Libre-circulation. Comment la FER et la gauche abusent des CCT

Michel Piccand 

Libre-circulation. Comment la FER et la gauche abusent des CCT

 

Il n’aura échappé à personne que les syndicats patronaux se sont alliés aux syndicats de salariés et aux socialistes pour s’opposer à l’initiative de limitation. La très royale Fédération des Entreprises Romandes (FER) s’est fendue elle-même d’un papier pour faire l’éloge des Conventions collectives de travail (CCT) qui selon elle ont protégé les salaires et notre marché du travail grâce à la libre-circulation, point central de leur argumentaire.

Il faut lire le papier de circonstance que la FER a publié et qui vaut son pesant d’or, où des représentants du patronat se lancent des fleurs ainsi qu’à la gauche syndicale et à leur « partenariat social » qui aurait permis selon eux de protéger les salaires. [1]

La gauche et la FER ont donc inondé la presse et les réseaux sociaux de l’idée que la libre-circulation des personnes par ses « mesures d’accompagnements » a permis de renforcer la protection du marché du travail et l’extension des CCT. Comme si de telles extensions n’avaient jamais existé avant la libre-circulation. On vous renvoie ici par exemple à l’arrêté du Conseil fédéral du 19 novembre 1998 (lisez bien les dates) qui étend le champ d’application de la convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés, en se fondant sur la loi fédérale du 28 septembre 1956 (!) qui permet d’étendre le champ d’application des conventions collectives. [2] Mais on a pu lire et relire jusqu’à plus soif sur les réseaux sociaux que c’était la libre-circulation qui avait permis d’étendre les CCT. On vous renvoie donc aussi au socialiste Maillard et à l’inénarrable Ada Marra qui ont laissé entendre urbi et orbi que la protection des travailleurs s’effondrerait si l’initiative est acceptée.

Loin de moi l’idée de critiquer le principe des CCT et de leur recherche d’accords et de consensus, mais après il y aussi la réalité et on ne peut quand même pas lui faire dire n’importe quoi.

Je ne prendrai ici que le seul exemple de l’extension de la CCT précisément dans l’hôtellerie et restauration. Si l’on prend les salaires minimums garantis  dans l’arrêté précité du Conseil fédéral de 1998 et les salaires minimaux tels que garantis par la CCT pour ce secteur en 2019, nul doute que ces salaires minimaux ont nettement progressé en valeur réelle, c’est incontestable. Sauf bien évidement que ces salaires sont les salaires garantis en théorie sur le papier.

Il faut avoir lu dans sa vie quelques conventions collectives (qui le fait ?) pour se rendre compte qu’elles sont parfois aussi complexes que des lois (ce qu’elles sont par ailleurs à certaines conditions) et pour comprendre qu’elles peuvent être pleines de pièges, de réserves, de résultats conditionnels, de lacunes, etc.

Nul doute cependant que certaines catégories de travailleurs ont vu en Suisse leurs salaires progresser tant sur le papier que dans leur portemonnaie, mais ce qui compte pour mesurer l’effectivité des CCT en général et l’efficacité du « partenariat social », ce n’est pas telle ou telle de leurs dispositions d’un secteur particulier et les arbitrages tant vantés entre patronat et syndicat qui y ont donné lieu. Ce qui compte ce sont les salaires effectivement payés à tous et que seuls mesurent les statistiques. Et autant le dire, le paysage économique présenté par cette alliance de syndicalistes patronaux et de gauche est loin d’être aussi mirifique qu’ils le prétendent. A vrai dire le résultat en est quasiment l’inverse de ce qu’ils racontent.

Entre 1998 et 2019 le salaire médian global (une moitié des salariés gagne plus que ce salaire, l’autre moitié gagne moins) et effectivement reçu par les salariés en Suisse pour un plein temps, a augmenté de 22.4 %. Celui des professions les moins qualifiées comme le personnel de service et de vente a progressé de 17.3 %, celui des ouvriers et employés non qualifiés de 12.5 %. Mais si vous y enlevez l’inflation de 11 % durant la même période cela n’a plus du tout la même allure, pour la catégorie la plus basse la progression sur 20 ans de leur salaire déduit de l’inflation est quasiment nulle.

