Présidentielle américaine : quand Google défie Trump

 

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Par Jonathan Frickert.

Alors que la France a fait savoir il y a plusieurs semaines sa volonté de taxer les GAFA, Google aurait la volonté de s’impliquer dans la prochaine élection présidentielle américaine à travers YouTube, dont le géant américain est propriétaire.

C’est le site Breitbart, co-dirigé jusqu’en 2016 par l’artisan intellectuel de la victoire de Donald Trump en 2016, Steve Bannon, qui l’annonce. Selon le site conservateur, et alors que Huawei est en guerre ouverte sur fond de guerre commerciale avec la Chine, le concurrent américain du Chinois devrait lui aussi tenter de semer son grain de sel.

Ces dernières semaines, plusieurs fuites internes à Google ont admis l’existence d’un plan destiné à empêcher une potentielle réélection du candidat américain. L’ancien ingénieur logiciel Mike Wacker avait par exemple révélé un courriel interne mettant en garde les salariés de l’entreprise contre les fake news, arguant que c’était ainsi que l’actuel président américain l’avait emporté.

L’année dernière, c’était Kent Walker, chef des affaires internationales de la société, qui aurait déclaré vouloir faire de Trump une exception historique.

Si pour l’instant la principale réponse de la firme est une plainte pour atteinte à la vie privée, l’affaire ne devrait pas s’arrêter là.

Une lutte politique sur fond de contrôle médiatique

L’émergence des GAFA a entraîné depuis plusieurs années des levées de boucliers de nombreux gouvernements occidentaux. Si l’on met de côté les régimes autoritaires et dictatoriaux tels que la Chine ou la Corée du Nord, les démocraties libérales ont respecté à juste titre l’émergence des nouveaux modes de communication, et ce jusqu’à un certain seuil.

En effet, alors que Facebook vient d’annoncer coopérer avec le gouvernement français pour trouver les auteurs de propos haineux à travers leur adresse IP, la victoire du « oui » au référendum sur le Brexit en 2016, puis de Donald Trump quelques mois plus tard, aidés par les nouveaux modes de communications que sont Twitter et les sites alternatifs d’information comme Breitbart, ont questionné plusieurs gouvernants sur une nécessité de régulation.

Face à CNN, accusé de rouler pour le camp démocrate, les médias sociaux ont joué un rôle de contre-pouvoir. La situation semble s’inverser désormais avec les récentes révélations au sujet des plans de Google pour la prochaine élection présidentielle américaine.

Anti-Trump contre anti-trust

Quiconque a fait un peu d’histoire politique des États-Unis se souvient qu’au XIXe siècle, le parti républicain américain était loin d’être aussi libéral que ce que l’ère Reagan nous a montré. C’est bel et bien le Grand old party qui a fait voter, à la fin de ce siècle, les premières lois antitrusts.

Si Donald Trump a montré sa volonté de libérer au maximum des entreprises tout en taxant davantage les produits importés, la menace d’une politisation de Google crée un risque de démantèlement par la puissance publique.

Une histoire qui rappelle la loi Sherman, du nom d’un sénateur républicain, signée en 1890, à la motivation assez proche de ce que pourrait voter l’administration Trump dans les prochains mois si la politisation de Google se concrétise.
Le sénateur s’était alors élevé contre plusieurs entreprises en situation de monopole, comparant cette situation à celle d’un roi gouvernant un État. Roi dont les Américains s’étaient défaits plus d’un siècle plus tôt.

La société visée était la Standard Oil, organisée sous la forme d’un trust, une position dominante sur plusieurs marchés proches de son activité principale. Le texte qui a servi de base à la réglementation du droit de concurrence dans plusieurs États aurait essentiellement été motivé par une question de vengeance et non de bonne gestion.

Comme l’évoquera plus tard Murray Rothbard, John Sherman fut candidat malheureux à l’élection présidentielle de 1888. Reprochant à un de ses collègues au Sénat, Russell Alexander Alger, d’avoir corrompu les délégués sudistes du pays, il utilisa une affaire de position dominante sur le marché des allumettes dans lequel le nom de ce dernier apparut pour pousser au vote d’une loi contre les trusts. L’affaire aurait donc davantage servi de prétexte qu’autre chose, et ce en vue de porter atteinte à l’honneur d’Alger qui n’avait en réalité qu’un rôle mineur.
La loi interdit alors les trusts ainsi que les monopoles.

Une affaire qui devrait faire siffler les oreilles de Sundar Pichai, actuel directeur général de Google, depuis longtemps sous les radars des différentes autorités publiques pour sa position sur le marché du numérique. Google constitue aujourd’hui le premier moteur de recherche au monde, alors qu’il y a encore 20 ans, le marché était plus concurrentiel qu’aujourd’hui. En 2012, Google représentait 65 à 77 % des recherches sur Internet.

Il y a deux ans, bien avant taxe GAFA, l’Union européenne avait puni l’entreprise d’une amende record de 2,4 milliards d’euros pour avoir favorisé son propre comparateur de prix dans son moteur de recherche.

À la fin de l’année dernière, la tension entre Washington et la Silicon Valley prenait une tournure politique. Donald Trump accusait en effet Facebook, Twitter et Google de favoriser les voix démocrates dans leur traitement des informations. Si les dirigeants des deux premiers ont été auditionnés par le Congrès sur ce type de sujets, la direction de Google a refusé de s’expliquer. Fin septembre, Bloomberg a révélé l’existence d’un projet de décret ordonnant aux autorités de la concurrence de surveiller particulièrement les plateformes en ligne afin de protéger la concurrence et d’apporter une solution aux problèmes d’impartialité que cela pose.

Le dernier épisode en date ne fait que confirmer la guerre désormais déclarée entre l’administration américaine et Google, dont le principal actionnaire, Alphabet, a connu une chute à Wall Street suite à la révélation d’une enquête anti-monopole contre Google lancée par le ministère de la Justice américaine. Une fois n’est pas coutume : l’initiative est soutenue des deux côtés de l’échiquier politique, mais la première victime de cette bataille n’est pourtant pas belligérante.

L’innovation, première victime de la politisation de Google

Dans ce contexte de défiance entre une des premières entreprises du numérique au monde et un gouvernement américain en guerre médiatique perpétuelle, le principal danger qui pointe le bout de son nez n’est pas la démocratie, mais bel et bien la position américaine en matière d’innovation.

La Silicon Valley permet aujourd’hui aux États-Unis de disposer d’un vivier de chercheurs et d’ingénieurs dans des domaines de pointe tels que l’économie numérique et l’Intelligence Artificielle dont les innovations font régulièrement les gros titres de la presse spécialisée : assistant, lunettes,…

L’entrée dans une guerre ouverte d’une entreprise dont le chiffre d’affaires dépasse le PIB de l’Ukraine, et ce pour des raisons strictement idéologiques, risque de se retourner violemment contre elle.

En effet, Joseph Schumpeter nous a appris que le développement économique est fonction de la capacité d’innovation. Le principal moteur de cette capacité réside dans un principe rappelé par l’entrepreneur américain Peter Thiel dans son best-seller De Zéro à Un, à savoir la recherche d’un monopole. Cette recherche renforce l’esprit de compétition sur un marché de libre-concurrence et permet d’acquérir un monopole temporaire que la concurrence cassera tôt ou tard.

Une leçon que Google risque rapidement de prendre si l’entreprise continue de sacrifier l’innovation sur l’autel du combat idéologique.

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