Erdogan. Le dangereux Calife Erdogan doit être stoppé

Michel Garroté
Politologue, blogueur
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Le dangereux Calife Erdogan doit être stoppé

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Michel Garroté  --  Avant d'aborder la question du Calife ultra-islamiste Erdogan, je voudrais d'abord rappeler ici qu'il faut cesser d’appréhender, d’une part, l’islam en terre d’islam ; et d’autre part, l’islam en Occident. Car il s’agit, dans les deux cas, du même islam et du même coran. Le discours islamophile ne changera rien à cette réalité. En Occident, l’islam doit respecter l’ordre constitutionnel et laïc. Les zones de non-droit sont à remettre au pas, par la force légale et par le droit.

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Les Eglises d’Occident doivent exiger la réciprocité de la part des pays membres de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) : si vraiment les musulmans ont droit à des mosquées en occident (sujet à débattre), alors les chrétiens d’Orient ont droit, sans être pour cela persécutés, à des églises en terre d’islam (qui fut terre judéo-chrétienne bien avant de devenir terre dite d’islam).

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L’alliance de l’Occident avec tel ou tel pays musulman, cette alliance doit être considérée comme une alliance tactique à court terme, même si elle est renouvelable pendant un certain laps de temps. L’Occident doit admettre, une bonne fois pour toutes, que l’islam est imprévisible ; et que par conséquent, la stratégie globale à moyen et long terme de l’Occident, face à l’islam, reste, essentiellement, un ensemble de tactiques à court terme, modifiables à tout instant.

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L’Occident a tout intérêt à maintenir un équilibre des forces entre islam sunnite et islam chiite. Et si les deux branches de l’islam, la branche sunnite et la branche chiite sont en guerre, alors, nous, en notre qualité de non-musulmans, devons apprendre à en tirer profit. Car le temps que ces deux branches consacrent à se combattre signifie un temps de répit pour nous.

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A ce propos, l'Union Européenne (UE) se montre incapable d'accepter (ou refuse volontairement d'accepter) une évidence concernant la Turquie en Syrie et en Libye : la Turquie d'Erdogan, bien que membre de l'Otan, est notre ennemie ; elle est notre ennemie parce que le dictateur islamiste Erdogan représente pour nous un véritable danger global à long terme ; alors que Haftar (Libye), Assad (Syrie) et Poutine (Russie) ne représentent pas du tout, pour nous, un quelconque danger global à long terme ; au contraire, ils sont des alliés, peut-être tactiques à court terme seulement, mais des alliés quand même, face aux islamismes turc, iranien, qatari et saoudien notamment.

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Maintenant, venons-en à la Turquie d'Erdogan. Commençons par noter que trente-trois soldats turcs ont été tués, jeudi 27 février 2020, par des frappes aériennes dans la région d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie. En représailles, Ankara bombardait dans la nuit des positions du régime de Bachar al-Assad. Il faut ici préciser qu'alors que les djihadistes perdent chaque jour du terrain à Idlib, la Turquie continue d’y envoyer ses soldats et ses mercenaires.

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De plus, la Turquie n’empêchera plus les quatre millions de migrants syriens  --  campés en Turquie qui essaient de se rendre en Europe  --  de franchir la frontière, a assuré un haut responsable turc vendredi 28 février. La décision d'ouvrir les portes a été prise lors d’un conseil de sécurité extraordinaire présidé par Erdogan dans la nuit de jeudi à vendredi. Plusieurs groupes de migrants syriens se sont dirigés dès vendredi matin en direction des frontières grecque et bulgare.

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Toujours à propos de la Turquie erdoganiste, le Général français Dominique Delawarde estime que Erdogan risque de se retrouver bien seul à gérer l'affaire d'Idlib, d’autant qu’il s’est également empêtré en Libye [le Général français Dominique Delawarde serait-il trop optimiste ?]. Poursuivre son appui aux djihadistes d’Idlib sans avoir la maîtrise du ciel peut s’avérer très risqué pour ses troupes au sol, ainsi qu’on vient de le voir. S’engager dans une escalade reviendrait à défier la Russie, l’Iran et l’Irak.

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Et puis, les occidentaux et l’opposition politique turque, plus puissante que jamais, ne verraient peut être pas d’un mauvais œil un changement de régime en Turquie [là encore, le Général français Dominique Delawarde serait-il trop optimiste quant à la fin éventuelle de Erdogan ?]. L’OTAN, quant à elle, gesticulera peut-être un peu, bombera le torse, appellera à la retenue, mais ne déclenchera sûrement pas une troisième guerre mondiale pour les beaux yeux d’Erdogan.