Tout le problème se situe donc dans ce chiffre d’inflation de 11 % mais plus encore dans le problème général de la mesure de l’inflation. Les salaires ont augmenté globalement de 22.4 %  et ce partenariat social s’en félicite. Et alors on vous demande de bien lire les chiffres qui suivent.

Augmentation du prix de l’abonnement général CFF durant la même période entre 1998 et 2019 + 37.8 %, billet aller-retour Lausanne-Genève + 30.3 %, Berne Zürich + 32.5 %, prix du premier tarif colis 2 kg à la poste + 20.7 %, prix de base moyen en Suisse du m3 d’eau + 60%, prix du 2 pièces libre à Genève + 48.8 %, prix de la construction dans la région lémanique + 34 %, prix pour la rénovation d’immeubles d’habitation + 43 %.

On vous laisse comparer avec une progression de salaire des catégories salariales les plus basses dont la progression a été de 12.5 %. Face à de telles évolutions de prix leur pouvoir d’achat s’est effondré. Et on vous laisse encore lire les chiffres suivants.

Viande de bœuf + 50.2 %, fruits et légumes frais +  16 %, légumes racines + 24 %, légumes choux + 59 %, prix global de l’énergie +  64 %, mazout +  233 %, services dentaires +  23 %, carburant + 39 %, réparations automobiles + 31 %, coût des activités sportives et de loisirs + 41 %, théâtres et concerts + 30 %, journaux et magazines + 68 % (après les médias main stream pleurent qu’ils perdent des clients et qu’ils ont besoin d’aides étatiques), coût général de l’enseignement + 31 %, coût de la formation continue +33 %, café thé au restaurant + 37 %, bière au restaurant + 30 %, coiffeur + 29 %, coût des versements aux institutions sociales + 31 %.

Cela ne ressemble pas tout à fait à ce que racontent urbi et orbi la FER et les syndicats de gauche. Cela ne ressemble pas à des salaires préservés ou augmentés. Et certainement pas à un niveau de vie qui a été protégé.

Et l’on est ici probablement en dessous de la réalité, la Suisse comme tous les pays a d’énormes problèmes de mesure de l’évolution des prix malgré les gros efforts consentis (lire le détail en post-scriptum).

La libre-circulation et les CCT ont permis de protéger les salaires et le niveau de vie ? Ce n’est pas ce que montre l’évolution des salaires médians comparé à l’évolution des prix et particulièrement pour les catégories les plus basses. Si l’on regarde ces chiffres c’est toute une classe de la population qui a été sacrifiée sur l’autel de la libre-circulation.

Affirmer que les extensions de CCT ont permis de protéger les salaires et le marché du travail d’une manière incomparable grâce à la libre-circulation et aux mesures d’accompagnement relève ici de l’imposture.

Du côté de la gauche on aurait déjà pu souligner les contradictions insurmontables dans leur argumentaire, entre le Conseiller aux Etats Carlo Sommaruga qui clame lui aussi urbi et orbi qu’il  y a de plus en plus de pauvreté en Suisse, et un Pierre-Yves Maillard qui raconte que la libre-circulation nous a apporté une grande prospérité et une protection inégalée des salaires, il faudrait peut-être à un moment quand même savoir. S’il y a eu une protection inégalée des salaires et de notre marché du travail, comment expliquent-ils alors la croissance de la pauvreté ? Quand on ne sait plus, tout est en général bon à prendre, n’est-ce pas ?

Lorsque l’on regarde tout cet ensemble, cette alliance entre la FER et le parti socialiste et les syndicats on ne peut s’empêcher de penser aux dénonciations qui sont faites par les souverainistes dans le monde anglo-saxon, dont Trump, contre le crony capitalism, autrement dit contre le capitalisme de connivence ou de copinage, et ses arrangements à l’intérieur de l’Etat dans lesquels les strates d’apparatchiks de l’aile gauche s’entendent avec les strates d’apparatchiks de l’aile droite pour protéger leurs réciproques rentes de situation. Plus on est proche du pouvoir plus on est protégé.

On peut appeler « partenariat social » l’entente entre la FER et les syndicats, ce que l’évolution des prix et des salaires montre en Suisse c’est que beaucoup de ceux qu’ils prétendent défendre ou prétendent protégés par la libre circulation et par les CCT ne doivent plus, contrairement à eux, se souvenir du goût du filet de bœuf ou des légumes frais de première qualité. Pour le bio on peut oublier. Ce n’est déjà plus la même catégorie (voir le post-scriptum).

