L’État islamique est-il vaincu ?

Traduction de : After the caliphate: Has IS been defeated?

BBC News, 7.02.2019

Photo : Les forces gouvernementales irakiennes ont repris Mossoul en juillet 2017 : Soldats irakiens devant les ruines de la mosquée Al-Nuri à Mossoul en juin 2017

Le président Trump compte annoncer prochainement que les États-Unis et leurs partenaires de la coalition ont repris la dernière poche de territoire syrien encore contrôlée par le groupe djihadiste État islamique (EI), mettant ainsi fin au "califat" proclamé en 2014.

L’EI a contrôlé jusqu’à 88 000 km² de territoire s’étendant de l’ouest de la Syrie à l’est de l’Irak, imposant sa loi brutale à près de huit millions de personnes et réalisant des milliards de dollars de revenus grâce au pétrole, aux extorsions, aux vols et aux enlèvements.

Aujourd’hui, il ne resterait plus que 1 000 à 1 500 militants dans une zone de 50 km² dans la vallée du moyen Euphrate, près de la frontière syro-irakienne, zone attaquée par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance dirigée par les Kurdes.

Cartes : pertes territoriales de l’État islamique entre 2015 et 2019

Toutefois, en dépit de la disparition de son califat physique, l’EI demeure une force aguerrie et disciplinée, dont la "défaite durable" n’est pas assurée.

Le chef du commandement central de l’armée américaine, le général Joseph Votel, a déclaré le 5 février qu’il était nécessaire de maintenir "une offensive vigilante contre l’EI, désormais largement dispersé et désagrégé, mais conservant des leaders, des combattants, des facilitateurs, des ressources, et l’idéologie profane qui nourrit son combat".

Si la pression sur l’EI n’est pas maintenue, "il pourrait bien ressurgir en Syrie dans les six à douze mois et regagner un territoire limité dans la vallée du moyen Euphrate", ont déclaré des responsables militaires au bureau de l’Inspecteur général du ministère américain de la Défense.

Ces avertissements n’ont cependant pas suffi à convaincre M. Trump de mettre un terme au retrait des troupes américaines de Syrie – une décision qui avait entraîné la démission du Secrétaire à la défense Jim Mattis en décembre et alarmé les alliés de la Coalition mondiale contre l’EI.

Carte : le dernier territoire tenu par l’EI en Syrie, autour de la ville d’Al-Bukamal (7 février 2019)

Que va faire maintenant l’EI?

En Irak, où le gouvernement a déclaré la victoire en décembre 2017, l’EI s’est déjà "substantiellement converti en un réseau clandestin", a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres dans un rapport au Conseil de sécurité publié le 7 février.

"Il se trouve dans une phase de transition, d’adaptation et de consolidation. Il organise des cellules régionales, qui reproduisent les fonctions clés du leadership", a-t-il ajouté.

Photo : Les cellules dormantes de l’EI en Irak ont attaqué des cibles civiles et gouvernementales : Attentat à la voiture piégée le 11 janvier 2019 dans la ville frontalière d’Al-Qaim, à l’ouest de l’Irak.

Les combattants de l’EI sont actifs dans des zones rurales reculées au relief accidenté, où ils peuvent facilement se déplacer et préparer des attaques. Cela comprend les déserts des provinces d’Anbar et de Ninive et les montagnes qui forment la limite entre les provinces de Kirkouk, de Salah al-Din et de Diyala.

Ces cellules "semblent planifier des activités qui sapent l’autorité gouvernementale, créent un climat d’anarchie, sabotent la réconciliation sociale et augmentent le coût de la reconstruction et du contre-terrorisme", déclare M. Guterres. Ces activités comprennent des enlèvements contre rançon, des assassinats ciblés de dirigeants locaux et des attentats contre les services publics.

Le réseau de l’EI en Syrie va probablement évoluer de la même manière qu’en Irak.

En Syrie, outre la vallée de l’Euphrate, le groupe est présent dans la province d’Idlib, au nord-ouest, tenue par l’opposition ; dans les zones contrôlées par le gouvernement au sud de la capitale Damas ; et dans la région de Badiya, une vaste étendue désertique au sud-est du pays.