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Nos lectrices et nos lecteurs trouveront, ci-dessous, les extraits adaptés de cinq analyses, toutes très intéressantes, pour bien comprendre le réel danger que représente le Sultan Erdogan (les liens vers les sources de ces cinq analyses figurent en bas de page).

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1- Menace néo-ottomane - Les appétits de puissance de Erdogan :

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Depuis qu'Erdogan a montré son visage national-islamiste, l'irrédentisme néo-ottoman, qui masque une convoitise des réserves de gaz et pétrole en Méditerranée, est une menace majeure non plus seulement pour Chypre et la Grèce (Mer Égée), mais aussi pour la Libye, l'Egypte et la Syrie, où Ankara appuie des groupes islamistes/jihadistes, alerte le géopoliticien Alexandre del Valle (extraits adaptés ; voir liens vers sources en bas de page).

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Le panislamisme turc néo-ottoman, donc irrédentiste et conquérant, s'exprime tantôt de façon pacifique ou “métapolitique”, notamment via le très ambitieux soft power des productions cinématographiques, via l'éducation et la religion (coopérations scolaires, envois de prédicateurs et développement de l’enseignement du turc à travers les lycées et réseaux de mosquées turques), tantôt à travers des projets économiques, tantôt par l'activisme militaire (Chypre, Grèce), le soutien à l'islamisme et au jihadisme (Syrie, Libye). Destiné au monde arabe (appui aux Frères musulmans et pas seulement au Hamas à Gaza), à l'Asie centrale, au Caucase, cet activisme turc s'intensifie dans les Balkans et au sein des minorités turco-musulmanes d'Europe de l'Ouest. En encourageant le démantèlement de l'ex-Yougoslavie dans les années 1990-2000, les pays européens de l'OTAN regretteront d'avoir offert les Balkans musulmans au prosélytisme turco-islamiste, surtout lorsque la Bosnie, l’Albanie, la Macédoine, et surtout le Kosovo, Etat mafieux illégalement créée par l'OTAN en violation de la souveraineté serbo-yougoslave, rentreront dans l'UE.

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L'Union européenne et l'OTAN impuissants face à l'occupation de Chypre et aux menaces turques sur les îles grecques de Mer Egée :

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Depuis 1974, Chypre est victime de partition et d’occupation directe de 37% du nord de ses territoires par l'armée turque, au mépris de la légalité internationale et des conventions onusiennes. La découverte, ces dernières années, de gigantesques gisements gaziers en Méditerranée orientale n’a fait qu’attiser l'appétit conquérant du prédateur néo-ottoman Erdogan qui a envoyé des navires de forages au large de Chypre. Ce conflit avec Chypre s'inscrit dans celui, plus large, entre la Grèce, berceau de la civilisation occidentale et le nouveau centre névralgique de l’internationale islamo-djihadiste (Turquie) qui rappelle les agressions ottomanes passées et les pirateries barbaresques. En mai 2018, le néo-sultan a menacé la Grèce d’une invasion des îles de la Mer Égée (grecques), sans que l'Occident ne réagisse. Quelques mois auparavant, il a envoyé un pavillon militaire turc menacer des installations de forage gazier et pétrolier de la compagnie italienne ENI (et indirectement de celles de la française Total) à Chypre. Libye, Syrie, Egypte: l’internationale islamiste et jihadiste sous parrainage turc.

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Comment la Turquie manœuvre pour mettre la main sur les hydrocarbures de Méditerranée et étendre sa sphère d'influence :

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Pour couvrir son acte de piratage d’un semblant de “légalité”, l’autocrate turc s’est empressé, fin novembre 2019, de signer avec le gouvernement dit d’union nationale libyen (GNA) de Fayez al-Sarraj, un accord controversé de délimitation maritime dans l'optique de faire valoir ses “droits” sur de vastes zones en Méditerranée orientale. En faisant voter, début janvier 2020, par le parlement turc une motion l’autorisant à envoyer des militaires en Libye, Erdogan a franchi une étape supérieure vers une escalade armée qui risque d’embraser toute la région, à commencer par les pays frontaliers (Egypte, Algérie, Tunisie, Soudan, Tchad, Niger). Comme au début de la crise syrienne, Erdogan, avec le soutien financier et logistique du Qatar, a fait transférer en territoire libyen ses armées qui opéraient en Syrie et en Irak, aux côtés de milliers de "rebelles" islamistes et même terroristes de Daech, Al-Qaïda, Al-Nosra et autres légions turkmènes ottomanistes comme les brigades Sultan Mourad. Plusieurs milliers de jihadistes syriens sont déjà arrivés en Libye.