Quand une personne de la classe moyenne à moyenne inférieure a vu son salaire augmenter de 12 à 17 % mais que le prix de son 2 pièces a augmenté de 48.8 %, le kilo de bœuf de 50 %, l’énergie de  64 %, le carburant de 39 %, les activités sportives et de loisirs de 41 %, le théâtre et les concerts de 30 %, le café ou le thé au restaurant de 37 %, il ne faut pas venir nous raconter que son niveau de vie a progressé ou a été protégé.

Ce que l’on voit c’est que ce fameux « partenariat social » qui s’entend entre-lui protège d’abord des rentes de situation, ce qui à son tour indique que nous sommes en plein dans une configuration de capitalisme de connivence. Et ici que l’on ne se méprenne pas, cette position n’est ni de droite ni de gauche, elle relève simplement de la défense de l’intérêt national.

Lors du Brexit on a pu entendre de très vives critiques de la part des conservateurs britanniques qui voulaient à tout prix sortir de l’UE, des conservateurs souverainistes qui soit-dit en passant n’ont rien à apprendre des patrons de la FER en matière de capitalisme, mais qui dénonçaient eux les risques encourus par le déséquilibre fiscal causé par la libre-circulation avec l’UE.

En substance ces conservateurs dénonçaient le fait que la sous-enchère salariale entraînée par la libre-circulation avait amené à une situation où une partie des salariés britanniques ne pouvaient plus vivre sans recevoir des aides étatiques pour payer leurs assurances et leurs loyers. Une situation semblable en Suisse. Et que ce qui se passait dans le fond revenait à dire que c’était l’Etat qui désormais devait payer une partie des salaires que les entreprises auraient normalement dû payer à leurs salariés pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins. Tout autant de subventions aux salariés qui entraînait un déséquilibre fiscal qui devrait ensuite être financé par des hausses d’impôts !

Une manière de fonctionner typique du capitalisme de connivence qui à terme détruit l’équilibre fiscal général et le fonctionnement normal du marché.

Cette entente entre la FER et la gauche pour protéger à tout prix la croissance par la libre-circulation, fut-ce donc en travestissant la réalité, y ressemble comme deux gouttes d’eau.

Pour regarder le problème sous un autre angle, on ne comprend toujours pas pourquoi dans les parlements cantonaux lémaniques très en faveur de la libre circulation (et remplis d’amis de la FER et des syndicats) on entend toujours aussi peu de questionnements sur l’augmentation par exemple des prix dans la construction, dont l’Etat est le plus important client et qui a des répercussions considérables sur les budgets des collectivités publiques.

Pourquoi dans les milieux de la gauche syndicaliste et écologiste (et chez les amis de la FER) aucune question n’est jamais posée non plus sur le fait que dans l’arc lémanique le coffrage vertical de béton coûte 34 % de plus qu’à Zürich, la pause d’échafaudage facturée 36 % de plus, le décapage de terre 70 %  de plus, pourquoi la fenêtre simple synthétique coûte 22 % plus cher dans l’arc lémanique que dans la région bâloise (N.B. le canton de Genève vient de budgétiser 250 millions (un quart de milliard) pour remplacer les fenêtres de ses bâtiments), pourquoi le béton pour dalle est 39 % plus cher dans le bassin lémanique qu’à Zürich, le creusement d’une tranchée ou fouille 55 % plus cher dans l’arc lémanique que dans le Mitteland, la pose d’enrobé routier ou couche de roulement 20 % plus cher et la sous couche de base 37 % plus chère ! [3]

Alors l’on comprend que la croissance à tout prix, c’est le cas de le dire, soit aux uns et aux autres leur vœu le plus cher. A de tels tarifs qui ne le voudrait pas ? Nous sommes face à de véritables mines d’or, et qui ne devraient pas l’être puisqu’il s’agit de dépenses publiques. Des mines d’or et des rentes qui au final sont mises à la charge du peuple.

