J’écris des livres et des articles. Je suis écrivain.
Je peins à l’aquarelle et à l’huile. Je suis peintre.
Johannes Itten est mon livre de chevet, ma bible, mon kamasoutra.
Les formes m’obsèdent (surtout certaines).
Les couleurs m’enivrent.
L’épanouissement de la francophonie florissante me suscite des scrupules linguistiques au sujet des mots “nègre” et “noir”.
L’absurdité drolatique de l’affaire black face de monsieur Trudeau (que je n’estime pas) m’encourage à partager mes perplexités.
Selon Quillet 1956 -
<< “Nègre” = N.m. et adj. Couleur brune.
“Tête de nègre” = couleur brun doré.
(…) “Le terme de nègre pour désigner une personne de race noire, n’est auj. absolument pas péjoratif”>>
« nègre » = adjectif qui indique la couleur
« Nègre » = nom commun qui indique une personne de couleur nègre.
2019 - le terme “nègre” est diabolisé au point de ne plus pouvoir l’employer et même de ne plus pouvoir se déguiser !
Pourquoi?
Parce que c’est encore une mode américaine à laquelle nous devons nous plier?
Si les Américains considèrent que leur mot “nigger” est une insulte, ça les regarde.
Nous ne parlons pas américain.
Il est vrai que les Américains ont employé tous les trucs pour semer la zizanie entre Africains et Européens pour pouvoir "foutre le bordel" et s’emparer des richesses africaines, comme l’expliquent les livres de Roosevelt et Devlin.
Comment désigner ces personnes qui sont typiques des pays tropicaux africains comme les Congolais?
Faut-il les appeler des “Noirs” ?
Ayant vécu au Congo, souvent dans la partie indigène de la ville et avec des condisciples indigènes dans ma classe, appeler ces gens des “Noirs” me choque.
Tout d’abord parce que ces gens ne sont pas “noirs” et que la couleur noire est celle du deuil et du mal.
Le père fouettard qui accompagne Saint Nicolas pour gronder les méchants enfants est noir. En flamand “Zwarte Piet” = “Noir Pierre ” qui est “l’homme noir”, le côté sombre des humains.
Ceux qui ont cru malin de remplacer “l’homme noir” qui accompagne Saint Nicolas par un Congolais n’ont vraiment plus rien compris à la signification de ce personnage tout aussi traditionnel que “l’homme noir” dans les carnavals.
L’adjectif “noir” est souvent péjoratif: une âme noire, des idées noires, voir tout en noir, broyer du noir, voir les choses en noir, travailler au noir, une marée noire, la série noire, une caisse noire, être la bête noire, un mouton noir, l’humour noir, le marché noir, nuit noire, magie noire, misère noire, avoir peur du noir, être noir (ivre) , blouson noir, regard noir, être dans le noir, etc… tout cela est négatif, péjoratif, vilain, méchant, triste…
Cela ne correspond pas du tout avec le souvenir que j’ai des indigènes du Congo qui étaient, bien au contraire, des optimistes toujours prêts à faire la fête et à rigoler.
Ces gens sont-ils “noirs”?
Alors j’ai pris des photos dans la presse et les ai copiées. Si le résultat n’est pas flatteur c’est parce que je ne suis pas portraitiste, mais ce n’est pas la ressemblance qui m’intéresse, c’est la couleur. Pour cela j’ai vraiment peint ces visages en noir.
Et là, c’est criant: non ces gens ne sont pas “noirs”, bien au contraire, ils sont comme le dit Quillet: nuance plus ou moins foncée de la couleur brune.
Le brun est un mélange de rouge, bleu et jaune. Avec la couleur Van Dijck bruin on va même vers le rose.
Semblablement, nous ne sommes pas “blancs” mais de nuances plus ou moins appuyées de la couleur rose et quelque fois même bronzés.
Faut-il les appeler des “bruns”? Non car “brun” c’est encore différent de “nègre”.
“Nègre” comprend non seulement la couleur mais aussi toute l’aura culturelle et exotique des tropiques.
“Nègre” c’est tout un monde.
Que faire? Je crois qu’il faut faire appel à la Francophonie pour dé diaboliser et réhabiliter le mot “nègre”.
Les expressions comme “la traite des Nègres”, “l’art nègre”, les “tête de Nègre” (Attention le dessert qu’on appelle “tête de Nègre” ça n’est pas du tout un “merveilleux” !) la “négritude”, “travailler comme un Nègre”, “être le Nègre d’un écrivain” etc. ce sont des expressions qui existent, pourquoi les diaboliser?
Les marchands de migrants sont aussi, aujourd’hui, des négriers. Un négrier de l’île de Gorée ou de Zanzibar ou de Libye c’est un négrier. On ne va tout de même pas les appeler des “Noiriers” ?
Employons les mots pour ce qu’ils sont et signifient sans leur accoler une ribambelle d’extrapolations.
Dans toute cette affaire le vrai racisme c’est d’avoir convaincu les Nègres que leur nom est une insulte.
J’en appelle à la Francophonie pour rendre au mot “Nègre” sa dignité.
Anne Lauwaert, 21.9.2019
Le prochain mot qui sera devenu péjoratif et interdit d’usage ce sera arabe. Les études et les thèses sont déjà bien avancées.
Anne Lauwaert qui a vécu au Congo, se rappelle peut-être qu’entre les nègres eux-mêmes, on utilise des mots pas toujours très sympa qui feraient rougir de honte nos braves bobos, C’est exactement ce que relate Monsieur Haenggli. Au Gabon où j’ai vécu presque trente ans, j’ai vu qu’entre eux, ils faisaient des distinctions des couleurs de peau.
Moi, je me souviens d’un voisin, il était Secrétaire d’Etat, c’était un métis, je ne vous raconte pas ce qu’il disait de ses compatriotes, la même attitude que celle de notre classe dirigeante qui a un profond mépris du Peuple alors qu’elle devrait être notre obligée.
En effet il y a de nombreux groupes “négroïdes ». En Inde dans l’Orissa les autochtones ressemblent plus aux Congolais qu’aux Indiens. Mais ce qui me dérange le plus c’est qu’on convainque les gens que leur nom est une insulte. Je ne comprends qu’il n’y ait pas un contre-mouvement de Nègres qui se proclament Nègres et fiers de l’être. En Belgique le mépris et la moquerie envers les Flamands a causé une réaction de fierté qui fait qu’aujourd’hui la Flandre est à l’avant-garde dans tous les domaines. Diaboliser tout ce qui touche le mot « nègre » c’est voler l’identité de ces personnes, cette négation a une forme génocidaire.
Pourquoi dit-on de Barack Obama qu’il est Noir alors que sa mère est une Blanche ?
Très juste ! J’avais à Paris un ami tamoul à la peau très foncée qui me disait être outré de ce que les “nègres” d’origine africaine soient faussement appelés les “noirs”. Il n’y a pas qu’eux, disait-il, à être “noirs”. La différence entre eux et moi, disait-il, ce n’est pas la couleur, mais l’origine. La leur est d’Afrique, la mienne de l’Inde.
Excellent ! J’utilise régulièrement le mot nègre et ça m’a valu des regards et des remarques alors que c’est le mot juste…