Lausanne : le débat sur « L’Islam conquérant » n’a pas conquis tous les auditeurs

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Par Mireille Vallette

Les critiques ont fusé, les réactions du public aussi. Une soirée animée où certain spécialiste de l’islam a étonné.

Près de 300 personnes ont assisté au débat sur le livre de Shafique Keshavjee, sans l'auteur. La partie réservée aux questions et remarques du public a été très animée et très diverse. Shafique Keshavjee a reçu un fort soutien. J’ai cité lors d'une brève intervention des propos d’Abdelwahab Meddeb, l’un des auteurs les plus érudits et respectés en matière d’islam. Il était  désespéré de voir ce que cette religion est devenue aujourd’hui. Je reprendrai ses citations au fil de ce bref compte rendu.

Pour moi, cette soirée a permis une découverte, celle de Wissam Halawi. Il enseigne non pas les «sciences islamiques», mais la science tout court et ce qu’on sait de l’origine et des pratiques de cette religion. Il met implicitement en question la quasi totalité du récit musulman, dont l’immense littérature consacrée aux hadiths de Mahomet.

Le prophète - presque absent de l’Histoire - est censé avoir été parfait. Il est idolâtré, malgré ce que dit la biographie à laquelle adhèrent les musulmans. Meddeb : «Nous avons affaire à un prophète qui a été violent, qui a tué, qui a appelé à tuer.»

Halawi donne l’exemple des travaux de Patricia Crone qui démontre que La Mecque n’était en aucun cas un carrefour de caravanes. La fabrication du Coran ne correspond évidemment pas non plus au statut qui lui est attribué de révélation incréée, parole de Dieu parfaite et éternelle. Meddeb : «Vous n’avez pas à ériger votre livre saint en intouchable vecteur d’une parole divine incontestée, éternelle, incréée (...) il importe de «neutraliser les dispositions qui, dans la lettre coranique, appellent à la guerre».» C’est ce qu’une centaine d’intellectuels ont récemment et vainement réclamé sous les hauts cris des responsables musulmans: frapper d’obsolescence les passages violents.

Halawi reproche à Keshavjee sa « méthodologie » qui en fait un ouvrage non scientifique.  On s’en balance un peu. L’approche de l’auteur est parfaitement pertinente, pose de multiples et pertinentes questions, et rejoint celle de nombreux chercheurs musulmans critiques.

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L’IQRI , du Réseau évangélique, a édité le livre de Shafique Keshavjee.

Pour le sociologue Philippe Gonzalez, les évangéliques sont une véritable addiction. Il en fait un long et inquiétant portrait censé montrer que ces chrétiens sont aussi dangereux que les musulmans fondamentalistes. Je n’ai pas compris l’intérêt de cette démonstration. En quoi ces évangéliques-là nous concernent-ils? Menacent-ils notre liberté d’expression? Imposent-ils aux femmes un habillement humiliant? Se font-ils exploser au milieu des foules? Cette comparaison, en particulier pour la Suisse, est parfaitement absurde. Et si elle était légitime, en quoi l’extrémisme des évangéliques exonérerait-il celui de l’islam? J’ai des amis évangéliques, nous avons des divergences, mais une estime réciproque. Je n’ai jamais perçu chez eux les sombres desseins que dépeint le sociologue.

Sandrine Ruiz, qui n’a pas fini l’ouvrage, est choquée. «Tout musulman est-il soupçonnable d’être un conquérant?» Oui, et il doit l’être! L’idée que cette religion est si merveilleuse qu’elle doit gagner la planète entière est une constante. Mais ce ne sera pas par les armes comme au temps des grandes conquêtes…

La présidente de l’Union vaudoise des associations musulmanes estime que si les musulmans vaudois sont pacifiques, c’est à cause de leurs textes fondateurs. Mais si Daesh est féroce, c’est à cause de…?

Elle estime cependant qu’il faut « répondre à ces peurs ». Pascal Gemperli a prouvé une fois de plus le refus absolu des responsables musulmans. Il a répondu par l’ironie et la désinvolture. Il voudrait que nous nous contentions de savoir que les musulmans respectent la loi suisse. Mais pourquoi ne pas respecter QUE la loi suisse? Pourquoi se plonger dans la charia et ses injonctions, pourquoi étudier le « droit musulman » (fiqh) dans les mosquées?