Pour un exemple concret le lecteur pourra lire avec intérêt le compte rendu de la commission des travaux du canton de Genève pour une demande de crédit supplémentaire de 6 millions pour terminer une plage qui en avait déjà coûté 48 (!) et dans lequel il est question de rajouter 1 corps de toilettes publiques (non excavé, une banale bulle en ciment contenant 10 modules WC préfabriqués en inox) pour le prix modique de 780'000 francs ! [4]

On vous laisse regarder à nouveau avec soin la progression des prix dans la construction, avec une inflation  de 11 %, une progression des salaires les plus bas de 12 à 17 % mais des augmentations générales du prix de la construction de 34 %, du prix de la rénovation de 43 %.  On vous laisse aussi comparer ces chiffres avec le fait que le canton de Genève qui va dépenser 250 millions (un quart de milliard, en réalité 680 millions au total ; PL 12552 ) juste pour mettre en conformité les fenêtres de ses bâtiments avec les nouveaux critères d’isolation (profitons-en puisque les prix augmentent) et qui dans le même temps va augmenter drastiquement la facture fiscale de tous les petits propriétaires immobiliers, dont certains seront probablement obligés de revendre leurs biens pour s’acquitter de la facture, un canton qui va baisser en même temps les salaires et les rentes des fonctionnaires pour rembourser la dette du COVID. Ne vous demandez-vous jamais comment tout cela fonctionne ? Lorsque vous regardez d’un côté vous voyez un grand prince plein de largesse mais lorsque vous regardez de l’autre vous voyez un avare pernicieux. Cela ne vous interpelle-t-il pas ? [5]

Ce que l’on voit globalement ce n’est pas du « partenariat social », ni la recherche d’un équilibre fiscal général, c’est la simple défense de rentes de situations de ceux, à gauche comme à droite, qui occupent des positions dominantes grâce à la politique.

C’est tout, sauf la recherche et la défense d’un équilibre national à long terme.

Ce que l’on voit c’est un monde d’apparatchiks de gauche et de droite où plus l’on est proche du pouvoir plus l’on est protégé.

Affirmer que les extensions de CCT ont permis de protéger les salaires et le marché du travail d’une manière incomparable grâce à la libre-circulation et à leur « partenariat social » comme le fait la FER et les syndicats de gauche relève ici de l’imposture. L’évolution des prix le montre.

Mais des milliers de salariés et de petits patrons vont suivre les recommandations de la FER et de ces pseudo syndicats sans comprendre qu’à terme ce seront eux les perdants, puisqu’à la fin ce sont eux qui finissent toujours par payer.

C’est à pleurer de misère tant le manque de culture politique et de conscience est ici abyssal. Tant le manque de projection et d’imagination sur les dangers économiques futurs est absent.

Combien dans notre pays n’ont toujours pas compris que si le Royaume-Uni est sorti de la libre-circulation avec l’UE c’était pour préserver son équilibre fiscal général et pour casser les spirales infernales montantes et descendantes que la libre-circulation engendre sur les prix des biens et des salaires, pour arrêter un système où les pertes réelles de pouvoir d’achat ont obligé l’Etat à devoir soutenir ses citoyens dans le paiement de leurs loyers et de leurs assurances, avec toute les conséquences fiscales que cela suppose, où la frénésie immobilière engendrée par une croissance incontrôlée a amené même les plus riches ou les plus grandes entreprises à ne plus pouvoir rivaliser avec le niveaux des prix immobiliers et avec toutes les conséquences que cela suppose aussi.

Si des conservateurs britanniques, adeptes s’il en est du capitalisme de marché, ont dit non à la libre circulation des personnes ce n’est pas par hasard, c’est bien qu’ils en ont vu les dangers et les limites.

Mais en Suisse des syndicats patronaux et ouvriers s’allient pour vous faire croire exactement le contraire. Peut-être devriez-vous vous demandez pourquoi ?

 

Michel Piccand

 

 

P.S.

La Suisse souffre d’énormes problèmes de mesure de l’inflation et de l’évolution des prix. Comme tous les pays elle est confrontée au problème de cette mesure qui est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Bien évidemment que dans notre exemple de la période 1998-2019 il y a aussi des prix qui ont baissé, sinon on n’obtiendrait pas une hausse générale des prix de 11 % avec des augmentations de prix pour certains biens ou services qui frisent les 40 à 50 %. Mais les prix des biens qui ont baissé sont souvent ceux dont la qualité a aussi baissé, et qui au final coûtent plus chers par l’augmentation de leur fréquence de remplacement, comme par exemple pour l’habillement ; si dans votre mesure vous prenez des t-shirt à 2.50  à la place de t-shirt à 10.- le prix de l’habillement baisse, mais si vous calculez qu’il vous faut les remplacer plus souvent parce qu’il sont déformés après 10 lavages au lieu de 60 alors le coût général pour votre habillement augmente, mais cette baisse de qualité et donc d’augmentation du coût final peut difficilement être prise en compte par les statistiques.

