Le 4 mars, pendant que le peuple suisse exprimait dans les urnes son amour pour la redevance obligatoire, l'Italie votait elle aussi, pour des élections législatives, et les résultats confirment le changement en train d'avoir lieu à l'échelle de l'Europe.
L'Italie ingouvernable, bientôt infréquentable
Les journalistes n'en finissaient pas d'ironiser sur le énième retour politique de leur bête noire, Silvio Berlusconi, oubliant le reste. Les résultats sont sous toit: la coalition de droite entre la Ligue de Matteo Salvini, Forza Italia de Silvio Berlusconi et Fratelli d’Italia, arrive en tête avec 37% des suffrages, suivie du Mouvement Cinq Étoiles avec 32,6% des voix.
Bien entendu, plusieurs leaders politiques proclament la victoire. Le Mouvement Cinq Étoiles revendique le droit de gouverner, ayant réuni le plus de voix sur son seul nom. En face, un accord de coalition lie la Ligue et Forza Italia ; selon cet accord, le prochain chef de gouvernement doit revenir au parti arrivé en tête, et cela pourrait donc être Matteo Salvini.
Aucun bloc ne pouvant obtenir seul une majorité stable, des tractations auront lieu pendant de longs mois pour parvenir à établir une majorité - ou échouer, provoquant de nouvelles élections. Mais pour les élites, il y a un autre problème, autrement plus urgent.
Le gouvernement de Matteo Renzi sort lessivé de ces élections. Crédité d'un score de 40% aux élections européennes de 2014, son Parti Démocrate tombe à 19% des voix - moins de la moitié de son influence précédente. Peu empressé de livrer un combat difficile pour remonter la pente, le "brillant technocrate" Renzi a jeté l'éponge. Il a d'ores et déjà prévu de quitter l'exécutif et de se contenter désormais d'un siège de sénateur. Il ne participera pas à la formation d'un nouveau gouvernement. "Le peuple italien nous a demandé d’être dans l’opposition et c’est là que nous irons. Nous ne formerons jamais un gouvernement avec des forces antisystème", explique-t-il. Car il n'a pas d'autre choix.
Tant le M5S que la Ligue appartiennent à cette catégorie fourre-tout - populiste, démagogique, antisystème et tutti quanti. Même si l'affrontement entre ces deux mouvements doit durer, l'un ou l'autre finira fatalement par l'emporter.
Cela signifie qu'à terme, l'Italie sera gouvernée par un parti populiste. Aujourd'hui, on ne sait juste pas lequel.
La vague
En Italie, plus de 50% des votes exprimés ont été captés par un parti présenté comme populiste, mais l'Italie est loin de faire cavalier seul. Suivant le Brexit au Royaume-Uni et l'élection de Donald Trump aux USA, les électeurs semblent être de moins en moins dociles face aux directives aimablement transmises par la classe politico-médiatique.
La Grèce, la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Serbie ou la Bulgarie sont actuellement gouvernées par des partis dits populistes. La Norvège, la Suisse, l'Autriche ou la Lituanie sont gouvernées par des coalitions politiques comprenant des partis dits populistes.
Même les autres pays ne sont pas épargnés. En France, Marine Le Pen arriva le plus confortablement du monde au second tour de l'élection présidentielle, comme si cela relevait de l'ordre des choses, alors que la présence de son père dans la même situation quinze ans plus tôt était présentée comme une sorte de traumatisme national. Même si elle échoua, la volonté de renouveau de la population française était indiscutable ; l'élection présidentielle et les élections législatives qui suivirent octroyèrent les pleins pouvoirs à un individu parfaitement inconnu du grand public cinq ans plus tôt. Les Socialistes et les Républicains, les deux pôles qui dominaient la vie politique française depuis un demi-siècle, sortirent laminés de l'épreuve.
En Allemagne, la CDU/CSU de Merkel arriva péniblement en tête lors des dernières élections, qui virent le parti "populiste" AfD faire une percée. La situation est telle que seule une alliance entre la gauche et la droite traditionnelles semble en mesure de permettre à la Chancelière d'exercer un dernier mandat.
En 2000 en Europe, les partis dits populistes réunissaient 8,5% des votes en moyenne ; en 2017 - donc sans tenir compte des élections depuis le début de l'année - ils réunissent 24,1%.
Difficile de ne pas y voir un changement profond dans la façon de faire de la politique sur le Vieux Continent.
