Trump se durcit contre l’immigration-invasion

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« Madame Sécurité » limogée

De notre correspondant permanent aux États-Unis. – Au rythme actuel des incessantes enjambées illégales de la frontière méridionale, les autorités américaines s’attendent à un flot d’un million et demi d’entrées de clandestins aux Etats-Unis en 2019. Un des chiffres les plus élevés depuis près de vingt ans. Compte tenu du manque cruel de ressources et d’équipements d’ICE (Immigration and Customs Enforcement ) – l’organisme chargé de capturer les intrus déjà dans le pays –, ses dirigeants sont obligés de les libérer. Les mêmes autorités estiment qu’ils seront près de 500 000 dans ce cas avant la fin de l’année. En ajoutant les deux chiffres, on dépasse les deux millions de « sans papiers ». Une projection exorbitante. Elle alarme au plus haut point le président Donald Trump. Jusqu’à présent, il sonnait le tocsin. Maintenant, il agit. Ou, plus exactement, il frappe. Coup sur coup, deux personnages clés du dispositif anti-invasion ont été écartés : Kirstjen Nielsen, ministre de la Sécurité intérieure, et Ron Vitiello, pressenti pour devenir le patron d’ICE. A première vue, les deux « punis » n’ont commis aucune faute irréparable. A première vue seulement. Car pour Trump, ils font preuve d’une mentalité inadmissible : ils sont mous.

Beaucoup de membres du gouvernement actuel peuvent à la rigueur s’offrir, sans subir beaucoup de dégâts, un fléchissement passager dans leur fidélité à la doctrine officielle. Mais il existe une catégorie de hauts fonctionnaires auxquels est interdit ce genre de faiblesse, consciente ou non : ceux qui touchent de près ou de loin aux affaires de sécurité frontalière. Pour eux, Trump est impitoyable. Il voudrait que son mur soit déjà construit en totalité. Que le nombre des illégaux chute à un niveau dérisoire. Que la drogue qui passe aux Etats-Unis soit désormais comptée en kilos et non plus en tonnes. La frontière, c’est son obsession. Un homme l’encourage dans cette direction. Un homme discret mais omniprésent, un homme de convictions mais sans éclats : Stephen Miller, 33 ans. Il a le titre officiel de conseiller. Mais, contrairement à beaucoup d’autres de ses homologues, lui est écouté par Trump. Et même très écouté. Le départ de Nielsen, c’est du Miller ; le rejet de Vitiello, c’est aussi du Miller.

Il est devenu l’« aiguillonneur » de Washington. Non content de conseiller à Trump de se « muscler » toujours davantage face à la menace tiers-mondiste, il s’offre le luxe de faire du terrain – mais à sa manière. Il interpelle, stimule, inquiète et par moments intimide les chefs de service importants qu’il trouve dolents et inefficaces. Il leur rend visite dans leur cadre professionnel ou les appelle au téléphone – les victimes ont fait des confidences – pour leur dire que l’instant est grave et qu’il ne s’agit pas de sombrer dans le bureaucratisme. Les têtes de Nielsen et Vitiello montrent assez que Miller peut avoir le bras long. Ses remarques tiennent lieu de premier avertissement. Pour les affaires frontalières, il n’y a pas de deuxième avertissement. Nielsen s’était risquée à deux erreurs. La première a été d’admettre comme une fatalité les deux énormes chiffres cités plus haut. La seconde fut de s’opposer à une éventuelle fermeture totale des sas de passage entre les USA et le Mexique tout le long de la frontière sud. Trump avait brandi cette menace comme une riposte urgente au chaos, puis l’avait retirée pour d’évidentes raisons économiques. Mais cette soudaine volte-face, pour lui, eut valeur de test. Au ministère de la Sécurité intérieure, beaucoup ont trop vivement critiqué son impulsion première. D’autres têtes tomberont bientôt.

Photo : Kirstjen Nielsen.

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