D’autre part les proportions de ce qui est consommé, leur poids dans la consommation d’un consommateur type pose d’énormes problèmes d’évaluations que l’on peut succinctement illustrer par l’exemple de la viande. Si l’on dit que le panier de base du consommateur suisse tel que l’évalue l’OFS indique qu’il consomme 110 g de viande/poisson par jour (soit un demi-cervelas par repas) on a déjà toute l’idée du problème, je ne crois pas que la Suisse soit quasiment une nation de végétariens. Ajoutez-y que le prix du bœuf a augmenté de plus de 50 % entre 1998 et 2019 tandis que le prix du poisson en conserve a par exemple baissé de 6.3 %, on comprend alors que si le consommateur cesse de consommer du bœuf car devenu trop cher et se rabat sur des produits moins chers (ex. viande recomposée ou pseudo jambon à base d’eau, poisson en conserve) alors la statistique peut montrer une baisse du prix général de la viande et du poisson, mais est-ce réellement une baisse de prix ?

C’est exactement ce que pour ma part je ne crois pas, et je pense que la plupart d’entre nous sont d’accord avec ce qu’ils expérimentent au quotidien. On vous renvoie à la liste des progressions du prix des biens en Suisse entre 1998 et 2019 dans l’article ci-dessus. Elle parle d’elle-même. Elle est dramatique et montre que la progression du prix des biens de consommation et des services a été alignée sur la hausse des plus hauts salaires et non sur celui des classes les plus basses ou même de la classe moyenne.

Dans tous les cas, il n’est pas recevable à teneur de cette évolution des prix, et de l’absence ou de l’insuffisance de progression de l’évolution des salaires, de considérer que les Suisses ont été protégés d’une manière générale par les conventions collectives qui auraient été soi-disant étendues grâces à la libre-circulation, une telle affirmation relève de la pure sornette.

Que malheureusement beaucoup croient et suivent sans se poser beaucoup de questions.

 

Evolutions de quelques autres prix entre 1998 et 2019 :

Viande de bœuf + 50.2 %, poisson en conserve - 6.3 %, fruits et légumes frais +  16 %, légumes racines + 24 %, légumes choux + 59 %, légumes en conserve (la plupart du temps Allemagne, Pologne) + 2.6 %, prix global de l’énergie +  64 %, mazout +  233 %, services dentaires +  23 %, carburant + 39 %, réparations automobiles + 31 %, coût des activités sportives et de loisirs + 41 %, théâtres et concerts + 30 %, journaux et magazines + 68 %, coût général de l’enseignement + 31 %, coût de la formation continue +33 %, café thé au restaurant + 37 %, bière au restaurant + 30 %, coiffeur + 29 %, coût des versements aux institutions sociales + 31 %.

Le tout pour une inflation globale mesurée à seulement 11 % et des revenus médians qui pour certains n’ont tout simplement pas progressé ou progressé de manière très insuffisante par rapport aux prix des biens que l’on est obligé de consommer, loyer, énergie, etc.

On alors ici une vue assez claire de la réalité du problème.

(Source : Indice suisse des prix à la consommation. OFS su-f-05.02.68)

 

P.S. 2

Pour mesurer l’évolution des salaires du point de vue la réalité on peut même aller encore plus loin. Le calcul classique de l’offre de travail (celui que fait le travailleur) comprend également le temps de trajet qu’il doit consacrer pour se rendre à son lieu de travail et en revenir. On rajoute ce temps de trajet en considérant que pour le travailleur ce qui compte c’est le temps total qu’il doit utiliser pour obtenir un revenu, et le temps pour se rendre à son travail et en revenir en fait partie, durant ce temps il ne peut rien faire d’autre.

Autant dire que dans l’arc lémanique cet élément est devenu catastrophique pour tous (cf. les livreurs, etc.) Si l’on prend un temps de travail mensuel de 160 h. avec initialement un temps de transport mensuel de 20 h. par mois (1h. par jour) qui double (2h. par jour) alors le temps total consacré à l’obtention d’un revenu passe pour le travailleur de 180 à 200 heures. Si vous divisez un salaire donné en salaire horaire alors vous obtenez une baisse du salaire horaire.