Photo : L’armée américaine a aidé les forces dirigées par les Kurdes à chasser l’EI du nord-est de la Syrie : Véhicules de l’armée américaine en soutien des Forces démocratiques syriennes à Hajin (19 décembre 2018)

Les djihadistes ont accès à des armes lourdes et peuvent commettre des attentats à la bombe et des assassinats dans tout le pays, selon l’Inspecteur général du ministère américain de la Défense. Leurs chefs conservent également "d’excellentes capacités de commandement et de contrôle".

La localisation du chef suprême de l’EI, Abu Bakr al-Baghdadi, n’est pas connue. Mais il a échappé à la capture ou à la mort quand bien même il avait moins d’endroits où se cacher.

L’EI continue de réaliser des revenus par le biais d’activités criminelles. Il reçoit également des dons externes et on estime qu’il dispose de 50 à 300 millions de dollars US en liquide.

Combien reste-t-il de combattants ?

L’EI a subi des pertes substantielles, mais M. Guterres a déclaré que ce groupe contrôlait toujours entre 14 000 et 18 000 combattants en Irak et en Syrie, dont jusqu’à 3 000 étrangers.

Le ministère américain de la Défense, de son côté, garde ses estimations secrètes.

(En juillet 2018, la Coalition mondiale dirigée par les États-Unis a indiqué qu’il y avait entre 15 000 et 17 000 militants de l’EI en Irak et entre 13 000 et 14 000 en Syrie. Par la suite, cependant, les commandants américains ont qualifié ces chiffres de peu fiables.)

Photo : L’EI a été expulsé de Raqqa, la capitale de facto de son "califat", en octobre 2017 : Ruines autour de la Place de l’Horloge à Raqqa

Les FDS ont capturé environ 800 combattants étrangers de l’EI, ainsi que 400 à 500 femmes et plus de 1 000 enfants associés à des combattants étrangers. Il y aurait également environ 1 000 combattants étrangers en détention en Irak.

Les États-Unis ont appelé au rapatriement des prisonniers des FDS, afin qu’ils soient poursuivis en justice. Mais leurs pays d’origine se disent inquiets du retour de ces combattants endurcis et il sera difficile de rassembler suffisamment de preuves pour les juger.

On estime que jusqu’à 40 000 étrangers au total sont allés combattre en Syrie et en Irak.

Photo : Abu Bakr al-Baghdadi, le chef de l’EI, s’exprime à la Grande Mosquée Al-Nuri à Mossoul en juillet 2014. Il a échappé jusqu’ici à la capture et à la mort.

Le nombre de personnes qui se rendent encore maintenant en Syrie ou en Irak pour faire le djihad n’est pas connu, mais le flux a considérablement diminué. La Coalition mondiale a estimé qu’il était "très probablement de 50 par mois".

Le flux net de combattants étrangers quittant l’Irak et la Syrie serait également faible. Jusqu’en octobre 2017, plus de 5 600 djihadistes sont rentrés dans leurs pays de provenance.

Mais il y a aussi maintenant un nombre important de combattants affiliés à l’EI en Afghanistan, en Égypte, en Libye, en Asie du Sud-Est et en Afrique de l’Ouest, et dans une moindre mesure en Somalie, au Yémen, au Sinaï et dans le Sahel.

En outre, des individus inspirés par l’idéologie de l’EI continuent de mener des attaques ailleurs.

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L’EI a exploité le chaos et les divisions

L’EI est issu d’Al-Qaïda en Irak, organisation qui avait été formée par des militants arabes sunnites après l’invasion américaine de 2003 [renversement de Saddam Hussein] et qui est devenue une force majeure de l’insurrection irakienne.

En 2011, le groupe – maintenant connu sous le nom d’État islamique en Irak (EII) – s’est joint à la rébellion contre le président Bachar al-Assad en Syrie, où il a trouvé un refuge sûr et un accès facile aux armes.

Dans le même temps, il a profité du retrait des troupes américaines d’Irak, ainsi que de la rancœur généralisée des sunnites résultant de la politique de favoritisme pro-chiite du gouvernement [de Saddam Hussein].

Carte : les forces régionales en présence en Syrie et en Irak en janvier 2015

En 2013, l’EII a commencé à conquérir des territoires syriens et a changé son nom en État islamique en Irak et au Levant.

L’année suivante, il a envahi de vastes étendues du nord et de l’ouest de l’Irak, proclamé la création d’un "califat" et est devenu l’"État islamique".