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Avec le Qatar, la Turquie est le pays qui a le plus activement contribué à la destruction de la Syrie et ce de quatre manières : en étant le parrain de l’organisation criminelle des Frères musulmans qui voulait prendre le pouvoir en Syrie, en livrant des armes aux différentes factions islamistes, en intervenant directement et militairement dans le conflit syrien, en organisant, à partir de ses frontières avec la Syrie, le recrutement et le transfert de milliers de terroristes djihadistes étrangers. L'Etat syrien sorti vainqueur de cette guerre, il ne restait plus à Erdogan qu'à occuper une partie du Nord-Est de la Syrie. L’objectif stratégique d’Ankara est de créer une zone de sécurité, sorte de tampon de 30 km de profondeur s’étirant sur 480 km, de l’Euphrate à la frontière irakienne. Cette zone a pour vocation d’accueillir une partie des 3,6 millions de Syriens réfugiés en Turquie (dont nombre de miliciens islamistes) et doit séparer la frontière turque des territoires conquis par les combattants kurdes qui ont résisté à Daech.

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Les relations avec l'Egypte du président Al-Sissi, qui a renversé l'ex-président défunt frère-musulman Morsi, grand allié d'Erdogan, sont tout aussi mauvaises. Ankara abrite désormais toute l'opposition islamiste égyptienne et continue de mener ses actions subversives pour déstabiliser l'Etat égyptien puis soutient les groupes islamistes armés au Nord-Sinaï. En fait, Erdogan ne supporte pas que son pays n'ait pas droit aux réserves de gaz gigantesques découvertes dans les eaux territoriales chypriotes qui rejoignent les eaux territoriales de la Grèce et de l’Égypte, avec lesquelles Chypre a conclu un accord tripartite. En février 2018, une vedette de garde-côtes grecs a été éperonnée et un navire de forage du pétrolier italien ENI a été chassé manu militari par Ankara. Il se rendait au champ gazier égyptien de Zohr. Le porte-hélicoptère Mistral Anouar el Sadate et plusieurs autres bâtiments, dont des sous-marins, ont aussitôt levé l’ancre d’Alexandrie pour défendre Zohr. Les deux plus puissantes marines de Méditerranée orientale, l’Égyptienne et la Turque, se toisent aujourd’hui au large de Chypre et de la Libye, avec tous les risques que l'on peut s'imaginer.

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Les quatre points faibles de l'Europe et de l'Occident face à la Turquie :

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Il y a d'abord la question du danger islamo-terroriste qui pèse sur l'Europe. Même s'ils ont mis longtemps avant de le comprendre, les dirigeants européens savent maintenant que le régime turc a tissé des liens étroits avec les grandes organisations terroristes qui sévissent dans le monde, y compris avec Daech. Lors de sa conférence commune à Londres avec Donald Trump, le 3 décembre 2019, le président français Macron a clairement déclaré : « Quand je regarde la Turquie, elle combat maintenant ceux qui ont combattu avec nous (les kurdes), à nos côtés contre l'Etat islamique et parfois les Turcs travaillent avec des intermédiaires de l'EI, C'est un problème et c'est un problème stratégique… L'ennemi commun aujourd'hui ce sont les groupes terroristes et je suis désolé de constater que nous n'avons pas la même définition du terrorisme ».

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Le second point faible de l'Europe face à la Turquie est l'immigration clandestine. Malgré les énormes subventions que la Turquie perçoit de l'Union européenne pour surveiller ses frontières, le régime turc menace régulièrement d'ouvrir les vannes du pipeline migratoire pour inonder l'Europe. Erdogan retient près de 4 millions de réfugiés Syriens qu'il peut à tout moment relâcher sur l'Europe.