Si l’on applique en valeur réelle ce doublement du temps de transport de 1h à 2h par jour à l’évolution du salaire médian global entre 1998 et 2019 tel que vu plus haut, alors le salaire horaire obtenu par heures consacrées à l’obtention d’un revenu (soit temps de travail plus temps de transport) passe de 34.32 francs de l’heure en 1998 à 34.16 francs en 2019.

Affirmer alors que le niveau ou la qualité de la vie est resté identique relève alors de la supercherie.

 

[1]

Voir sur le site de la FER. S’informer et découvrir / Ouvrages. CONTRÔLE DU MARCHÉ DU TRAVAIL, juin 2020.

 

[2]

Loi fédérale permettant d’étendre le champ d’application de la convention collective de travail du 28 septembre 1956

https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19560196/index.html

 

[3]

Indice suisse des prix de la construction - Prix unitaires moyens en suisse et dans les grandes régions. Avril 2020. OFS cc-f-05.05.02.

 

[4]

PL 12276-A, p.17 point 5.3.

https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12276A.pdf

 

[5]

La différence de prix entre les fenêtres dans la région bâloise et l’arc lémanique (+ 22 %) est intéressante pour se faire une idée des arbitrages qui sont faits ou non par ceux qui sont au pouvoir.

Genève va dépenser en tout 632 millions pour la rénovation des fenêtres de ses bâtiments publics (PL 12552). On s’aperçoit alors qu’une différence par hypothèse de 22 % est considérable.

(N.B. On ne sait pas à quel prix sont ou seront négociés la rénovation de ces fenêtres genevoises, ce prix peut être plus élevé ou moins élevé, en rappelant que la différence de 22 % porte sur une moyenne des prix observés par l’OFS et que si l’Etat paie le prix fort la différence peut être encore plus grande entre le plus cher et le moins cher. On rappelle aussi que cette différence porte sur une fenêtre type).

22 % de 632 millions font 139 millions.

Mais la réévaluation fiscale prévue en 2021 par le canton de Genève sur les propriétaires immobiliers (réévaluation que certains ne pourront pas assumer sans être obligés de revendre leur bien) a pour but de faire entrer dans les caisses de l’Etat 142 millions.

De même, en raison des pertes de revenus de l’Etat suite à la crise COVID le gouvernement cantonal a décidé de suspendre l'annuité 2021 des fonctionnaires (-55 millions) et de réduire temporairement leurs salaires de 1% (-44 millions par an) soit 99 millions par an. (GE PB 2021).

On comprend donc ici toute l’importance de ces différences de prix observées en Suisse dans la construction et la rénovation, quelle importance ont ces différences de prix pour l’équilibre fiscal général. Si l’Etat surpaie de 139 millions des fenêtres pendant qu’il ponctionne les propriétaires immobiliers ou les fonctionnaires de montants équivalents on voit toute la nature du problème et la possibilité qu’existent alors des rentes de situation qui sont payées par d’autres. On voit que le soi-disant partenariat social consiste juste à raconter des histoires et créer un écran de fumée.

Les dépenses étatiques de construction et rénovation sont-elles surpayées dans la région lémanique ? En réalité les différences de prix énoncées dans l’article parlent d’elles-mêmes. De telles différences de prix dans un aussi petit marché montrent clairement que le marché n’est pas homogène et ne fonctionne pas. Pourquoi il ne fonctionne pas serait plutôt la bonne question.

Quel rapport avec la libre-circulation des personnes ? La libre-circulation par la croissance démographique qu’elle entraîne, entraîne à son tour une croissance constante des revenus de l’Etat et agit comme un masque sur la réalité des problèmes. Tant que l’argent et la masse fiscale continuent de croître on ne se pose pas trop de questions (cf. les toilettes à prix d’or). C’est lorsque l’argent vient à manquer que  se posent en général les questions. On voit donc ici tout le mécanisme délétère d’une approche qui masque les problèmes ou les remets à plus tard sans rien connaître du futur, une telle attitude n’est jamais soutenable sur le long terme, d’autant qu’elle aggrave ici de manière constante l’équilibre fiscal général, ce qu’ont d’ailleurs bien compris les souverainistes anglo-saxons, dont Trump, et les conservateurs britanniques.

