La Suisse doit retrouver sa neutralité intégrale
« Mieux vaut négocier cent heures pour rien que tirer une seconde »
Helmut Schmidt, ancien chancelier allemand
Alors que le monde devient de plus en plus instable, il est nécessaire pour la Suisse de reconsidérer son rôle et sa place sur la scène internationale. Un retour à la neutralité intégrale est vital !
C’est la politique étrangère qui a formé la Suisse. L’alliance entre les Waldstätten était un pacte défensif entre trois communautés qui aspiraient à une forme d’indépendance. Au fil des siècles, s’est développé une forme de politique étrangère plus ou moins commune avec notamment le renoncement à l’expansion suite à la défaite de Marignan en 1515, puis le défensional de Wil. En 1815, après l’occupation française, la neutralité perpétuelle et armée de la Suisse est reconnue au Congrès de Vienne. Cette reconnaissance internationale de la neutralité Suisse pérennise une maxime qui était pratiquée depuis trois siècles par l’ancienne Confédération.
La neutralité permanente est un principe de la politique étrangère de la Suisse. Elle constitue un élément générateur de paix et de sécurité en Europe et au-delà. Elle garantit l’indépendance du pays et l’inviolabilité de son territoire. En vertu du droit de la neutralité, la Suisse ne peut participer à une guerre opposant d’autres États. (1)
Le droit de la neutralité, qui a été codifié dans les Conventions de La Haye du 18 octobre 1907 et fait partie du droit international coutumier, définit les droits et les obligations d’un État neutre. Le plus important de ces droits est celui à l’inviolabilité du territoire de l’État neutre. Les obligations principales, quant à elles, sont les suivantes:
- s’abstenir de participer à la guerre
- assurer sa propre défense
- garantir l’égalité de traitement des belligérants pour l’exportation de matériel de guerre
- s’abstenir de fournir des mercenaires aux belligérants
- s’abstenir de mettre son territoire à disposition des belligérants (1)
La neutralité a permis à la Suisse de vivre deux siècles sans connaître la guerre sur son sol.
La neutralité suisse est perpétuelle. C’est-à-dire qu'elle est valable en temps de paix et en temps de guerre. Elle est armée, car un Etat neutre ne peut compter que sur lui-même pour assurer sa défense, toute alliance militaire (même défensive) étant contraire à la neutralité. Par périodes, elle était intégrale, c’est-à-dire qu’elle englobait tous les aspects de la politique étrangère et économique. L’intégralité de la neutralité a été abandonnée lors de l’adhésion de la Suisse à la SDN en 1920 puis reprise en 1938 jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Elle a une fonction d’intégration (assurer la cohésion interne du pays), d’indépendance (assurer l'indépendance de la politique étrangère et de sécurité suisse et la liberté du commerce), d’équilibre (contribution à la stabilité sur le continent européen) et de bons offices (toutes sortes d'activités visant à aplanir les conflits internationaux). (2)
Lors de la guerre froide, la Suisse a su préserver sa neutralité qui est devenue un facteur d’identité majeur pour le pays. La Suisse est devenue un acteur important sur la scène diplomatique internationale. Les bons offices que la Suisse a pu proposer à de nombreux Etats en guerre ou les facilités de rencontre entre dirigeants des deux blocs restent l’illustration de l’apport de la Suisse neutre à la stabilité internationale. La Neutralité en tant que maxime de la politique étrangère est donc profitable autant à la Suisse qu’au reste du monde.
Fin de la neutralité
Avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement du bloc communiste, la neutralité est remise en question par une certaine élite internationaliste en Suisse. Soutenue massivement par la population, la neutralité est perçue par nombre de politiciens, de journalistes et de militaires comme une vieillerie inutile pour affronter le XXIème siècle. Il n’est donc pas surprenant que cette élite choisit d’éviter tout vote populaire cherchant à abolir la neutralité. L’adhésion de la Suisse au Partenariat pour la paix (PpP), un programme de l’OTAN dont l’objectif est d’amener des Etats non-membres à coopérer avec l’alliance (et idéalement pousser ces Etats à devenir membre de l’OTAN) n’a pas fait l'objet d’un vote populaire.
