Dès le mois de décembre dernier, la célèbre agence américaine d’analyse financière Bloomberg évoquait la vraisemblable création par le groupe Facebook d’une cryptomonnaie, Libra, destinée à transiter par les applications du célèbre et premier réseau social : Facebook, WhatsApp, Messenger, Instagram. Cette monnaie permettrait d’envoyer de l’argent ou de payer des tiers sans passer par le système bancaire établi et en ignorant les différentes devises. En vue d’un déploiement prévu courant 2020, le système devrait être testé dans une douzaine de pays avant même la fin de cette année.
L’information se consolide jour après jour puisque 28 parmi les plus importantes entreprises du secteur numérique ont déjà confirmé à Mark Zuckerberg, fondateur et dirigeant de Facebook, leur intérêt pour ce projet et leur participation, notamment PayPal, Via, Free, Booking.com, eBay, Spotify… Ce dernier a, de plus, déjà rencontré Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, et les responsables du Trésor américain, notamment. Pour les 28 premiers membres de la fondation créée par Facebook en Suisse, à Genève, le ticket d’entrée s’élève quand même à un minimum de 10 millions de dollars. Ils devraient se compter à plus d’une centaine en fin d’année.
Ce projet de création de cryptomonnaie, selon la technologie blockchain par une entreprise privée de dimension mondiale – 2,4 milliards d’abonnés –, en dit long sur le rêve messianique de Mark Zuckerberg d’imposer une monnaie unique et planétaire au risque d’une situation de domination qui pourrait mettre en péril la souveraineté résiduelle des nations européennes et des Etats-Unis, les privant de l’indispensable levier monétaire. L’habillage éthique autour du projet évoque une opportunité pour les exclus du système bancaire dans le monde occidental et les pays dits émergents. Bref, le blabla convenu des milliardaires de la côte ouest se préparant à plumer davantage de pauvres encore.
Facebook en butte à une perte de confiance grandissante
Le milliardaire Mark Zuckerberg, figurant selon une étude du Jerusalem Post parmi les 50 Juifs les plus influents du monde, a confié à son proche collaborateur David Marcus, fils d’un banquier roumain, le pilotage de ce projet de grande ampleur. La partie semble d’autant plus serrée que Facebook subit depuis quelques années une perte de confiance inédite des utilisateurs à la suite d’une avalanche de critiques liées à des pratiques pour le moins contestables : problèmes de confidentialité, piratage et vente de données personnelles, scandale de Cambridge Analytica, blanchiment d’argent, censure intempestive… Le lanceur d’alerte Edward Snowden, ancien membre de la CIA et de la NSA, maîtrisant donc son sujet, avait qualifié le réseau Facebook d’« agence de renseignement se présentant de façon mensongère comme un réseau social », ajoutant pour être certain d’être bien compris que « son repositionnement en tant que média social est la tromperie la plus réussie ».
Le groupe Facebook, en perte de vitesse, tirant l’essentiel de ses ressources de la vente de publicité en ligne et accessoirement de données d’ordre privé, semble donc bien décidé à se redéployer dans un domaine aussi sensible que lucratif. En plus de détenir des milliards d’informations personnelles sur ses utilisateurs, l’entreprise s’emploiera prochainement à évaluer le fond de leurs poches. Quant aux cryptomonnaies actuelles dont la plus connue demeure le Bitcoin, elles verront donc débouler prochainement une redoutable concurrente à la force de frappe inégalée – 2,4 milliards de clients potentiels dès le lancement… – et, théoriquement, nettement plus fiable et moins volatile puisque indexée à un panier de devises réelles (euro, dollar…). Les promoteurs de cette cryptomonnaie évoquent aussi une simplicité d’utilisation déconcertante, contrairement à ses actuelles concurrentes d’accès souvent complexe, puisque effectuer un transfert d’argent s’avérera, nous affirment-ils, aussi simple que d’envoyer un SMS.
Mais une inconnue demeure : quelle sera la réaction des Etats et organismes financiers internationaux face à cette très sérieuse menace d’un genre nouveau ?
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