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Le troisième point faible, ce sont les millions de musulmans et de Turcs peu intégrés qui vivent en Allemagne, en France, en Belgique, en Espagne, en Grèce, au Danemark, aux Pays-Bas et qu'Ankara et ses alliés Frères-musulmans voudraient utiliser comme des vecteurs d'irrédentisme turc en Occident. Dans ce contexte, les associations islamistes européennes sont de plus en plus contrôlées par les organisations turques étatiques (Diyanet/DITIB) et paraétatiques et pro-Erdogan (Confréries; Mili Görüs, AKP), ceci parallèlement aux partis politiques communautaristes turcs. Au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM), les fédérations islamiques turques sont les plus représentées. L'instrumentalisation des musulmans d'Europe est devenu un instrument diplomatique pour Ankara.

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Le quatrième point faible de l'Occident est l'appartenance même de la Turquie à l'OTAN. Ankara a 50 ogives nucléaires tactiques américaines abritées dans la base militaire d'Incirlik (Turquie), théoriquement américaine, mais qu'Erdogan entend utiliser comme atout stratégico-sécuritaire en les prenant en otage… La base d’Incirlik, à 110 km de la Syrie, abrite en effet des bombes thermonucléaires B61, certes utilisées comme moyen de dissuasion vis-à-vis de la Russie et pour prouver l’engagement des États-Unis envers l’OTAN (28 pays dont la Turquie), mais dont le récent rapprochement tactique russo-turc rend illisibles détruit la vocation stratégique initiale. Un véritable cauchemar stratégique pour l'Alliance atlantique et Washington, conclut le géopoliticien Alexandre del Valle (fin des extraits adaptés ; voir liens vers sources en bas de page).

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2- L’ennemi, c’est la Turquie d’Erdoğan :

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De son côté, l'analyste Christian Vanneste rappelle que la Turquie était un partenaire essentiel de l’Occident pendant la guerre froide. Elle gardait les détroits de la mer Noire et abritait des bases américaines au bord du Caucase soviétique. En permettant à l’AKP d’Erdoğan de parvenir au pouvoir et de s’y maintenir, elle a changé de visage et de rôle. En 1918, l’Empire ottoman est vaincu et dépecé. Les Jeunes Turcs qui voulaient le moderniser ont commencé surtout une unification ethnique en procédant aux génocides des Arméniens et des Assyro-Chaldéens. Le nationalisme turc est le fondement du nouvel État, qui comprend une population musulmane à 98% (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

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L’arrivée au pouvoir d’Erdoğan transforme radicalement le paysage politique. La Turquie est toujours nationaliste, mais elle se réapproprie l’islamisme, celui des Frères musulmans, avec sa façade démocratique d’un parti politique, l’AKP, et sa finalité totalitaire d’une reconstitution du califat unissant l’Oumma des croyants.

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Cette dualité du nationalisme à l’intérieur et du prosélytisme à l’extérieur est perceptible dans le rôle que la Turquie a joué dans le prétendu printemps arabe. Celui-ci semblait devoir apporter la démocratie musulmane et permettait, en fait, à d’autres « AKP » de prendre le pouvoir, en Tunisie avec Ennahda, avec le PJL en Égypte. Dans ce dernier pays, l’armée, c’est-à-dire les nationalistes, ont repris le pouvoir avec le maréchal Al-Sissi. Elle tient une place essentielle dans le monde arabo-musulman et jouit du soutien de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, ennemis jurés des Frères musulmans.

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Deux pays n’ont pas vécu le printemps arabe comme un changement de régime mais comme une explosion : la Libye et la Syrie. Dans les deux cas, malgré l’extraordinaire complexité des alliances et des soutiens extérieurs, deux forces sont en présence : les nationalistes d’Assad en Syrie et d’Haftar en Libye et, face à eux, les rebelles d’Idlib d’une part, et les milices de Misrata, sans lesquelles Tripoli serait tombée, de l’autre. Dans les deux cas, c’est la Turquie qui arme et protège ceux qui empêchent la restauration d’une souveraineté réelle sur l’ensemble d’un pays. Dès le début, Ankara a étroitement confondu ses intérêts avec la propagation du printemps arabe et ses pires conséquences.