Pour Meddeb, les musulmans devraient «déclarer l’irrecevabilité de la charia», dont de nombreuses dispositions s’opposent aux droits humains. Plutôt que nous servir des explications obscures sur le petit et le grand djihad, les multiples djihads sympas, pourquoi ne pas renoncer à ce terme? C’est ce que propose Meddeb. Même s’il considère que ce terme est mésinterprété, «il recèle un potentiel de violence et une force de perversion tels qu’on ne peut les neutraliser qu’en anéantissant la notion même de djihad». Et pourquoi pas dans un même mouvement, renoncer au foulard? «… le mal qui atteint les sociétés islamiques est des plus graves ; peut-être même est-il quasi incurable. Et je pense plus que jamais que la question du voile en est le symptôme le plus voyant.»

Je m'éloigne encore un peu du débat, mais pas du sujet. Les musulmans sont appelés par l’érudit à cesser de juger les actes et les paroles sur le mode du châtiment et de la récompense, de l'Enfer et du Paradis, «marchandage de bazar» qui renforce la censure du groupe. J’en donnerais l’exemple assez hallucinant quand on y pense des cinq prières par jour qui doivent s’effectuer à la minute près.

Enfin, Michel Kocher, journaliste et théologien, a emporté l’adhésion d’une grande partie de l’auditoire. Il estime que  ce genre d’ouvrages doit faire partie du débat public où toutes les questions peuvent être posées, et que l’on discute, débatte, réponde, «pour que les guerres des dieux n’aient plus lieu».  C’est le seul à avoir été applaudi.

Source : Boulevard de l’islamisme

Rappels:
Des organismes chrétiens organisent une soirée destinée à torpiller le livre du théologien Shafique Keshavjee, « L’islam conquérant »
Débat à Lausanne: Keshavjee ne participera pas au débat sur son livre

 

4 commentaires

  1. Posté par miranda le

    “le mal qui atteint les sociétés islamiques est des plus graves ; peut-être même est-il quasi incurable. Et je pense plus que jamais que la question du voile en est le symptôme le plus voyant”, dites vous.
    Est-ce que c’est ce côté “incurable” qui attire puissamment nos “élites” pour nous affaiblir? Il faut croire que cela leur est d’une certaine utilité.

  2. Posté par G. Vuilliomenet le

    Je trouvais assez fort de tabac que pour démonter le livre de Shafique Keshavjee, voire démonter l’auteur personnellement, il eût fallu organiser une conférence. Je l’ai déjà dit, ça puait les procès staliniens.
    Je me suis donc rendu à cette conférence et j’y ai assisté jusqu’à la fin. Du bonheur. Il y avait du monde. J’observai à la volée tous les participants. J’ai aperçu ce brave Pierre Gisel qui, probablement, espérait que son opération allait être un succès.

    Les premières présentations, celles d’un historien de l’islam et d’un sociologue, me laissaient un peu sur ma fin. J’ai plus été déçu par la prestation du sociologue, j’avais l’impression d’assister à une pure analyse de texte sans profondeur. C’était d’autant plus amusant que justement, on nous serine que, dans le cas des textes religieux (sacrés), il ne faut les pas prendre au premier degré. Hors, voici justement ce qu’a fait Philippe Gonzalez. Parmi ses interventions, nous avons eu droit à une sorte de diversion avec les méthodes des évangéliques américains. On peut les aimer ou non, jusqu’à ce jour, ni ils ne menacent de mort les déviants, ni ne les tuent. Ils défendent une vision assez traditionaliste de la vie. Bien sûr, il a fallu rappeler qui étaient les baptistes du sud des USA, leurs relations avec l’esclavagisme (oui, à l’époque, les chefs religieux faisaient des lectures de la Bible assez personnelles), il laissait entendre que les baptistes d’aujourd’hui partageaient la même vision que leur père. Ce sont des procédés assez tordus, mais je passe car en réalité, étant de formation technique, j’ai assez peu de respect pour ces sciences molles qui sont très souvent orientées idéologiquement et sont plus prisées par des gens de gauche que de droite. Il est vrai que ce sont des “sciences” idéales pour la propagande.