Quand les mots-clés ne fonctionnent plus
"Avez-vous peur du populisme?" demandent les journalistes, tentant d'instiller leurs fantasmes dans la population. Le rêve des médias est d'installer la peur sur demande - un réflexe pavlovien qui permettrait de guider les consciences dans le bon sens, tuant la réflexion par des réactions ataviques. Untel est "méchant", untel autre est "dangereux", ayez peur, ayez très peur! Et ensuite votez pour X ou Y, des bons candidats, des candidats rassurants, doués, ouverts, progressistes, dans l'air du temps.
Malheureusement, la population n'est plus dupe de ces manœuvres, ou plutôt, elle y a été tellement exposée que, de guerre lasse, elle y est devenue insensible. Peu de termes sont aussi galvaudés que le populisme, par exemple, ou avant lui le fascisme, le nationalisme ou, condamnation tous azimuts par excellence, "l'extrémisme" - chacun de ces termes étant fourni au grand public en prêt-à-penser, sans la moindre démonstration.
Les réflexes conditionnés se retrouvent aussi dans les médias, amenant à des situations absurdes. Ainsi les journalistes n'hésitent pas à comparer Matteo Salvini à Mussolini (nous sommes en Italie, ça nous change de Hitler) et donc au fascisme, alors que M. Salvini prônait encore il y a peu un maximum d'autonomie pour le Nord de l'Italie, comme le fondateur de son parti Umberto Bossi.
Présenter une posture régionaliste comme le symbole d'un attachement à un État fort, il fallait oser, les éditorialistes l'ont fait!
Dessine-moi un populiste
Les anathèmes lancés au nom du populisme sont absurdes, en particulier dans des régimes démocratiques. Toutes les formations politiques doivent convaincre le plus grand nombre pour accéder au pouvoir, et cette séduction - que certains qualifient de populisme seulement pour mieux la dénigrer - manque souvent de finesse. Les écologistes chantent la nostalgie d'une nature perdue alors que l'air et l'eau sont plus propres qu'il y a cinquante ans. Les socialistes attisent la haine du riche, simplement parce que la jalousie et la convoitise sont de puissants moteurs de la passion humaine. Et ainsi de suite. Mais, comme de bien entendu, seuls les autres sont populistes.
À la base, le populisme n'est rien d'autre qu'un terme péjoratif employé au lieu de "populaire", pour discréditer d'emblée toute demande émanant du peuple. Cela permet de n'attacher aucune attention à ces revendications : il ne s'agit là que de "bruits", de "remugles", émanant du tréfonds des caniveaux et des égouts. Hélas, ces bruits émanent moins de la rue que de gens "jetés à la rue", une population qui n'en peut plus de vivre dans la crasse, l'impolitesse, la précarité, l'insécurité et le vandalisme, tout en endurant le mépris des puissants et le bon accueil réservé à de nouveaux arrivants d'autant plus choyés qu'ils sont paresseux et revendicatifs.
Quitte à admettre que le populisme corresponde à une certaine idéologie politique, on peut en tracer un vague contour, comme tentent de le faire certains politologues. Les mouvements populistes se démarqueraient donc de partis habituels par:
- une remise en question de la classe politique traditionnelle ;
- une opposition contre les institutions financières, en particulier les instances financières internationales ;
- un rejet de l'immigration de masse et la volonté de retrouver des frontières ;
- la volonté de rendre à la politique nationale son pouvoir de décision face à des élites supranationales technocratiques, irresponsables et non élues.
On peut discuter longuement de ces thèmes, qui sont d'ailleurs rarement réunis au sein d'un seul parti ; mais rien de tout cela n'est véritablement effrayant, sauf pour ceux qui ne tolèrent pas la moindre remise en question du statu-quo. L'évolution est d'ailleurs remarquable entre les partis "anti-austérité" (M5S en Italie, Front de Gauche en France, Syriza en Grèce) qui eurent le vent en poupe lors de la crise de la dette publique commencée il y a dix ans, tandis qu'aujourd'hui le populisme se décline davantage dans une posture souverainiste et opposée à l'immigration illégale et déferlante qui a court en Europe depuis la brillante stratégie immigrationniste de Mme Merkel en 2015.
Les populistes ne seraient pas "crédibles", mais leurs adversaires le sont-ils?
Les anti-populistes ont longtemps considéré les populistes comme des trublions nuisibles mais sans conséquences. Ils les pensaient à jamais éloignés du pouvoir grâce au discours méprisant tenu à leur encontre, et par des stratégies d'alliance garantissant le succès de la caste politique traditionnelle.