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Quels sont ces intérêts ? Ils sont de trois ordres. D’abord, rétablir l’influence turque sur le monde arabe. Ensuite, renforcer l’unité du pays en écrasant la dernière minorité gênante, les Kurdes, et en privant ceux-ci d’un soutien par-delà les frontières. Enfin, atteindre des objectifs économiques : l’abandon du projet de gazoduc qatari passant par la Syrie vers la Turquie au profit d’un contrat de 10 milliards de dollars entre Damas, Bagdad et Téhéran, a été décisif dans la détérioration des relations entre Erdoğan et Assad, qui aboutit aujourd’hui à une guerre ouverte. De même, la Turquie s’intéresse beaucoup au pétrole libyen. Erdoğan a signé deux accords avec Sarraj, c’est-à-dire le GNA, qui ne tient guère qu’une petite partie du pays entre Tripoli et Misrata : le premier promet un soutien militaire, le second établit un partage des eaux territoriales très avantageux pour la Turquie, qui augmente de 30 % sa part du plateau continental alors que des forages ont découvert un considérable gisement de gaz en Méditerranée orientale. Dans cette affaire, le nouveau sultan ottoman se comporte en bandit international : il a envoyé un bateau baptisé Fatith (« Le Conquérant ») pour procéder à des forages dans la zone de Chypre dont son armée occupe toujours illégalement une partie. Ses projets prédateurs bousculent les intérêts de l’Égypte, d’Israël, de la Grèce et de Chypre, ces trois derniers pays ayant conclu un accord pour la réalisation d’un gazoduc, EastMed, vers l’Europe.

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La passivité de l’Europe, sa soumission puisqu’elle accepte, au sein de l’OTAN, la présence de ce régime autoritaire belliciste, qui occupe un de ses États (Chypre), peignent suffisamment l’inexistence de la politique européenne. L’Europe préfère s’intéresser aux menaces fantômes de la Russie sur les pays baltes plutôt qu’au soutien apporté par Ankara aux islamistes, au chantage turc à l’immigration massive vers le sud du continent, à l’occupation illégale par l’armée turque de territoires dépendant d’autres États souverains et, enfin, à son obsession répressive à l’encontre des Kurdes. Pour l’Europe, pour la France en particulier, dont les troupes sont exposées au Sahel, le rétablissement du verrou libyen par un pouvoir fort est primordial. Objectivement, la Turquie d’Erdoğan est notre ennemie, conclut l'analyste Christian Vanneste (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

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3- Un Erdogan de bronze avec une main de fer :

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De son côté, Gérard Blua, écrivain et éditeur, écrit notamment (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Pourquoi m’intéresser de si près à la Turquie en général et au président Erdogan en particulier ? Bien sûr parce que cet homme est dangereux, jouant des uns et des autres, par exemple de la dame Merkel qui négocia, dans le dos des Européens, mais directement avec lui, d’accueillir un million de réfugiés en Allemagne, lui en laissant plus encore contre un butin d’euros versés par l’Europe évidemment. Peut-être est-ce cette méconnaissance et ces erreurs stratégiques qui ont permis au président turc d’imaginer avoir le droit d’annexer un territoire syrien au-delà de ses frontières pour y ramener lesdits réfugiés.

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Ce qui semble encore l’autoriser à attaquer les troupes de Bashar al-Assad en plein dans leur territoire. Oui, parce que cet homme est dangereux : on ne nie pas un génocide, toujours un siècle plus tard, sans l’évidence d’une reconnaissance de la justice de son existence même. Lui qui vit dans un passé lointain avec une mission religieuse consistant à le pérenniser physiquement et politiquement. Mais il y a aussi une raison personnelle car, autant le dire clairement, comme mon nom ne l’indique pas, je suis directement grec d’origine par ma branche maternelle. Des Grecs de Smyrne.

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Cette ville heureuse devenue martyre en quelques heures avec ses milliers de morts et ses dizaines de milliers de Grecs transformés en réfugiés, dépouillés de tout ce qui faisait leur vie, par la violente attaque de l’armée turque. Des civils pour la plupart. Repoussés vers la mer et rejetés dans le port où des navires de toutes nationalités tentaient de les repêcher, le mot n’est pas trop fort pour décrire cette horrible situation. Cela se passait en 1922. Sept ans après les Arméniens, les Grecs, les miens, dans la cohue et la mort, le sang et les larmes, étaient massacrés à leur tour et renvoyés d’Anatolie. Avec une malle pour tout bagage.