    J’ai assez bien aimé, finalement, la présentation de l’histoire de l’islam par Wissam Halawi. Elle correspond à ce que j’ai pu lire sur l’Histoire de l’islam. L’historien fait bien la différence entre Histoire et mythe, ce qu’il a rappelé à plusieurs reprises. Il est dommage que le temps manquant, il n’ait pas pu parler du jihad, car je pense que c’est là le grand problème avec l’islam. Je dis bien islam, pour moi, il n’y a aucune différence entre islam et islamisme, cette différenciation est une création purement intellectuelle d’occidentaux. Certains propos du petit Iznogoud des Dardanelles nous le confirment. Cependant, pendant la séance de questions, Wissam Halawi a fait remarquer que le jihad n’avait pas toujours été défensif. C’est probablement pour avoir été pris à parti par ce qui me semble être un imam qu’il a réagi assez fermement. Il faut lire le fascicule dédié au jihad écrit par Sami Aldeeb pour s’en convaincre

    https://www.sami-aldeeb.com/medias/2016/02/jihadamazon-1.pdf

    C’est une étude, paraît-il, qui n’avait jamais été faites auparavant, d’où son intérêt.

    Je vais passer sur l’intervention de Sandrine Ruiz, intervention assez fade, un espèce de gloubi-boulga, un alignement de mots assez incompréhensibles, il était assez difficile de savoir où elle voulait en venir, à l’exception de vouloir défendre sa secte mortifère dont elle connaît pas vraiment les textes selon ses propres aveux. Autre aveu de taille: j’ai lu une partie du livre de Shafique Keshavjee mais je ne l’ai pas terminé (à se demander si ça ne l’em…dait pas de découvrir une partie de cet islam qu’elle idolâtre), ce qui me semble avoir un peu mis mal à l’aise le modérateur de cette conférence Michel Grandjean. Vous êtes invité pour parler, pour critiquer un livre, ce livre, et vous avouer que vous n’avez pas tout lu, ça fait quand même assez tâche! Cependant, je conseille à Madame Ruiz, mais à tous les musulmans persuadés que les fables qui leur ont été racontées depuis la petite enfance, d’écouter cette intervention d’une historienne tunisienne qui s’est penchée sur l’histoire de Mahomet et des quatre califes dits bien-guidés.

    https://youtu.be/rmZq-VEalP8

    Si vous l’écoutez jusqu’au bout, vous découvrirez ce que certains feignent d’ignorer, que l’Etat islamique ne fait que reproduire l’histoire de Mahomet qui leur a été racontée. Voici qui met à mal les accusations grotesques lancées contre Shafique Keshavjee qui se ferait, so nous les écoutions trop attentivement, presque, le porte-parole d’un Al-Baghdadi. J’en pleure de rire tellement ces accusations sont stupides et démontrent le déni de la réalité chez certains. A l’heure d’aujourd’hui, les musulmans croient plus la fable que l’Histoire. La raison est apparemment simple, Marie-Thérèse Urvoy nous le rappelle dans le dernier hors-série de “L’homme nouveau”*; “Très tôt l’Islam s’est doté d’une historiographie (biographie du prophète, récits de ses campagnes, biographies des compagnons et « suivants », etc.) de valeur exemplaire. Peu importe, pour le moment, l’objectivité de cette historiographie ; ce qui compte c’est que, comme disait le sociologue américain Thomas, « quand les hommes croient une situation réelle, elle est réelle dans ses conséquences ».”

