Trump : l’épopée américaine vient juste de commencer

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Discours sur l’état de l’Union

De notre correspondant permanent aux Etats-Unis. – Surréalisme ! C’est le mot qui s’imposa d’emblée mardi soir sous les lambris de la Chambre des représentants qui accueillait tout le corps législatif américain pour écouter le traditionnel discours présidentiel sur l’état de l’Union. Il y avait en effet quelque chose d’irréel, de paradoxal et même de provoquant dans l’assemblée, dans l’atmosphère, dans les travées et les galeries. D’un côté, Donald Trump, massif, impérial, incisif qui meubla 90 minutes compactes et solides d’une succession d’allégories sur ses trois ans de pouvoir ; de l’autre, plus de 200 parlementaires qui depuis juillet ont tout entrepris, tout essayé pour l’évincer de la Maison Blanche par une destitution aux allures de chasse aux sorcières. D’un côté le chef de l’Etat inculpé en décembre d’abus de pouvoir ; de l’autre ses ennemis, figés et silencieux mais forcés d’endurer une épreuve à laquelle ils ne s’attendaient pas. Trump victime désignée de longs mois d’humiliations semblait prendre, du haut d’une tribune, sa revanche avec délectation sur un parterre d’élus médusés par le hasard assassin du calendrier : c’est mercredi, vingt-quatre heures après ce discours, que Trump voué au pilori devrait être acquitté par le sénat.

Il ne souffla mot de ce qu’on lui fit subir. Rien sur l’affaire ukrainienne. Rien sur les fausses accusations. Rien sur les « preuves » fabriquées et les témoignages tronqués. Pas la moindre allusion à cette « odieuse farce », à ce « coup monté », comme il appelle son impeachment, le quatrième de l’histoire des Etats-Unis. Comme si cette parenthèse burlesque et perverse n’avait même pas existé. Comme si cet embrasement chaotique avait glissé sur lui sans laisser la moindre trace. Trump parla d’une voix bien timbrée de ce qu’il a fait pour son pays. Dans chacune de ses phrases, se nichait un domaine flatteur : les créations d’emplois, l’augmentation des salaires, le renforcement des armées, l’étanchéité des frontières, la nomination de juges conservateurs, la lutte contre l’avortement, la protection de la famille, la défense de deux amendements constitutionnels, celui sur la liberté de conscience et celui sur le droit de porter des armes. Les ovations debout se succédèrent par rafales ininterrompues jusqu’aux promesses qui devront meubler le deuxième mandat : la baisse du prix des médicaments, un nouveau système d’assurance santé, le choix de l’école pour les parents, le retrait de tous les soldats du Moyen-Orient, des milliards de dollars à investir dans les infrastructures.

L’ambiance devint très vite confiante, joyeuse même. Les républicains faisaient bloc et imposaient le ton par leurs applaudissements. Les démocrates, vissés sur leur banc, l’air morne, donnaient l’impression d’assister à leur propre défaite. La fête était tout entière républicaine et c’est un président républicain qui battait la mesure. Pour lui, cette chaleur, cette ferveur accompagnaient sa renaissance. C’était comme si, par anticipation, le Congrès tout entier l’acquittait à l’issue d’un nauséeux procès. Un acquittement émotionnel précédant celui plus formel des sénateurs. Trump goûta cet instant avec un lyrisme inhabituel. « Nos frontières attendent d’être explorées, a-t-il lancé. Nos grands voyages ne sont même pas encore tracés. Nos sublimes histoires ne sont pas encore écrites. Le soleil se lève sur nos esprits toujours jeunes. L’épopée américaine ne fait que commencer. » Belle envolée que ne put supporter Nancy Pelosi, présidente de la Chambre et ennemi mortel de Trump. Elle était assise juste derrière lui. Lorsqu’il eut terminé, elle se leva et dans un geste qu’elle voulut spectaculaire et blessant, elle déchira les feuillets contenant le discours. Ce fut à la fois dérisoire et grotesque. Le visage surtout restera gravé dans les esprits : fripé, hagard, déformé par la rage et la frustration ; en raccourci, tout le drame des démocrates. •

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