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Une malle pour ne jamais oublier. Une malle familiale qui m’est échue et qui, depuis cinq décennies, m’observe d’au-delà de sa mémoire. Surtout lorsque les étranges lucarnes nous apprennent qu’Ankara a envoyé des troupes en Libye, dans le nord de la Syrie ou bien encore au-delà de ses frontières avec l’Irak. Avec Erdogan, le pire est toujours à venir avec ses Ottomans de musée qui ne rêvent que de reproduire leur ancien empire par le fer et par le bronze, un peu comme si aujourd’hui nous, Occidentaux, voulions réanimer les territoires de Charlemagne. Arméniens, Grecs, Kurdes. Syriens peut-être ?  Il semblerait que l’heure des comptes soit vraiment arrivée, ajoute Gérard Blua, écrivain et éditeur (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

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4- Moyen-Orient - Le nœud gordien :

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Dans une autre de ses analyses, Christian Vanneste écrit notamment (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Le paysage politique du Proche et du Moyen-Orient paraît un écheveau d’une complexité inouïe, un nœud gordien qu’aucune épée ne pourrait trancher. États, nations, ethnies, religions, civilisations, ressources énergétiques, et puissances étrangères y composent un entrelacs que l’histoire a compliqué à plaisir.

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Les musulmans y sont les plus nombreux, mais divisés entre la minorité chiite, la majorité sunnite et d’autres appartenances confessionnelles comme les druzes ou les alaouites. Les chrétiens, dont c’est le berceau, ont survécu à la persécution musulmane, mais sont eux-mêmes, malgré leur nombre réduit, divisés en de multiples Églises. Les Arabes, les Juifs, les Turcs et les Perses, mais aussi les Kurdes, sont des groupes qui revendiquent leur identité linguistique et civilisationnelle souvent, mais pas toujours, reliée à la religion.

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La volonté émancipatrice des Arabes s’est forgée d’abord contre les Turcs de l’Empire ottoman qui les a dominés pendant des siècles. Elle a emprunté, ensuite, deux voies radicalement opposées, celle du nationalisme arabe, laïc, et volontiers imitateur du nationalisme européen, avec le parti Baas, celui de Bachar el-Assad, par exemple, et celle du réveil islamique, cette fois clairement anti-occidental, nostalgique d’un retour aux heures glorieuses du califat, avec les Frères musulmans.

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Les Turcs se sont, eux, libérés de l’islam qu’ils accusaient, non sans raison, à l’époque d’Atatürk, d’être responsable de leur décadence et de leur retard. L’AKP d’Erdogan, proche des Frères musulmans, caresse, au contraire, à nouveau l’idée d’une Turquie reprenant le glaive de l’islam pour assurer son rayonnement sur la région.

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L’Iran, d’abord séduit par la révolution laïque turque, avait pris le même chemin avec le fondateur de la dynastie Pahlavi, mais en permanence humilié par la mainmise des puissances étrangères, il a, le premier, subi une révolution islamique, chiite, puisque la vieille et persistante identité perse a toujours cultivé sa différence religieuse.

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Les deux guerres mondiales ont permis à un peuple de revenir s’établir dans la région et d’y construire un État, d’une force sans commune mesure avec sa surface, profondément différent de tous ceux qui l’entourent, notamment en raison de son développement économique et scientifique, et aussi parce qu’il est, dans cette partie du monde, l’exception démocratique. Il s’agit d’Israël.

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Enfin, tous les États de la région ont leur spécificité historique et politique. Seuls les Kurdes sont en attente, frustrés d’une promesse non tenue depuis le lendemain de la Première Guerre mondiale, conclut Christian Vanneste (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

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5- Erdogan rêve d’un nouvel empire ottoman :

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Enfin, citons le journaliste et auteur Guillaume Perrier qui écrit notamment (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Après une opération militaire contre les Kurdes dans le nord de la Syrie, la Turquie se lance dans une nouvelle mission à haut risque. La deuxième armée de l'Otan se projette cette fois en Libye, un ancien territoire ottoman, où elle nourrit de solides ambitions économiques et stratégiques. Début janvier, le président Recep Tayyip Erdogan a validé, par un vote des députés, l'envoi de troupes pour soutenir les forces du gouvernement d'Entente nationale libyen (GNA) de Fayez al-Sarraj menacées par l'avancée des milices du maréchal Khalifa Haftar depuis la Cyrénaïque, à l'est du pays. Environ 200 formateurs sont arrivés en renfort, ainsi que des centaines de mercenaires syriens, en attendant un déploiement plus spectaculaire. Suffisant, pour le moment, pour affirmer ses ambitions, figer les positions et imposer, avec la Russie, un cessez-le-feu précaire.

