De notre correspondant permanent à Varsovie – La visioconférence de jeudi en présence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE n’a pas fait avancer la question du budget et du plan de relance de l’UE. Le sujet est reporté au sommet européen qui se tiendra le mois prochain à Bruxelles. En attendant, de l’extrême gauche au centre droit, les chefs des groupes politiques au Parlement européen ont déclaré qu’il n’était pas question de renégocier avec le Conseil l’accord de début novembre sur la question du mécanisme liant fonds européens et respect de l’Etat de droit et des « valeurs européennes ».
Le Parlement européen est soutenu par certains pays, au premier rang desquels les Pays-Bas qui n’aimaient de toute façon pas ce budget et ce plan de relance et la France qui rêve d’une Europe fédérale dirigée par le couple franco-allemand. Le Premier ministre hollandais Mark Rutte et le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune proposent déjà de négocier un nouveau plan de relance à 25, sans les deux pays récalcitrants. Quid du budget ? En fait, il s’agit sans doute de faire plier Morawiecki et Orbán dont les pays sont d’importants bénéficiaires nets des fonds européens.
Du côté polonais et hongrois, on estime que ce qui violerait l’Etat de droit, c’est justement ce mécanisme voulu par les eurofédéralistes et progressistes de l’UE puisqu’il court-circuiterait la procédure de sanction prévue à l’article 7 du Traité sur l’Union européenne et irait à l’encontre de l’article 4 où il est dit que « toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux Etats membres ». Le ministre de la Justice polonais Zbigniew Ziobro a déclaré cette semaine que « les élites européennes […] ont décidé de faire un pas en avant vers la fédéralisation de l’UE », et que « l’hypocrisie, le mensonge de l’establishment bruxellois est arrivé à un niveau tel qu’il parle d’Etat de droit en violant lui-même cet Etat de droit ». Affirmant qu’il s’agit là d’un « putsch contre la démocratie », il a encore ajouté que « ce qui est proposé aujourd’hui n’a rien à voir avec ce qui était dans le traité de Lisbonne. Cela conduit à la liquidation de la Diète polonaise [puisque] les décisions ne tomberaient pas en Pologne ». De la même manière, le ministre hongrois de la Justice Judit Varga a affirmé que « si on légalise un outil qui permet de nous faire chanter quand on n’est pas dans le rang, notamment […] sur le concept de la famille et sur l’avenir de l’Europe, cela nous fait entrer dans un monde entièrement nouveau ».
Les dirigeants européens et les médias occidentaux semblent croire à un bluff parce que la Pologne et la Hongrie auraient trop à perdre financièrement à bloquer durablement le budget et le plan de relance. Mais, pour beaucoup dans ces deux pays d’Europe centrale à l’histoire millénaire, la souveraineté et la démocratie récupérées il y a trente ans passent avant les considérations économiques. La Pologne est présentée comme plus conciliante, et certains espèrent encore pouvoir isoler la Hongrie. Mais le Polonais Zbigniew Ziobro a clairement laissé entendre que son parti, fort de ses 17 députés, quitterait le groupe PiS à la Diète si le Premier ministre Mateusz Morawiecki devait céder sur cette question. Le PiS ne peut donc pas reculer au risque de perdre sa majorité. Un sondage publié cette semaine montre en outre que le veto est soutenu par 57 % des électeurs polonais, ce qui dépasse largement le simple électorat du PiS, et que seuls 20 % y sont hostiles. •
Photo : Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, Clément Beaune propose, non sans arrogance, d’écarter Pologne et Hongrie des négociations.
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