"J'ai commis le plus grand crime qu'un écrivain russe puisse commettre. Publier un ouvrage à l'étranger avant qu'il ne le soit en URSS est un délit. Je ne sais encore quelles mesures seront prises contre moi, mais il est certain qu'ils me le feront payer cher".
Lorsqu'en 1956 il finit de rédiger Le docteur Jivago, l'histoire d'un intellectuel en quête de vérité, "une réincarnation de moi-même", selon lui, Boris Pasternak sait qu'il ne reculera pas.
Il n'a pas "écrit ce roman pour le tenir caché".Quelques mois plus tard, il donne le manuscrit, en mains propres, à un agent littéraire italien qui le fait sortir clandestinement, pour un éditeur milanais.
Débute alors une invraisemblable odyssée pour ce livre écrit, selon le Kremlin, par une "brebis galeuse, qui crache au visage du peuple". Arme idéologique Le futur éditeur doit déjouer les pressions exercées par les partis communistes italien et russe, et reçoit même des faux télex de Pasternak annonçant son renoncement.
Voyant l'occasion d'user de la littérature comme d'une arme idéologique, la CIA entre en jeu et fabrique des éditions de poche destinées à circuler sous le manteau en Russie.
De son côté, Pasternak assure ses arrières et fait "sortir" cinq autres exemplaires, à destination entre autres de Gallimard. Le livre sera publié en 1957, vaudra le Nobel de littérature en 1958 à son auteur, qui décédera subitement en 1960 dans son lit, de "mort non naturelle", selon sa famille.
Une histoire symptomatique du XXe siècle, racontée avec élégance (et l'aide d'acteurs de l'époque et de la famille de Pasternak) par la Géorgienne Nino Kirtadze, dont le grand-père cachait un exemplaire du Docteur Jivago… derrière son frigo.
https://www.youtube.com/watch?v=ENUqigXOUv0
Merci de remettre en lumière un épisode historique de ce vaste territoire de l’Est, qui n’en a pas fini de rester englué (depuis l’Anitquité) dans des petites pratiques d’invasions, d’assassinats, d’empoisonnements, d’emprisonnements, de goulags et autres plaisirs de Palaces discrets.