Le 24 janvier dernier, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian partageait son inquiétude quant à la gestion par les autorités russes de manifestations non autorisées en soutien à l'opposant Alexeï Navalny : «Je trouve cette dérive autoritaire très inquiétante [...] La remise en cause de l'Etat de droit par ces arrestations-là, collectives et préventives, est insupportable», avait dit le membre du gouvernement dans l'émission «Questions politiques» de la radio France Inter, du groupe France Télévisions et du quotidien Le Monde. «Je trouve aussi que le succès des manifestations sur l'ensemble du territoire russe est impressionnant», avait également déclaré le ministre des Affaires étrangères. En même temps, Jean-Yves Le Drian avait souligné que la Russie était un «voisin» avec lequel il fallait continuer à discuter «des questions de sécurité et de confiance».
Le ministre français des Affaires étrangères faisait référence aux manifestations, non autorisées, qui ont rassemblé des milliers de personnes dans de nombreuses villes de Russie le 23 janvier, lors desquelles des manifestants et des membres des forces de l'ordre ont été blessés. Quelque 4 000 personnes avaient été arrêtées ce jour-là, selon le comptage de l'ONG OVD-Info. En outre, Vladimir Soloviov, président de l'Union russe des journalistes, avait rapporté qu'une quarantaine de journalistes avaient été arrêtés le 23 janvier – cependant, tous avaient été libérés immédiatement après la vérification de leurs documents.
Ces dernière semaines, Moscou a de son côté dénoncé les ingérences occidentales liées à ces mobilisations illégales de soutien à Navalny, pointant du doigt la présence de diplomates européens dans les rangs des manifestants ou l'indication, sur le site de l'ambassade américaine à Moscou, des heures et lieux des mobilisations non-autorisées en Russie.
Chez vous, cela fait deux ans que les Gilets jaunes descendent dans la rue
Ce 10 février, la diplomatie russe a également renvoyé la France à sa propre gestion de manifestations anti-gouvernementales. Lors d'une session de la commission de la Douma (chambre basse du Parlement russe) chargée d'enquêter sur les faits d'ingérence étrangère, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a directement répondu aux propos tenus par Jean-Yves Le Drian fin janvier : «Le ministre français des Affaires étrangères monsieur Le Drian a exprimé sa grande inquiétude au sujet, je cite, "des actes autoritaires en Russie" [...] Ecoutez, vous êtes ministre français des Affaires étrangères. Chez vous, cela fait deux ans que les Gilets jaunes descendent dans la rue. Et afin de réprimer leurs manifestations vous utilisez des moyens spéciaux anti-émeutes qu’on ne peut même pas imaginer.»
Si la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères ne précise pas à quels «moyens anti-émeutes» elle fait précisément référence, l'allusion peut évoquer les lanceurs de balles de défense (LBD) et certaines grenades utilisées par les forces de l'ordre. Depuis les manifestations des Gilets jaunes de l'hiver 2018-2019, au moins 30 manifestants ont été éborgnés et cinq ont eu la main arrachée, selon un décompte du journaliste David Dufresne – des blessures pour lesquelles l'utilisation de ces équipements est principalement mis en cause, rappelle l'AFP ce 10 février.
La crise des Gilets jaunes a relancé la controverse en France sur l'usage du LBD, et les tirs avec cette arme sont désormais filmés. Si la grenade GLI-F4 a en outre été retirée de l'arsenal policier pour la voie publique, ainsi que l'annonçait l'ancien ministre de l'Intérieur Christophe Castaner en janvier 2020, la grenade GM2L, à effet combiné (lacrymogène pulvérulent, très forte détonation et un effet de souffle) reste utilisée.
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