Le 12 avril 2017, le magazine Bilan analyse ce fait comme suit : « Dans notre pays qui se veut le roi de la démocratie directe, le peuple a-t-il une seule fois exprimé le souhait de renoncer à sa légendaire neutralité? Non. Jamais. Au contraire, le 12 juin 1994, la population refusait encore la fourniture d’un contingent suisse de casques bleus. C’est dans ce contexte que le conseiller fédéral Flavio Cotti se rendit le 11 décembre 1996 au siège de l’OTAN à Bruxelles pour signer un accord bilatéral d’adhésion au PpP, avec bien entendu le soutien de ses collègues du Conseil fédéral. Le comble du scandale, c’est que le Conseil national lui-même s’est laissé «enfumer» en rejetant la proposition de soumettre l’entrée dans le PpP au référendum facultatif. Ce dernier a naïvement cru que cette décision n’était qu’une banale décision de politique étrangère, sans conséquence majeure, et donc, ne relevant que du seul Conseil fédéral. » (3)
Les années 1990 sont marqués par les guerres en Ex-Yougoslavie. La Suisse, sans aucune base légale, envoie des troupes dans la région en crise dès la fin des années 1990. Ce ne sera qu’en 2001 que le peuple acceptera une loi permettant d’une part l’armement de soldats suisses à l’étranger et d’autre part la présence de soldats étrangers « partenaires » sur son territoire. Les ennemis de la neutralité ont gagné. Ce dimanche 10 juin 2001, la neutralité suisse a disparue et personne ne s’en rendit compte.
Il est vrai que, officiellement, la neutralité de la Suisse est toujours la maxime de sa politique étrangère. Mais elle n’est plus du tout crédible. Le partenariat avec l’OTAN n’est pas compatible avec la neutralité, encore moins depuis que des soldats suisses participent à des missions de l’Alliance (swisscoy au Kosovo). La Suisse n’est plus un acteur indépendant sur la scène internationale. La politique étrangère de la Suisse depuis la fin de la guerre froide s’est de plus en plus distanciée de la neutralité. Sous la dénomination de « neutralité active », la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a pratiqué un activisme international sans précédent dans l’Histoire Suisse. Berne s’est empressé de reconnaître le Kosovo comme Etat alors qu’elle refuse de reconnaître le retour de la Crimée à la Russie. Cette politique des deux poids deux mesures au service de l’OTAN ne fait que démontrer l’alignement de la politique étrangère de notre pays sur les intérêts des anglo-saxons.
Nouvelle donne géostratégique
Le monde a changé depuis la chute du mur de Berlin. Les illusions d’un monde sans crises, de stabilité et de croissance perpétuelle se sont effondrées. Le monde unipolaire, dirigé par Washington n’est pas une réalité. Au contraire : la première puissance mondiale est incapable de gagner une guerre (comme l’ont démontré les aventures militaires en Afghanistan et en Irak). Parallèlement, la Russie est redevenue une puissance internationale et la Chine défie les Etats-Unis dans le Pacifique. Le monde est devenu multipolaire. Les intérêts des grands acteurs sont redevenus une source de conflits. L’affrontement en Syrie en est le meilleur exemple. Ce n’est pas une exagération que de dire que le monde a plus d’une fois frôlé la catastrophe depuis le début de la guerre au Levant. Et c’est inquiétant de devoir affirmer que la survie de l’humanité est due au fait que le dirigeant installé au Kremlin sait garder la tête froide face aux provocations venues de Washington, Londres et Paris.
Quelle est l’attitude de la Suisse dans cette situation ?
La Suisse est prise au piège. Partenaire de l’OTAN, elle soutient les sanctions à l’encontre de la Russie « pour que Moscou ne puisse les contourner » comme l’a affirmé Berne pour justifier sa décision. Les sanctions économiques sont pourtant assimilables à un acte de guerre! Suite à la dernière attaque des Occidentaux contre la Syrie, les Conseillers fédéraux Cassis et Parmelin ont appelé les belligérants à la prudence et demandé d’attendre les résultats des analyses des spécialistes de l’ONU avant de lancer des attaques. Cela ne ressemble pas vraiment à une condamnation d’une attaque illégale contre un Etat souverain.
Il faut se rendre à l’évidence : Le monde est en danger. La situation peut dégénérer d’un moment à l’autre. Un affrontement entre l’occident et la Russie est à nouveau envisageable. Nombre d’experts internationaux jugent que la situation est plus dangereuses aujourd’hui que lors des pires moments de tension pendant la guerre froide.
La Suisse ne peut pas changer cet Etat de fait. Mais une chose est certaine : en tant que partenaire de l’OTAN elle participe au problème et non à la solution. Ce n’est qu’en retrouvant une politique de neutralité intégrale qu’elle peut participer à un apaisement des tensions et à renforcer sa propre sécurité. La Suisse doit retrouver sa propre voie dans la politique étrangère. Elle doit à nouveau devenir un îlot de paix et de stabilité offrant des bons offices au monde, permettant un réel dialogue entre belligérants. La Suisse doit impérativement quitter le PpP, se distancier de la politique belliqueuse de l’OTAN et retrouver sa neutralité ! Il en va de son avenir !
