Interview d’Olivier Bault. « Mieux comprendre la situation politique en Pologne »

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Le 13 février au Parlement européen (Strasbourg) a eu lieu un déjeuner-débat au cours duquel Olivier Bault, notre correspondant à Varsovie bien connu des lecteurs de Présent, a pris la parole pour présenter son rapport sur la situation politique en Pologne, rédigé à la demande du député européen RBM Jean-Luc Schaffhauser. Y assistaient une bonne quarantaine de personnes : députés (dont Bruno Gollnisch) et assistants parlementaires du groupe ENL, ainsi que deux Polonais, le député du groupe CRE Marek Jurek et le député du groupe CRE (PiS) et vice-président du Parlement européen Zdzisław Krasnodębski.

— A quelle occasion Jean-Luc Schaffhauser vous a-t-il demandé ce rapport intitulé « Comprendre la situation politique en Pologne » ?

— Jean-Luc Schaffhauser, ainsi qu’il le dit lui-même ouvertement, aime à la fois la Russie et la Pologne. Son premier amour a pu lui valoir parfois une mauvaise presse en Pologne, mais sa défense vibrante de l’objet de son deuxième amour lorsqu’il est intervenu au Parlement européen lors des fameux « débats » sur la situation de la démocratie et de l’Etat de droit dans la patrie de Jean-Paul II – depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs – n’est pas non plus passée inaperçue. C’est dans le contexte de ces « débats » fondés sur des rapports à charge rédigés en méconnaissance de cause par des députés gaucho-libéraux qui n’acceptent pas qu’un peuple puisse se choisir un gouvernement vraiment de droite que le député Schaffhauser m’a demandé un rapport sur la Pologne. Et ainsi qu’il l’a expliqué à l’auditoire lors de la présentation de ce rapport le 13 février à Strasbourg, défendre aujourd’hui la Pologne, c’est aussi défendre la liberté et la souveraineté de toutes les nations de l’UE contre les velléités fédéralistes de Bruxelles. Avec ce rapport d’un peu plus de 120 pages, j’espère avoir fourni non seulement à Jean-Luc Schaffhauser mais aussi à tous les membres du groupe Europe des nations et des libertés (ENL) et à tous les gens de bonne volonté au Parlement européen un moyen de mieux comprendre la situation politique en Pologne et les réformes réalisées par le PiS depuis 2015, mais aussi les axes du conflit entre conservateurs et libéraux polonais, ces derniers pouvant toujours compter sur leurs amis largement majoritaires au sein des institutions européennes à défaut du soutien d’une majorité des électeurs polonais.

— Le sous-titre de votre rapport est : « Comment la Pologne a basculé en 2015 dans le « camp du mal » (pour Bruxelles et les médias dominants) ». J’imagine que les réponses sont complexes, comment expliqueriez-vous cela de façon simplifiée ?

— Ce qui caractérise l’action de la Commission européenne et de la majorité gaucho-libertaire au Parlement européen, et je l’expose dans mon rapport, c’est la malhonnêteté intellectuelle. Ainsi, que le gouvernement de Donald Tusk prenne le contrôle des médias publics de son pays en 2010 ne posait pas de problème. Mais quand celui de Beata Szydło agit de même en 2016, réintroduisant ainsi le pluralisme dans le paysage audiovisuel (les grandes télévisions privées étant du côté des libéraux contre le PiS), alors là il y a atteinte à la démocratie ! De même, si les libéraux prennent certaines libertés avec la constitution polonaise pour prendre le contrôle du Tribunal constitutionnel entre juin et octobre 2015, cela n’intéresse personne en Europe. Mais quand la nouvelle majorité parlementaire refuse les nouveaux juges nommés par anticipation par le parlement précédent, et en nomme d’autres à la place, alors là, la Commission européenne intervient et prétend agir en lieu et place d’un Tribunal constitutionnel polonais qui n’aurait plus aucune légitimité à ses yeux. Il y a eu des décisions critiquables prises par le PiS, comme il y en avait eu à l’époque des gouvernements de la coalition libérale PO-PSL. La différence, c’est que les libéraux, contrairement aux conservateurs, appartiennent au « camp du bien » et que donc, s’ils violent certaines règles de la démocratie et de l’Etat de droit, c’est dans un noble but, en tout cas du point de vue de certaines élites « éclairées » bruxelloises.

Au passage, la Commission européenne, le Parlement européen et la Cour de Justice de l’UE, qui a enjoint en décembre 2018 la Pologne de revenir sur l’abaissement de l’âge de la retraite des juges, piétinent au niveau européen l’Etat de droit qu’ils prétendent défendre en Pologne puisqu’ils outrepassent ainsi largement les compétences que leur confèrent les traités. J’explique aussi cela dans ce rapport.

J’explique aussi comment s’est formée, au fil des ans, cette dichotomie entre la Plateforme civique de Donald Tusk, héritière de l’aile gauche du syndicat Solidarité, c’est-à-dire en gros, pour expliquer les choses de manière très simplifiée, la partie de Solidarité qui s’est entendue avec les communistes pour le passage à la démocratie et à l’économie de marché, et le parti Droit et Justice de Jarosław Kaczyński, héritier quant à lui de l’aile droite de Solidarité qui a toujours considéré que la transition démocratique de 1989-1990 avait été incomplète, d’où les réformes actuelles du PiS.

— Sur quoi ont porté les questions et discussions après votre conférence ?

— Elles ont porté, d’une part, sur les atteintes à l’Etat de droit commises par les institutions européennes et, d’autre part, sur la nécessaire coopération au Parlement européen entre tous les partisans d’une Europe des nations, c’est-à-dire d’une Union européenne plus respectueuse des souverainetés et des identités nationales, mais aussi des traités en vigueur !

  • Le rapport peut être téléchargé sur le site du député Jean-Luc Schaffhauser : http://jeanlucschaffhauser.eu/

Photo : Olivier Bault devant un auditoire attentif.

 

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