Un Etat (un Etat profond ?) qui surpaie certains et crée des rentes de situations, qui privilégie certains secteurs au détriment d’autres, c’est un marché qui déjà ne fonctionne plus, c’est déjà une démocratie qui n’existe pas.

C’est ce que disent les souverainistes et ils sont les seuls à le dire.

Une nation qui ne maîtrise pas son équilibre fiscal est une nation qui finit par disparaître. Et cela vaut que l’on soit de droite ou de gauche.

Michel Piccand, 25.09.2020

https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12552.pdf

 

4 commentaires

  1. Posté par aldo le

    Ces compromissions sont typiques d’UNE ALLIANCE MAFIEUSE DE COMPLOTEURS. Et quand on essaye de remonter aux sources, on finit par aboutir aux escrocs pro-européens du Nomes et d’autres relais du même genre, puis on tombe DANS LE TAS DE MERDES DES LGBT, mondialistes par opportunisme numérique, tellement ils sont minoritaires à l’échelle de la Suisse. Vous ne me croyez pas ? C’est pourtant clair: https://web.archive.org/web/20170930045200if_/https://www.schweizer-illustrierte.ch/sites/default/files/styles/fixed-width-778/public/web-rmn_1481.jpg.jpg?itok=eOW81Mul

    Puis vous allez sur le site de l’UDC : https://www.udc.ch/parti/personnes/detail/thomas-fuchs/ … et notez l’adresse officielle de contact. Ensuite vous prenez cette adresse clandestine de contact pour piéger des jeunes qui s’intéressent au journal des jeunes udc l’IDEE et naturellement à L’UDC [email protected] et qui vous répond ? Ce vieux Fuchs de 51 ans avec son adresse professionnelle: [email protected] Vous devez maintenant comprendre qu’avec toutes ces compromissions l’UDC EST UN PARTI INTENSIVEMENT ESPIONNÉ ET INFECTÉ PAR DES CANAILLES. Les complots de l’intérieur portent toujours cette même signature LGBT et avec Fuchs, le renard est dans le poulailler: https://360.ch/themes/thomas-fuchs/ et avec https://360.ch/?s=mazzone la boucle est bouclée… Lisa Mazzone les Verts, Mathias Reynard socialiste, Maudet PLR, Thomas Fuchs etc tous LGBT !

  2. Posté par moyenâgeux le

    Pertinent article. Bravo . Aussi pour le commentaire qui fait l’ajout fondamental: la droite est aussi impliquée et plus que responsable. Malgré l’espoir dans ces politiciens il faut se rendre à l’évidence: les deux branches du pouvoir se donnent la main et collaborent étroitement. L’effondrement du système peut-être mais surement une société profondément divisée et avec des écarts considérables. Les bobos sont cyniques a l’outrance en prétendant que tout va bien et ils ne savent et ne sont pour rien. Donc un remplacement qui complète l’anéantissement de la classe moyenne.

  3. Posté par Schwander le

    Un grand merci pour ces chiffres, ces calculs et leur excellente analyse.
    Maillard et l’inénarrable Ada Marra et tant d’autres sont des menteurs et des manipulateurs.
    Votre texte devrait être étudié à l’école qui enseigne bien trop peu de notions d’économie.

  4. Posté par Bussy le

    Tôt ou tard, tout le monde finira par s’apercevoir, même ceux qui font semblant de ne rien voir, que les jeunes résidents suisses des cantons frontaliers, quelque soit leur degré de formation, ne trouvent plus de travail ou alors trouvent des stages non payés ou payés au lance-pierre ou des boulots avec des salaires plus bas de plusieurs milliers de francs de ce qui se pratiquait il n’y a que quelques années.
    Ces jeunes réduiront leur consommation en conséquence, et les frontaliers ne consomment pas en Suisse, donc le système s’effondrera immanquablement.
    Mais pour le moment, les apparatchiks, de gauche comme de droite, s’en fichent, ils sucent le système à fond et arrivent encore à mettre à l’abri leurs enfants…. mais ça ne durera pas.
    Quant à ceux qui dirigent la manoeuvre dans l’ombre, leur souhait semble justement que tout s’effondre, aidés en cela par leurs idiots utiles.

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.