toutefois, il semble pour le moment que les grands pays exportateurs puissent bloquer efficacement cet effort en intervenant au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Source: quotidien hongrois Magyar Nemzet, 02.06.2021
Traduction Albert Coroz pour LesObservateurs.ch
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