Une avancée ultérieure dans les zones contrôlées par la minorité kurde irakienne et l’assassinat ou la mise en esclavage de milliers de membres de la minorité religieuse yézidie ont incité une coalition multinationale dirigée par les États-Unis à lancer en août 2014 des frappes aériennes sur les positions de l’EI en Irak.

[N. d. t. : En juin 2014, des milliers de chrétiens ont aussi dû fuir leurs villages dans la plaine de Ninive devant l’avancée de l’EI.]

Une campagne mondiale

La bataille pour chasser l’EI de l’Irak et de la Syrie a été sanglante, faisant des milliers de morts et des millions de déplacés.

En Syrie, les troupes fidèles au président Assad ont combattu le groupe djihadiste avec l’aide des frappes aériennes russes et de miliciens soutenus par l’Iran. De son côté, la coalition dirigée par les États-Unis a soutenu les FDS, une alliance de combattants kurdes et arabes syriens, et de certaines factions rebelles arabes syriennes dans le désert du sud du pays.

En Irak, les forces de sécurité locales ont été appuyées à la fois par la coalition dirigée par les États-Unis et par une force paramilitaire dominée par des milices soutenues par l’Iran, la Mobilisation populaire.

Graphique : frappes aériennes mensuelles en Syrie et en Irak depuis août 2014

La coalition dirigée par les États-Unis, qui comprenait des forces d’Australie, du Bahreïn, de France, de Jordanie, des Pays-Bas, d’Arabie saoudite, de Turquie, des Émirats arabes unis et du Royaume-Uni, a commencé en août 2014 à lancer des frappes aériennes contre des cibles de l’EI en Irak. La campagne aérienne de la coalition en Syrie a commencé un mois plus tard.

Depuis lors, les avions déployés dans le cadre de l’opération Inherent Resolve de la coalition ont effectué plus de 33 000 frappes aériennes.

La Russie ne fait pas partie de la coalition, mais elle a mené depuis septembre 2015 des frappes aériennes contre ce qu’elle appelle les "terroristes" en Syrie pour appuyer le gouvernement Assad.

Le ministère russe de la Défense a déclaréen août 2018 que ses forces avaient effectué 39 000 sorties en Syrie depuis 2015, détruisant 121 000 "cibles terroristes" et tuant plus de 5 200 membres de l’EI.

Les villes clés ont été reprises

Parmi les premiers progrès de la campagne de la coalition dirigée par les États-Unis, il y a la reconquête de la ville de Ramadi, capitale de la province d’Anbar en Irak, par les forces pro-gouvernementales irakiennes en décembre 2015.

Photo : L’alliance des forces démocratiques syriennes soutenue par les États-Unis a chassé l’EI du nord-est de la Syrie : Des combattantes des FDS assistent aux funérailles d’autres combattantes.

La reprise de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, en juillet 2017, a marqué une percée majeure pour la coalition, mais au prix d’une bataille de dix mois qui a fait des milliers de morts parmi les civils et a forcé plus de 800 000 autres habitants de la ville à fuir leurs maisons.

En octobre 2017, la ville syrienne de Raqqa, capitale du "califat" autoproclamé, a été reprise par les FDS avec le soutien aérien de la coalition, mettant fin à trois années de règne de l’EI.

Le mois suivant, l’armée syrienne a repris le contrôle total de la ville orientale de Deir ez-Zor et les forces irakiennes ont repris la principale ville frontalière d’Al-Qaim.

Graphiques : nombre de frappes aériennes de la coalition en Syrie et en Irak et principales villes ciblées

Des milliers de morts

Le nombre exact des victimes de la guerre contre l’EI n’est pas connu.

L’Observatoire syrien des droits de l’homme, basé au Royaume-Uni, a documenté la mort de 367 965 personnes en Syrie, dont 111 330 civils, depuis le début de la guerre civile en 2011.

En Irak, l’ONU affirme qu’au moins 30 912 civils ont été tués dans des actes de terrorisme, de violence et de conflit armé depuis 2014. Cependant, l’organisation Iraq Body Count, dirigée par des universitaires et des militantas pour la paix, estime le nombre de civils tués à plus de 70 000.

