Jean-Marc Daniel est un économiste, professeur à l’ESCP Europe. Il vient de publier aux Editions de l’Archipel :
Macron, la valse folle de Jupiter.
C’est habituellement un économiste plutôt mesuré dans ses déclarations et il ne s’inscrivait pas précédemment dans une opposition frontale à Emmanuel Macron.
Son livre a donc surpris par sa relative violence.
Voici une interview de cet économiste qui s’est confié au journal l’Opinion :
Jean-Marc Daniel : C’est un cri d’alarme pour qu’Emmanuel Macron se ressaisisse ! Il n’a que quatre mois pour reprendre la main, le budget 2019 sera le moment de vérité. Après, ce sera trop tard, pour des raisons électorales et économiques : aucune réforme ne pourra être faite. Ce que le Président n’a pas intégré, c’est que le cycle économique, qui a joué plutôt en faveur de François Hollande, joue contre lui. En 2019, le cycle va s’inverser et il faudra trois ans pour que l’activité reparte. Il aurait fallu qu’il profite de la phase encore ascendante pour assainir tout de suite les finances publiques afin de pouvoir lâcher du lest au moment du retournement. Il ne l’a pas fait.
L’Opinion : Vous le qualifiez de «traître». Qui ou quelles idées a-t-il trahi ?
Jean-Marc Daniel : Il y a trois niveaux dans sa traîtrise :
– D’abord, la trahison de celui qui l’a mis en place,
– ensuite, la trahison du parcours qu’il a suivi auprès du Président, qui était un parcours de centre-gauche ;
– enfin, la trahison de la promesse « feuillante * », vraiment libérale.
Comme l’a écrit dans un très beau texte Edouard Philippe avant de devenir Premier ministre, celui qui ressemble à Emmanuel Macron, c’est le romain Macron, celui qui tue Tibère au profit de Caligula. On peut trahir, encore faut-il ensuite réussir. Il ne faut pas le comparer au Bonaparte, général audacieux du pont d’Arcole, mais au traître ingrat, qui met par un coup d’Etat fin au Directoire. Mais ensuite, il gagne à Marengo, achève la création de la Banque de France et met en place les préfets. La force de Bonaparte est d’avoir fait le tri entre ce qui était bon et mauvais sous le Directoire. Emmanuel Macron, lui, ne va pas très loin dans l’héritage de Manuel Valls. Les ordonnances travail de Muriel Pénicaud n’apportent pas grand-chose par rapport à la loi El Khomri et laissent des brèches grandes ouvertes qui permettent de contourner la réforme en générant des contentieux. Quant au domaine où il devrait aller le plus loin, le redressement des finances publiques, il ne fait rien. Alors que l’on s’attendait, après que la Cour des Comptes a déclaré insincère le dernier budget de François Hollande, qu’il y ait un grand changement ! Et rien, c’est très surprenant.
L’Opinion : Surprenant ?
Jean-Marc Daniel : Oui, parce qu’au départ, nous avions un scénario idéal. Ce qui me rassurait, c’est qu’Emmanuel Macron, à l’aune de l’Histoire, avait à se faire pardonner sa traîtrise et donc devait réussir, mais aussi qu’il devait faire la preuve que certains de ses échecs ou insatisfactions pouvaient être corrigés par un parcours présidentiel. Il a été recalé à l’Ecole normale, un échec qu’il ne digère pas, et décrit son passage chez Rothschild comme inintéressant. « Son amour-propre et son amour de soi » comme dirait Rousseau le poussaient à réussir. Il avait un discours cohérent. Le ministre Macron était assez novateur, il devrait appeler plus souvent le Président Macron ! Lors de son discours de politique générale, Edouard Philippe explique que la dépense publique est une addiction, c’est la bonne expression car elle ne guérit pas la maladie qu’elle est censée soigner. Or rien n’est fait dans ce domaine, Emmanuel Macron n’est pas là où on l’attendait. Résultat, en mai 2018, on le retrouve Aix-la-Chapelle où il dit qu’il « faut dépasser le fétichisme des excédents budgétaire et commerciaux ». C’est fini. Il ne lui reste plus qu’un autre combat, celui contre la Hongrie de Viktor Orban et l’Italie de Matteo Salvini. Mais il s’agit d’un combat artificiel. Aujourd’hui, il n’a aucun bilan européen.
L’Opinion : Ne lui faites-vous donc crédit de rien ?
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