“Une acclimatation progressive à l’eugénisme”

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Entretien avec Blanche Streb

Docteur en pharmacie, directrice de la formation et de la recherche pour Alliance Vita, Blanche Streb s’intéresse aux questions bioéthiques depuis de nombreuses années. Aussi, lorsqu’elle a vu se profiler les dérives folles de la science et des techniques de procréation, a-t-elle senti l’urgence d’écrire sur le sujet. Et c’est ainsi qu’a été publié Bébés sur mesure. Le monde des meilleurs, aux éditions Artège, en avril dernier. C’est un plaidoyer vibrant en faveur de la vie et un hommage rendu à la beauté de notre nature, tout imparfaite qu’elle soit. Un ouvrage lumineux. Et terrifiant. On ne pourra plus dire que l’on ne savait pas.

— Pourquoi ce livre, pourquoi maintenant ?

— J’ai eu plusieurs déclics qui ont préparé l’écriture de ce livre. L’émergence de techniques visant à modifier le génome a été un véritable électrochoc pour moi : j’ai tout de suite compris ce que cela impliquait. A l’époque peu de personnes s’intéressaient à ces sujets et cela n’a pas soulevé beaucoup de réactions malheureusement. Le deuxième électrochoc a été la naissance du premier bébé génétiquement modifié, issu d’une « FIV à 3 parents ».

J’avais ce livre dans le cœur depuis un bon moment. Aussi quand en fin d’année dernière l’éditeur m’a proposé d’écrire un livre je me suis dit que c’était le moment. Il fallait le sortir au mois d’avril au moment des états généraux car j’ai voulu ce livre comme un outil de formation. Il est essentiel que l’on se forme sur ces sujets car cela concerne tout le monde.

— Ces techniques que vous décrivez, et notamment la modification du génome humain, sont-elles la dernière marche dans le processus de déshumanisation de l’homme ?

— Nous nous laissons aveugler par la technique. Tout n’est pas issu de mauvaises intentions, loin de là, et c’est justement ce qui est pernicieux. Ceux qui se trouvent dans un délire scientiste ou transhumaniste ne sont finalement pas si nombreux que cela. Mais il s’opère une sorte d’aveuglement tranquille : des changements majeurs sont en train de s’opérer sans que l’on ne s’en rende vraiment compte. C’est une acclimatation progressive à l’eugénisme. Les parents n’ont pas forcément le désir d’avoir un enfant parfait mais ils sont quand même entraînés dans cette sélection lorsqu’ils engagent une procédure de PMA. Cela finit par avoir un impact et contribue à changer les mentalités. Et peu à peu le marché et la technique s’imposent. Et comme notre regard éthique et le regard que l’on pose sur l’homme ne sont plus ajustés, cette mentalité s’insinue tranquillement et doucement dans nos vies, ce qui est très préoccupant.

— Pouvait-on prévoir toutes ces dérives dès la légalisation de l’avortement qui introduit l’idée que certaines vies valent d’être vécues et d’autres non ?

— Certains le pensaient certainement. Ce qui est sûr c’est que certains ont vu les conséquences assez vite. Le combat pour l’avortement est nourri d’un vrai aveuglement sur ses conséquences. On nie la souffrance des femmes qui l’ont subi et la souffrance de l’enfant qui est tué. C’est une forme d’obscurantisme puisque c’est un refus de regarder le réel en face. Mais à partir du moment où l’on considère que l’on peut supprimer une vie, que l’on a un bébé quand on veut, si on veut, on est dans la logique de ce qui se passe actuellement.

— Pourquoi cette fuite en avant vers toujours plus de technique, au détriment du respect de l’intégrité humaine ?

— Nous sommes en train de perdre de vue ce qui est bon pour l’homme, sous prétexte de suivre le progrès. Nous sommes à une époque où l’on pense que l’homme doit tout maîtriser. Il y a un aveuglement autour de ce code génétique qui est mis en avant, posé sur un piédestal, qui serait la solution à tous les problèmes. Ce code est une découverte magnifique, un élément extraordinaire dont on pourrait se servir pour guérir des maladies. Mais s’il sert à éliminer des embryons nous arrivons à une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir. On en vient à décider pour quelqu’un d’autre si sa vie vaut la peine d’être vécue. Toutes les limites sautent : c’est la loi du plus fort qui se réinstaure.

J’avais à cœur d’expliquer ce qui est en train de se passer, pour montrer jusqu’où cela peut aller. Pas pour dire que cela arrivera inéluctablement. J’espère que le bon sens humain sera le plus fort. Collectivement il faut se donner des limites. Il est essentiel que nous nous reposions les bonnes questions.