Des millions de déplacés

Au moins 6,6 millions de Syriens ont été déplacés à l’intérieur du pays, tandis que 5,6 millions d’autres ont fui à l’étranger – plus de 3,5 millions d’entre eux ont cherché refuge en Turquie, près d’un million au Liban et près de 700 000 en Jordanie.

Infographie : principaux pays de destination des réfugiés syriens

De nombreux Syriens ont demandé l’asile en Europe, surtout en Allemagne.

En Irak, le nombre de personnes déplacées est récemment tombé en dessous de 2 millions pour la première fois depuis décembre 2013.

Photo : Groupe de personnes marchant sur une route : Une partie des réfugiés syriens des régions qui avaient été occupées par l’EI ont demandé l’asile en Europe

En septembre 2018, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estimait que près de quatre millions de personnes étaient rentrées chez elles.

Mais l’ONU signale que le manque d’emplois, les destructions de biens et l’accès limité aux services empêchent encore le retour de nombreuses personnes.

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Source (avec cartes, graphiques et photos) : BBC News, 7.02.2019

Traduction Cenator pour LesObservateurs.ch

4 commentaires

  1. Posté par Dominique Schwander le

    Que d’illusions! L’Etat islamique ne sera jamais vaincu aussi longtemps que nos élus, nos autorités, les médias de masse, les gens d’église et les voisins n’exigeront pas et obtiendront que aussi bien que la mère musulmane que le père musulman s’assimilent vraiment dans nos sociétés occidentales puis déclarent en toute bonne foi: “Je suis musulman. Ma religion, c’est mon affaire privée et intime. Je ne deviens pas un meilleur musulman en portant une barbe, en diffamant d’autres personnes en tant qu’incroyants, en battant mes enfants pour qu’ils récitent leur suppliques, en faisant souffrir les animaux. Je ne deviens pas une meilleure musulmane en portant un voile, un burkini ou en mutilant sexuellement ma fillette et en lui interdisant d’aller à la piscine avec sa classe. Je suis musulman, mais je rejette un allah qui punit, menace d’enfer et m’ordonne de tuer les mécréants. Je suis musulman, mais je considère les filles et les femmes comme des égales et je les respecte. Je suis un homme qui traditionnellement a le pouvoir mais je ne veux pas de ce pouvoir. Je veux créer des droits égaux, des libertés égales. Alors je saurai que mon honneur est différent que dans les autoritaires cultures patriarcales. Je suis musulman et je défends la démocratie directe et les droits de l’homme tels que décrits dans la Constitution fédérale de mon pays d’accueil. »

  2. Posté par Léo C le

    Que vont-ils faire maintenant qu’ils sont affaiblis sur place ?

    Rentrer, importer leur saloperie chez nous et renforcer les rangs de tous les salafistes qui nous conchient.

  3. Posté par Simon Cussonet le

    Ce purin mondial ne sera jamais éradiqué !….quant ca tourne au vinaigre, ils se rasent la barbe et se fondent dans la population qui n’ose surtout pas les dénoncer de peur de représailles !…de plus, ils sont dispersé dans le monde entier pire que des métastases, prêt à recommencer leur crimes n’importe ou….c’est des fous furieux qu’il faut totalement éliminer un à un….mais vu le nombre, j’ai des doutes de la réussite !…..c’est les mêmes cinglés que les SS (tiens, tiens !?) à la fin de seconde guerre mondiale, des jusqu’auboutistes voulant instaurer leur saleté de secte partout…. l’islam ?…c’est ni plus ni moins que les nazis du 21èm siècle !

  4. Posté par Simon Cussonet le

    Ce purin mondial ne sera jamais éradiqué !….quant ca tourne au vinaigre, ils se rasent la barbe et se fondent dans la population qui n’ose surtout pas les dénoncer de peur de représailles !…de plus, ils sont dispercé dans le monde entier pire que des métastases, prêt à recommencer leur crimes n’importe ou….c’est des fous furieux qu’il faut totalement éliminer un à un….mais vu le nombre, j’ai des doutes de la réussite !…..c’est les mêmes cinglés que les SS (tiens, tiens !?) à la fin de seconde guerre mondiale, des jusqu’auboutistes voulant instaurer leur saleté de secte partout…. l’islam ?…c’est ni plus ni moins que les nazis du 21èm siècle !

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