Albert Leimgruber
17.04.2018
1) admin.ch
2) Riklin, Alois: fonctions de la neutralité suisse, dans Passé pluriel. En hommage au professeur Roland Ruffieux, Fribourg, Editions universitaires, 1991, pages. 361-39.
3)Serge Guertchakoff« La Suisse n’est plus un pays neutre » Bilan du 12.04.2017.
Vous voulez connaître l’opinion de l’OTAN sur la neutralité?
https://www.nato.int/docu/review/2013/Partnerships-NATO-2013/NATOs-neutral-European-partners/FR/index.htm
Les partenaires européens “neutres” de l’OTAN : contributeurs utiles ou passagers clandestins?
“Tout au long de la Guerre froide, ces cinq pays, bien que demeurant attachés aux valeurs politiques et aux systèmes économiques occidentaux, ont estimé que la neutralité était davantage compatible avec leur histoire et avec leurs intérêts de l’époque.”
“En Suisse et en Suède, la neutralité avait des racines particulièrement profondes. Ces pays ont jugé que le statut officiel de neutralité militaire servirait leurs intérêts durant la Guerre froide de la même manière qu’auparavant.”
“
Excellent texte de Mr Leimgruber. Merci.
Nous devons nous réapproprier notre Neutralité. Elle fait partie de nos gènes politiques et constitue un des fondements de notre nation. Nous ne devons plus laisser déconstruire notre Histoire, notre Neutralité est intrinsèquement liée à notre démocratie directe. Elle consiste à dire qu’aucun de nos dirigeants (CF ou parlement) n’a le droit de nous impliquer sans notre avis dans une question de politique étrangère.
La Neutralité est la marque de notre indépendance et de notre liberté en tant que peuple, elle est la garantie que nous ne pouvons pas être impliqué dans un conflit ou une question politique contre notre gré.
A ce titre la Neutralité est pour la citoyenne et le citoyen suisse un droit fondamental intangible qui ne devrait pas pouvoir être violé.
Après la violation de notre constitution en décembre 2016, la confiscation de nos votes par le parlement et le CF, il nous faut revendiquer plus que jamais notre neutralité comme un droit fondamental intouchable et inviolable.
Notre neutralité ne figure que de manière indirecte dans notre constitution, comme une tâche de sécurité extérieure que doit assurer l’assemblée fédérale et le CF ( articles 173 1 a et 185 1 Cst. féd.) elle devrait figurer dans le chapitre de nos droits fondamentaux (dès article 7) comme un droit à part entière, par la mise dans notre constitution d’un nouvel article. Ex. “Article X (nouveau) Neutralité. La neutralité de la Confédération et de l’Etat est garantie aux citoyens de la Suisse”.
Après la confiscation de nos votes en décembre, inscrire dans notre constitution que la neutralité est un de nos droits fondamentaux est désormais plus que jamais une nécessité.
P.S. L’excellent logo du t-shirt devrait être repris en auto-collants et drapeaux avec Neutral Droit fondamental.
Absolument d’accord.
Un Suisse sensé, patriotique et fidèle à notre neutralité historique ne peut que désirer sortir de l’ONU (manipulée par 57 pays musulmans!), comme l’avait proposé l’ancien Conseiller fédéral Christoph Blocher, et que l’ONU soit dissoute.
Pour une Suisse indépendante et neutre!
Entièrement d’accord avec cet excellent état des lieux!
Merci Monsieur Leimgruber, vous avez raison, la Suisse doit retrouver sa neutralité ! Tout à fait d’accord avec AngePure et Maurice, je rajouterai qu’en plus la Suisse reçoit les ordres de Bruxelles.
Merci Monsieur Leimgruber pour votre analyse! C’est toujours un plaisir de vous lire!
Ruth Troispieds a créé la ruineuse et obligatoire Lamal, Calamity-Rey a jeté la neutralité aux orties (tout en versant des pots de vins à Clinton la corrompue) , Widmer-Strumpf a fait cadeau du secret bancaire aux concurrents, Doris Latarte coule la production énergétique suisse et donc l’indépendance du pays en la matière (entre autres co…ries) et, last but not the least, la pianiste incontinente favorise l’invasion de la Suisse par le tiers-monde, musulman, inculte et violent de préférence. Conclusion : autocensure !
Grand merci à Albert Leimgruber d’avoir fait ce beau travail de recenser tous les cas où la Suisse n’est plus neutre depuis la fin du XXe siècle. Cela permet d’y piocher pour contrer ceux qui croient encore que la Suisse est neutre, alors qu’elle ne l’est plus, et ne peut plus l’être, car elle est déjà ligotée dans des lois étrangères et internationales, et dans des accords militaires comme avec l’OTAN et l’ONU.
Pardon mais le logo du tee shirt est intéressant….voilà une bonne idée!