— Quelles répercussions toutes ces techniques ont-elles sur l’homme, et notamment les enfants qu’elles contribuent à concevoir ?

— En ce qui concerne la congélation d’embryons il n’y a, apparemment, aucun impact biologique. On se pose, par contre, plus de questions concernant le don d’ovocytes : il y aurait plus de problèmes d’éclampsie. Mais ce sont juste des signaux, puisqu’il n’y a pas d’études menées. On peut également se poser des questions concernant la technique de la FIV ICSI qui consiste à injecter un spermatozoïde dans un ovule. Le spermatozoïde est choisi de façon arbitraire, on force une ovulation. On ne sait pas ce que cela peut donner.

Enfin psychologiquement des pédopsychiatres ont détecté chez des enfants issus d’une PMA ce qu’ils ont appelé le “syndrome du survivant”. Un enfant qui vient au monde après parfois plusieurs échecs de FIV et des années de souffrance pour ses parents peut être marqué psychologiquement. Marqué par ce qu’il a senti in utero mais aussi par le regard que ses parents portent sur lui : il est un enfant miracle, celui qui a survécu à l’implantation.

La manière dont on est conçu, enfin, compte dans notre vie puisqu’elle en est la première page. Naître de la rencontre charnelle de deux personnes ou sur la paillasse d’un laboratoire n’est pas anodin.

— Que peut-on faire ?

— Nous vivons dans un pays relativiste, où les repères ont été perdus. Il faut accepter de regarder les problèmes en face, de se renseigner sur ces sujets et surtout de se former. Oui, nous avons notre mot à dire, nous sommes tous concernés. La bioéthique n’est pas un sujet annexe, elle est, au contraire, au cœur de tout le reste. Le regard que porte notre société sur l’embryon conditionne le regard qu’elle porte sur les autres. Il faut encourager le législateur, écrire ou téléphoner à son député. Ce sont des actions concrètes qui peuvent faire avancer les choses.

  • Bébés sur mesure. Le monde des meilleurs, par Blanche Streb, aux éditions Artège.

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2 commentaires

  1. Posté par fabiola le

    Merci pour l’article, c’est trop tard mais effectivement on ne pourra plus dire qu’on ne savait pas.
    Claire séverac (parmi tant d’autres qui ont passé des décennies à chercher le pourquoi du comment) et écrit 3 livres disait :
    -Quand on regarde où va l’argent de la recherche (je parle de la vraie recherche), il n’y en a pas. L’argent va à la manipulation génétique, à l’utérus artificiel, bref tout ce qui va sortir du ventre d’une mère et qui va faire qu’on va fabriquer des enfants dans des utérus artificiels. L’argent va aussi dans la recherche du transhumanisme. gogole a acheté tout ce qui concerne la manipulation génétique et le transhumanisme. Le rêve de ces gens-là est que les humains aient un ordinateur qui télécharge le cerveau et vice-versa. Ils pensent que c’est le progrès de l’humanité; que les hommes ne soient plus des humains.
    -Des documents déclassifiés internes à la Nasa existent où il est écrit sur des tableaux depuis l’origine de l’humanité : l’homme vit de la cueillette, ensuite par l’agriculture sédentaire, ensuite par l’industrie, jusqu’en 2020 nous sommes dans l’air des nano technologies et bio technologies, après 2025 il y a marqué virtuel. Dans un autre document, il est écrit post humain, et dans certains documents ils nous appellent les mangeurs inutiles. Voilà la génération qu’on prépare à nos enfants. Les zélites vont fabriquer les esclaves obéissants dont ils ont besoin avec leurs technologies, des zombies.
    -John Edgar Hoover qui était le patron du F.B.I. durant 48 ans, disait que l’individu est handicapé en se retrouvant face à une conspiration si monstrueuse qu’il ne peut croire qu’elle existe.

  2. Posté par Françoise le

    On nie la souffrance des femmes qui ont subi l’avortement. FAUX. Les études menées de manière neutre (donc pas par des bigots) démontrent que les femmes qui ont avorté se portent très bien (et toutes celles que je connais dans cette situation ont l’air très épanouies et heureuses d’avoir avorté). Par contre, les femmes qui ont eu10 enfants, dont la moitié n’était pas désirée, souffrent beaucoup (et j’en ai aussi connus (des femmes nées à l’époque où n’existait aucune contraception)). De plus, si je doute que les embryons avortés (et non pas l’enfant !) souffrent, je connais par contre des enfants non désirés qui en ont souffert toute leur vie.

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