RTS, Tribu, 28.08.2019 Interview de Mathieu Bock-Côté par Julien Magnolet
Le politiquement correct, censure contemporaine? La démocratie est par définition un espace de débat. Or, ce débat n’existe plus ou plutôt, il est biaisé. C’est en tout cas l’avis de notre invité de ce matin. Il estime que le politiquement correct a remplacé la censure d’hier. Une discussion avec Mathieu Bock-Côté, sociologue, chargé de cours à HEC Montréal et auteur du livre "L’empire du politiquement correct" (Editions du Cerf).
https://www.rts.ch/play/radio/tribu/audio/le-politiquement-correct-censure-contemporaine?id=10635974
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Résumé et commentaire de Cenator :
Mathieu Bock-Côté : Le politiquement correct est imposé par une idéologie diversitaire ou un régime diversitaire, qui déconstruit toutes les normes communes, historiques, identitaires, anthropologiques pour les réduire à une forme de tyrannie de la majorité, une forme de sociologie rudimentaire qui dit qu’il n’y a que majorité et minorités.
Cela amène un éparpillement infini de la subjectivité et de l’identité, où le désir va devenir un droit fondamental et où le monde commun tend à s’effacer.
C’est bien un régime diversitaire, où la conception de la démocratie a fondamentalement changé.
La notion de peuple est liquidée, la société devient une addition de minorités. Au nom de l’État de droit, on va vers la judiciarisation : ce sont les juges qui décident quelles sont les attitudes politiques tolérables.
Qui sont les gardiens de la respectabilité politico-médiatique ? C’est le politiquement correct qui définit qui est fréquentable et qui ne l’est pas, qui est radical et qui est modéré, qui passe pour un humaniste ou pour un sulfureux (le progressiste et le populiste), qui est l’intellectuel de référence et qui est le polémiste,– ce système d’étiquetage médiatique fait que nous savons avant même qu’une personne s’exprime, ce que nous devons penser d’elle. Tout est codifié pour que l’on sache à l’avance qui sont les gentils et qui sont les méchants.
Mathieu Bock-Côté parle de la notion de dérapage, qui est utilisée pour une personne qui s’éloigne par ses opinions du boulevard du politiquement correct bien défini. Les patrouilleurs de l’idéologie nous collent une contravention morale en disant qu’on a dérapé. D’abord, on devient « controversé », puis « très controversé », puis arrivent les arguments olfactifs : sulfureux, nauséabond. Ce vocabulaire montre l’idée du bien et du mal de notre époque.
Julien Magnolet : Qui fait l’étiquetage ?
Mathieu Bock-Côté : Les médias, les universités, le pouvoir médiatico-universitaire.
Les médias ne sont plus les contre-pouvoirs mais LE 1er POUVOIR, parce qu’ils ont le monopole de l’interprétation légitime du réel. De ce point de vue, ils sont devenus le 1er pouvoir dans nos démocraties et les autres se situent par rapport à lui.
Julien Magnolet : Oui, mais maintenant il y a les réseaux sociaux, une quantité de médias alternatifs. Est-ce que ce rôle [de contre-pouvoir] est encore celui des médias ?
Mathieu Bock-Côté : Les réseaux sociaux sont un lieu de contestation, mais les grands médias conservent une force de définition du réel bien plus grande que les médias sociaux.
Julien Magnolet ne se laisse pas abattre, encore moins se remettre en question. Ni jusqu’ici, ni jusqu’à la fin de l’interview, il ne présentera une étincelle de compréhension de la gravité de la situation concernant le discours de la RTS qui est en train de détruire notre démocratie. Bien au contraire, Julien Magnolet affirme que grâce à la démocratie directe, la Suisse doit être un exemple contre les pièges des discours politiquement correct.
Et lorsqu’il argumente que si Mathieu Bock-Côté est chroniqueur au Figaro et enseigne, c’est la preuve que le système fonctionne, nous concluons qu’il est définitivement impossible de nettoyer les écuries d’Augias et les écuries de la RTS.
Julien Magnolet : Vous, et d’autres, comme Eric Zemmour, vous avez accès au discours public !
Mathieu Bock-Côté : L’hégémonie du progressisme médiatique dure depuis longtemps, qu’il suffit que quelques voix émergent, presque toujours les mêmes, pour qu’on s’imagine qu’ils deviennent hégémoniques, c’est-à-dire contre-hégémoniques. Il suffit que quelques voix conservatrices se fassent entendre pour qu’on ait l’impression d’assister à un grand basculement d’opinion.