    Un autre participant qui m’a déçu en bien (j’étais dans canton de Vaud, autant utiliser certaines de leurs locutions) est Michel Kocher, journaliste à la RTS. Disons que lorsqu’on porte une telle étiquette, vous sentez quand même le gaucho-bobo. Qu’ai-je retenu de ses différentes interventions? Contrairement aux autres participants, Monsieur Kocher ne jette pas la pierre sur Shafique Keshavjee. Certains propos tenus dans le livre sont certes maladroits, mais ils questionnent. Il reconnaît que l’islam pose un problème qu’il ne faut pas évacuer d’un revers de main, que ce sujet doit être abordé sur la place publique avec des débats, ce que tous ces affreux islamophobes, ces fléaux de l’extrême-droââââte demande depuis longtemps. C’est un peu trop facile de calomnier Shafique Keshavjee en l’accusant d’avoir les mêmes arguments que daech. J’ai remarqué que personne n’a osé parlé de l’Etat islamique, non, ils étaient tellement lâches, qu’ils préféraient utiliser DAECH son acronyme en arabe. Il faut juste rappeler que les membres de l’Etat islamique se réfèrent non seulement au Coran, mais aussi à la tradition et à la biographie de Mahomet. Sans oublier les exégètes et autres commentateurs du Coran, des juristes comme Averroès, oui, ce brave Averroès qui nous a fait découvrir Aristote par ses commentaires (Aristote était déjà connu 50 ans par les chrétiens d’Occident avant sa découverte par les arabo-musulmans) qui justifiaient le jihad guerrier, et pas uniquement le jihad dit défensif.

    La séance de questions a été assez riche.
    La première question a porté sur les textes islamiques, c’est-à-dire sur les mythes de l’islam. Les questions ayant été posées à Monsieur Halawi, historien à l’UNIL, nous ne pouvions qu’arriver à un dialogue de sourds, car s’opposaient la vision fabulatrice de l’islam, celle racontées à la plupart des musulmans dès leur plus jeune âge et les visions historiques qui, malgré des lacunes, sont plus réalistes. J’aurais aimé que l’historien admette de suite cette opposition entre fable et faits historiques, et relève que là est tout le problème que pose l’islam. C’est probablement pour cela qu’une auditrice a regretté que deux des participants lui donnaient l’impression de chercher à noyer le poisson, ce dont ils s e sont défendus.
    D’autres questions et remarques ont été entendues, mais la plupart du temps, ce sont des gens qui soutenaient Monsieur Keshavjee qui se sont exprimés.
    Madame Vallette a cité un auteur intéressant, Abdelwahab Meddeb, un musulman dit réformiste, malheureusement décédé, qui s’est penché sur la maladie de l’islam. Bien sûr, c’est un penseur qui ne peut qu’attirer la sympathie par ses prises de positions, mais comme l’écrit Marie-Thérèse Urvoy dans le dernier hors-série de la revue “L’homme nouveau”*, faisant allusion au soufisme, “on doit considérer avec prudence les ouvrages ou les thèmes comme « l’islam sans soumission » de Abdennour Bidar, « l’islam religion virile » de Malek Chebel, ou encore « l’islamisme maladie de l’islam » de Abdelwahab Meddeb. Nous présentant un islam aseptisé, ils sont des prospectus publicitaires sans réel impact en terre d’islam, écrits pour rassurer les francophones, ce qui fait les délices de journaliste s« dont la suffisance n’a d’égal que l’insuffisance ».”.

    Pour conclure, les différentes interventions du public, mais aussi celles de Monsieur Kocher et certaines de celles de Monsieur Halawi ont été un sacré pied de nez au procès lancé contre le livre de Monsieur Keshavjee. Il serait bien que tous ces débats et conférences, à défaut d’être filmés, soient enregistrés et mis en ligne. Ce serait aussi une manière d’amener le débat dans le domaine public. Rares sont les associations et institutions qui le font. L’ASVI l’a fait depuis sa naissance. Le Docteur Sami Aldeeb le fait également. J’en oublie quelques-uns mais je pense qu’ils ne m’en voudront pas de les avoir oubliés. Par contre, je trouve dommage que le CSIS, la CFR et le département fédéral de l’intérieur n’aient pas mis en ligne l’ensemble du colloque de la honte** qui traitait de l’hostilité envers les musulmans, colloque tenu un ONZE SEPTEMBRE.

    * Présentation de la revue HS de l’Homme nouveau:
    https://www.hommenouveau.fr/2774/editorial/un-hors-serie-exceptionnel-sur-l-islam–.htm

    ** http://www.vigilanceislam.com/index.php/44-pages-pour-rs/723-coup-de-gueule-g#_ftn3

  3. Posté par Maurice le

    Excellent compte-rendu ! Merci Mireille Vallette ! Surtout que ce n’était pas si simple de résumer cette soirée sans rien omettre…

Et vous, qu'en pensez vous ?

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