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Si le président turc vole ainsi au secours du gouvernement de Tripoli, c’est parce qu’il a plus d’une carte à jouer dans cette manœuvre. Les très convoités gisements de gaz des profondeurs de la Méditerranée sont au premier rang des priorités turques. Face à une alliance énergétique rivale qui se dessine entre Israël, Chypre, la Grèce et l’Egypte, Ankara a décidé de passer à l’offensive.

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Le 5 décembre dernier, Erdogan a signé avec le gouvernement libyen un accord pour s’octroyer de vastes zones économiques exclusives en haute mer dans le but d’y mener des missions de prospection. Pour lui, il s’agit aussi de reprendre pied en Libye, un terrain qui lui est familier, après une parenthèse de neuf ans. Avant la chute du régime de Mouammar Kadhafi, en 2011, les entrepreneurs turcs disposaient d’un quasi-monopole sur tous les contrats d’infrastructures. Routes, ponts, stades, universités, ports, aéroports.

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Avec la guerre, ce sont près de 20 milliards de dollars de contrats qui ont été abandonnés. Tripoli a accepté le 14 janvier des compensations financières, à hauteur de 2,7 milliards de dollars. Mais les compagnies turques en manque de débouchés veulent revenir en force sur le marché libyen. "Ankara veut se positionner pour la reconstruction du pays, c’est un objectif de premier plan pour ses entreprises", note Marc Pierini, ancien ambassadeur de l’Union européenne dans les deux pays. La Libye est aussi un formidable terrain d’expérimentation pour une industrie militaire turque en pleine expansion. A Tripoli, les véhicules blindés de BMC et les drones armés fabriqués par Bayraktar, deux compagnies intimement liées à l’entourage du président turc, ont été propulsés à l’avant du conflit.

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Confronté à des difficultés économiques et malmené dans les sondages depuis qu’il a perdu, dans les urnes, la mairie d’Istanbul, au profit de son adversaire, Ekrem Imamoglu, en juin dernier, Erdogan cherche à reconquérir les cœurs. "En dix-sept ans de pouvoir, le président turc n’a jamais été en aussi mauvaise posture, c’est donc une façon pour lui de reprendre la main, de flatter la fibre nationaliste, de défendre l’indépendance du pays pour faire diversion, poursuit Pierini [Pierini serait-il trop optimiste quant à la fin éventuelle de Erdogan ?]. Cela n’a que des avantages, jusqu’à ce qu’il fasse le pas de trop." Le parti d’extrême droite, le MHP, est le seul à le soutenir, tandis que l’opposition kémaliste, plus prudente, s’est élevée contre une "aventure désastreuse". Son propre parti est divisé.

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Par cette politique expansionniste qui rappelle les heures glorieuses de l’empire ottoman, le président turc entend s’imposer par le rapport de force dans le jeu diplomatique régional. "Toute solution sans la Turquie n’en serait pas une", répète régulièrement Erdogan. Dans le conflit libyen, il est, avec le Qatar, le parrain du gouvernement, proche comme lui des Frères musulmans, tandis que l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte ont pris fait et cause pour Haftar. La rivalité entre les deux camps se retrouve dans d’autres pays de la région, comme au Soudan.

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Les ambitions militaires de la Turquie vont d’ailleurs bien au-delà de la Méditerranée. Une base militaire accueille 5'000 de ses soldats au Qatar depuis qu’un embargo a été décrété par l’Arabie saoudite voisine. Ankara en possède une autre en Somalie, un pays dans lequel Erdogan s’est personnellement investi depuis 2011 et qui pourrait être sa prochaine conquête. Le pétrole au large des côtes somaliennes est un "objectif très important" n’a pas caché Erdogan le 20 janvier au retour de sa conférence sur la Libye. La Somalie, a-t-il annoncé, a invité la Turquie à venir y prospecter.