Le progressisme a été si longtemps dominant dans l’espace public qu’il lui suffit d’être contesté pour se croire assiégé, et le conservatisme a été si longtemps dominé qu’il lui suffit d’être entendu pour se croire dominant.
Or, me semble-t-il, il y a quelques voix dissidentes qui se font entendre, mais quand on regarde la manière dont elles sont accueillies dans l’espace public, les termes utilisées pour qualifier leurs positions, le soupçon général qui entoure leurs propos, alors là, on ne peut pas parler de débat équilibré.
Si vous remettez en question les seuils d’immigration, par ailleurs assez élevé dans nos pays, vous avez l’étiquette xénophobe, repli identitaire, et non pas celle d’une personne qui remet simplement en question le seuil d’immigration. Si vous critiquez l’agenda LGBTQI2+ sur l’éclatement de la subjectivité, rapidement on vous accusera de transphobie ; si vous critiquez l’islam ou l’islamisme, d’islamophobe.
Les voix dissidentes sont accueillies sous le signe de l’illégitimité. Dans les médias presse, radio, TV, on s’interroge régulièrement : est-ce qu’on donne trop de place aux penseurs conservateurs ? Très rarement on entend : est ce qu’on donne trop de place aux écologistes, féministes, multiculturalistes ?
La pensée conservatrice n’est accueillie que sous le signe du soupçon, de la méfiance, comme si elle n’était que le masque du fascisme, de la bête. Pour un débat équilibré, cela doit cesser.
Julien Magnolet : Les médias ne sont plus un contre-pouvoir mais les laquais du pouvoir, voire du système ?
Mathieu Bock-Côté : Quelquefois même le pouvoir à certains égards.
Julien Magnolet : Dans les urnes, souvent, ça vote à droite. Quand bien même les intellectuels et les médias seraient de gauche, le peuple, souvent, vote à droite. Donc est-ce que ce n’est pas une sorte de contre-pouvoir qui s’exprime là ?
Mathieu Bock-Côté explique que la révolte des peuples contre le discours hégémonique, qui restreint l’espace public en psychiatrisant, en extrême droitisant, toute forme de désaccord avec le progressisme diversitaire, est une rébellion contre le pouvoir médiatique et non pas l’inverse. C’est la démocratie, la souveraineté populaire, qui est le contre-pouvoir aujourd’hui.
Julien Magnolet : En Suisse, il y a l’UDC, le premier parti de Suisse depuis vingt ans. En Suisse, on peut s’exprimer sur tout et n’importe quoi. Est-ce que c’est cela la solution ? Faire participer davantage le peuple ?
Remarquons le glissement habile sur l’UDC populiste, contre laquelle la RTS se dresserait comme un contre-pouvoir nécessaire, à la possibilité de voter sur divers sujets – en contournant le problème fondamental que BMC dénonce, à savoir le manque de démocratie dans les médias.
Julien Magnolet : En quoi reconnaître des droits aux minorités nuirait à la majorité ?
Mathieu Bock-Côté : C’est l’inflation du discours minoritaire, le minoritarisme, qui nuit à nos sociétés – l’idée selon laquelle les minorités ont fondamentalement raison et la majorité fondamentalement tort, parce qu’elle serait engagée dans un rapport structurel de pouvoir et devrait se dépouiller de ses privilèges pour passer le test de la moralité démocratique. Ouverture aux minorités, oui, mais la marge ne doit pas devenir la norme.
Quand on nous dit qu’on ne doit plus faire référence à homme et femme parce que ce ne seraient que deux possibilités parmi d’autres dans l’expression de la diversité sexuelle, je dis : il y a quand même là un rapport anthropologique plurimillénaire. Je suis contre l’institutionnalisation du discours minoritaire victimaire, qui amène un climat de conflit social permanent qui remet en question l’existence du monde commun.
“Les médias ne sont plus les contre-pouvoirs mais LE 1er POUVOIR…”
Voilà qui est dit ! Ce qui signifie que nous ne sommes plus en démocratie.
10 sur 10.
Tout est brillamment décrit, résumé et exprimé.
Celui qui geint a toujours raison.
Les autres sont des néo-nazis.