L'ancienne division gauche-droite s'est peu à peu muée en nouvelle répartition des forces, les "populistes" d'un côté et "l'oligarchie" de l'autre. En France, le dernier bulletin de vote du premier tour de l'élection présidentielle venait à peine d'être dépouillé que déjà les vaincus hurlaient ensemble leur amour pour Macron. En Allemagne, le SPD et la CSU s'accordent péniblement à mettre en place une nouvelle "GroKo" que chacun avait juré, la main sur le cœur, de ne plus jamais reconduire. L'amour du pouvoir l'emporte visiblement sur les convictions.
Il s'agit sans doute du principal grief formulé à l'encontre des partis traditionnels. L'affairisme se conjugue au mépris de la démocratie, et les seules voix qui méritent d'être entendues sont celles qui viennent de castes encore supérieures, Union Européenne, ONU ou milliardaires engagés.
Le populisme inquiète les élites, mais depuis quarante ans l'immigration incontrôlée, le terrorisme intellectuel des bien-pensants, le sabotage systématique de valeurs traditionnelles ou l'aveuglement face à l'islam conquérant sont directement de leur fait, et nourrissent le populisme. Pour lutter contre lui, toutes les options sont sur la table hormis, apparemment, la moindre remise en question.
Les populistes ne sont pas exempts de critiques, bien entendu. Leurs objectifs peuvent être complètement utopiques, ils n'ont pas l'expérience de la politique, et certains sont aussi opportunistes et cyniques que ceux qu'ils combattent. Mais de quelles excuses les oligarques peuvent-ils se prévaloir de leur côté? Ils maîtrisent les moindres rouages du système, disposent de tous les leviers du pouvoir, prétendent agir de façon intelligente et responsable... Et passent leur temps à prendre des décisions ubuesques sur des sujets parfaitement secondaires, de Uber à la durée de vie des téléphones portables. Apparemment tout est plus important que les hordes de migrants qui errent dans les centres-villes de toute l'Europe.
Le futur sera populiste ou ne sera pas... Démocratique
Ce n'est pas la montée des populismes qui est inquiétante, mais le silence des élites, des bien-pensants, des politiques, de la médiasphère moraliste. Tous refusent d'entendre ce que disent les peuples, parce que ce que les peuples disent leur déplaît.
Tout cela ne peut pas bien se terminer.
"Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple" ironisait Bertolt Brecht, mais ces paroles semblent avoir été prises au pied de la lettre par toutes les élites du continent depuis la déferlante migratoire de 2015.
De fantasme délirant, le Grand Remplacement est devenu un programme politique appliqué avec assiduité et plaidé ouvertement par les plus hauts responsables politique, comme le dernier Président de l'Assemblée générale des Nations unies António Guterres.
C'est une stratégie nouvelle pour lutter contre une opinion contraire: plutôt que de l'interdire ou de lui opposer des arguments convaincants, on la dissout.
La Suisse, monument à la gloire de l'immobilisme, suit le mouvement mais avec sa proverbiale lenteur. Le décalage de la population locale est donc de plus en plus grand avec les pays limitrophes. Les Italiens de Suisse - qui ont naturellement voté en masse pour le gauchiste Matteo Renzi, comme d'habitude - ne comprennent plus ce qui se passe dans la péninsule. Mais c'est parce qu'ils n'y vivent plus.
La procrastination, l'incompétence et la paresse de la classe politique sont des luxes que la plupart des pays européens ne peuvent plus se permettre. Leur population déboussolée ne sait plus à quel saint se vouer, mais cherche la rupture plus que l'alternance. Le populisme devient le baromètre d'une situation où l'urgence l'emporte de plus en plus crûment sur les délires utopistes. Aux partis politiques de le comprendre et de s'adapter avec des propositions concrètes, ou de disparaître.
Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 9 mars 2018
EXCELLENT ARTICLE.
EN FAIT nos “zélites journalistiques en service commandé ” veulent nous démontrer que LE POPULISME N’ENGENDRE QUE LE FASCISME. Mon Dieu, Mon Dieu, Mon Dieu, alors que ce sont eux qui ont mis le pied dans un fascisme “soft pour l’instant” mais qui ne demande qu’à se métamorphoser en fascisme monstrueux. Ca vient, ça vient, ça vient lentement, mais pas sûrement, car les peuples s’éveillent.