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Ankara a déjà envoyé 3'000 mercenaires en Libye : depuis décembre, ils débarquent par centaines, acheminés de nuit par avion. Plus de 3'000 combattants supplétifs syriens sous les ordres d’Ankara seraient déjà arrivés en Libye pour soutenir le gouvernement de Tripoli au côté des militaires turcs. Des milliers d’autres sont recrutés par les services secrets, le MIT, et entraînés en Turquie en vue d’être transférés dans l’ancien territoire ottoman. Ces « chiens de guerre » appartiennent à des factions syriennes passées sous bannière turque depuis 2016 et utilisées dans les récentes opérations contre les Kurdes. Cette fois, c’est à 3'000 kilomètres du territoire syrien qu’ils sont parachutés. La solde promise, environ 2'000 euros par mois (25 fois plus que ce qu’ils touchaient auparavant), est leur principale motivation. Au moins une dizaine de ces mercenaires syriens auraient été tués sur la ligne de front de Tripoli, face aux forces de Khalifa Haftar qui tiennent l’est du pays et qui sont, elles, soutenues par l’Egypte et les Emirats arabes unis, conclut le journaliste et auteur Guillaume Perrier (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

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Michel Garroté pour LesObservateurs.ch, 28.2.2020

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Sources :

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1- Menace néo-ottomane - Les appétits de puissance de Erdogan :

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https://www.valeursactuelles.com/monde/menace-neo-ottomane-en-mediterranee-les-appetits-de-puissance-du-neo-sultan-erdogan-116384

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https://www.alexandredelvalle.com/single-post/menaceurque

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2- L’ennemi, c’est la Turquie d’Erdoğan :

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https://www.bvoltaire.fr/lennemi-cest-la-turquie-derdogan/

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3- Un Erdogan de bronze avec une main de fer :

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https://www.causeur.fr/turquie-erdogan-genocide-armenien-172883

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4- Moyen-Orient - Le nœud gordien :

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https://www.bvoltaire.fr/moyen-orient-le-noeud-gordien-et-la-france-la-dedans/

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5- Erdogan rêve d’un nouvel empire ottoman :

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https://www.challenges.fr/monde/monde-erdogan-reve-d-un-nouvel-empire-ottoman_696699

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5 commentaires

  1. Posté par Léo C le

    Ce satrape ottoman doit être muselé, sinon économiquement, par la force.

    Le rapport militaire des forces est encore en notre faveur; que n’en usons-nous pas ?
    Poutine n’avait-il pas proposé de fêter la Nativité en Ste-Sophie après avoir repris Constantinople (siç), suite à l’incident d’un chasseur russe abattu par les Turcs ?

    Ils sont grands parce que nous sommes à genoux.

  2. Posté par Francine SIDLER-SICARD le

    Erdogan est un mégalomane islamiste! Il suffirait qu’en réponse, les occidentaux ferment le robinet à fric!

  3. Posté par Turquoise le

    C’est vraiment écœurant de lire des mensonges sur la Turquie !
    Le seul pays qui se préoccupe de la santé du peuple syrien et vous trouvez le moyen de donner une mauvaise image de Erdogan qui représente la Turquie . C’est un des meilleurs présidents pour la plupart des Turcs et nous le voyons aux élections remportées depuis 2002 par son parti. Les américains et les russes en échange du pétrole ont promis aux kurdes un territoire est-ce normal ? Ils profitent de cette guerre civile pour diviser la Syrie.
    Et que fait la Turquie à part sécuriser ses frontières et aider les réfugiés !!!?
    Soyez honnête nous sommes tous humains et nous savons que la vie d’un musulman n’a pas de valeur pour vous on est plutôt intéressé par la richesse du pays les musulmans sont de trop sur terre il faut qu’ils disparaissent voilà le raisonnement .
    Alors que Daesch est bien mis en place par Obama et c’est Trump qui a confirmé donc une organisation terroriste dite musulman organiser par des américains ! Tous ça pour salir l’Islam .
    N’oublier pas que Daesch a fait beaucoup de morts avec ses attentats en Turquie et peu en Europe donc vous mentez en disant que Erdogan aide les groupes terroristes vous voulez simplement déformer la réalité pour votre propre intérêt.
    Laissons les palestiniens se faire tuer par le sionisme, laissons le mal prendre de l’empereur de toute façon ma vie n’a pas d’importance devant les yeux d’autres humains qui se disent HUMAINS !
    Et pour réponse au commentateur les Turcs de France seront déjà parti pour défendre leur pays en-cas de guerre rassurez vous.
    Nous ne sommes pas comme la plupart des syriens qui fuient leur pays en guerre .

  4. Posté par Sergio le

    En Europe, nous avons aussi en stock quelques millions de ses compatriotes turcs que nous pourrions lui renvoyer.

  5. Posté par Redsky le

    Blablabla blablabla

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