Socrate: eh bien, peut-être pas l’Autriche alors. Nous verrons. Je n’ai pas le détail du contexte de la (regrettable) décision que vous donnez en lien, mais notez que l’Autriche est dirigée par une coalition ; et être membre d’une coalition, c’est accéder au pouvoir en renonçant à certains points de son programme. Il est tout à fait possible, et même vraisemblable, que les Conservateurs aient exigé ce genre de garanties.
Maintenant, si cela déplait aux Autrichiens, ils n’ont qu’à voter de façon à éviter une coalition au pouvoir. Dans tous les cas, bonne chance à eux comme à tous les autres.
@Stéphane Montabert le 10 mars 2018 à 16h10
“@Daniel: ne croyez pas cela. Il y a des pays – …l’Autriche…– qui refusent le destin tracé pour elles par les dirigeants de l’Europe”
Ah oui?! Et vous pensez que l’ue laissera les moyens de leurs ambitions aux peuples membres de son Klu_b?
https://www.zeit-fragen.ch/fr/numbers/2018/3083/new-referendum-on-direct-democracy-started-government-to-remember-election-promises.html
Le peuple souverain de Suisse doit lutter pour sa souveraineté et contre le supranationalisme de l’UE et autres.
CE TERME “POPULISME” commence à m’échauffer “les oreilles”.
J’aimerais qu’on me parle du “mécontentement populaire,
qu’on me parle des partis “de soutien populaire”.
CE TERME POPULISME a été inventé et utilisé pour affaiblir, voir mépriser la réaction des peuples.
@Daniel: ne croyez pas cela. Il y a des pays – la Hongrie, la Pologne, l’Autriche et d’autres – qui refusent le destin tracé pour elles par les dirigeants de l’Europe. Tous les pays d’Europe n’ont pas vocation à devenir des “shitholes” comme Malmö ou Molenbeek. Arrêtez un peu de ne voir que la France ou l’Allemagne comme nous les montrent les médias!
De toute évidence, la trajectoire que vont prendre les différents pays selon leur politique migratoire respective sera très divergente ces prochaines années, avec des conséquences aujourd’hui inimaginables pour certains peuples. Mais je ne crois pas une minute que l’Europe entière tombera comme un seul homme. Certains pays tomberont, mais pas tous.
L’avenir de l’Italie dépend largement des choix électoraux qu’elle fait aujourd’hui.
J’y croirai le jours où les bateaux de l’armée italienne seront au sud de l’Italie en train de repousser les illégaux qui ne viennent pas de pays en guerre, ce qui ne se fera évidemment JAMAIS. Avant cela ce n’est que du blabla politicien et un article sur le sujet ne vaut même pas d’être écrit et encore moins d’être lu. L’Europe c’est fini et il faut se faire une idée de ce que sera le future… se convertir à l’islam ou partir. Basta! Nos politiciens ont déjà fait leur choix c’est une évidence.
En oui, certains populistes sont aussi pourris que les autres, et les peuples le savent, du coup on sent que quelque chose couve et qu’une nouvelle chose en politique va émerger et tout emporter sur son passage !
D’où l’entêtement qui confine à l’autisme des politiciens actuels, tous bords confondus, qui sentent que la fin de leur petit monde est proche !
Mais ça n’est pas encore pour demain, vous verrez qu’en Italie non seulement aucun miglandeur ne sera renvoyé dans son pays mais qu’au contraire l’invasion continuera de plus belle….
Je n’ai toujours pas compris ce problème du “populisme”. Populisme… donc parler au nom du peuple en opposition aux élites dirigeantes. Critiquer les technocrates qui estiment qu’ils sont en droit d’imposer leur contrôle de la société est plus importante que les libertés individuelles devrait être au contraire vu comme la plus naturelle des critiques.
Prétendre que c’est la porte d’entrée du fascisme montre bien qu’ils n’ont rien appris de l’histoire, puisque de part sa définition le populisme devrait être l’opposition aux élites qui veulent prendre le contrôle totalitaire de la société. Lorsque le peuple est en accord avec les élites ce n’est alors plus du populisme, si le fascisme s’en est servi c’est bien pour contrôler et non pour libérer les peuples. En gros, ceux qui utilisent le populisme pour tromper le peuple c’est la gauche (“le capitalisme vous vole!”, “c’est la faute aux riches!”…) et c’est bien eux les fascistes puisque c’est la gauche qui réclame plus de contrôle étatique en opposition de la droite qui réclame plus de libertés.
Bravo Monsieur Montabert pour ce portrait complet de la pression populaire allant à l’encontre de ses élus bien-pensants (ou plutôt juste-pensants) qui se fourvoient dans leurs dogmes éculés.