L’Iran innove avec un nouvel “axe de résistance” anti-israélien

Michel Garroté
Politologue, blogueur

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Michel Garroté  --  Le moins que l'on puisse dire, c'est que les médias francophones sont israélophobes (et souvent judéophobes par la même occasion). Quant à "l'antisionisme" des islamo-gauchistes, il est devenu la version "acceptable" de l'antisémitisme. Quand la presse parle d'Israël, c'est contre Israël. Et lorsque la presse parle des palestiniens, c'est en faveur des palestiniens. Ci-dessous, je publie une étude sur la guerre que l'Iran et ses alliés mènent contre Israël. On peut toujours me rétorquer que c'est une étude réalisée par un Juif Israélien, et, que, de ce fait, elle ne serait pas "neutre". Ce type de réaction me fait toujours sourire. Car elle insinue qu'un Juif Israélien, forcément, serait tendancieux, et, de ce fait, peu crédible, du seul fait qu'il est Juif Israélien.
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Dr. Doron Itzchakov, chercheur associé au Begin Sadat Center for Strategic Studies et à l' Alliance Center for Iranian Studies de l'université de Tel Aviv, écrit notamment : L'infiltration récente de l'espace aérien israélien par un drone iranien et les événements qui ont suivi se sont déroulés dans le contexte d'une transition de l'approche stratégique iranienne: elle est passée de l'intervention par des groupes supplétifs opérant secrètement à l’intervention directe d’un « axe de résistance » anti-israélien.  L'envoi d’un drone iranien dans le ciel israélien et l'escalade qui a suivi, ouvrent une nouvelle phase dans le conflit israélo-iranien, qui a jusqu'à présent été mené par des groupes supplétifs agissant dans le secret. Ce dernier incident introduit une nouvelle dimension dans le combat anti-israélien du régime islamique: la transition de l'implication indirecte à l'implication directe. Ce changement reflète entre autres, le renforcement de la confiance en soi du régime théocratique, un sentiment de réussite dans l'édification de «l'axe de la résistance» au cours des dernières années.
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Un examen de l'évolution de la politique anti-israélienne de la République islamique au cours des quatre dernières décennies illustre aisément l'ampleur du changement. Sur le plan idéologique, cette politique est conforme à la volonté du régime de faire preuve d'une loyauté sans compromis à la vision du monde du père fondateur de la République, l'ayatollah Khomeiny, avec ses aspects antisémites et antisionistes. Sur le plan stratégique, l'hostilité envers Israël donne au régime un puissant levier dans sa lutte pour l'hégémonie régionale et le leadership sur le monde musulman.
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Dans une large mesure, la création du Hezbollah en 1982 peut être considérée comme un signe précurseur de «l'axe de résistance» dirigé par l'Iran, terme inventé par Khomeiny après son plaidoyer en faveur du modèle wilayat al-faqih (gouvernance des docteurs de la foi) radicalement opposé aux normes du monde arabo-sunnite. La création du Hezbollah était une retombée du succès remporté par l'Iran, peu de temps auparavant, en fondant l’organisation Badr, composée de dissidents irakiens, qui combattirent à ses côtés pendant la guerre Iran-Irak (1980-88). La fidélité du Hezbollah à Téhéran était évidente, comme l’attestent une série de déclarations établissant clairement que fonctionner à partir d'ordres islamiques basés sur la wilayat al-faqih de Khomeiny était un des principaux aspects de sa vision du monde.
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Le Hezbollah a focalisé l'attention du public vers la fin 1983 avec une série d'attentats-suicides contre des cibles occidentales et israéliennes au Liban. Mais ses activités anti-israéliennes s'étendaient bien au-delà du pays des Cèdres. En mars 1992, pour se venger de l’élimination de Abbas Musawi un mois plus tôt, le Hezbollah provoqua une explosion dans l’enceinte de l'ambassade d'Israël à Buenos Aires. En juillet 1994, ce groupe lança une attaque terroriste contre le centre communautaire juif (AMIA) de la capitale argentine, qui fit 96 morts et plus de 50 blessés.
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Pour l'Iran, l'invasion de l'Irak par la coalition menée par les États-Unis en mars 2003 ouvrait l’opportunité de promouvoir un axe de la résistance en engageant des milices chiites opérant sous son égide. Peu de temps après l'invasion, Téhéran aida à la fondation de Jaish al-Mahdi (de Muqtada al-Sadr) et les milices Katay'b Hezbollah. Ces deux groupes lancèrent des opérations contre les forces de la coalition en Irak, dirigées par la Force al-Qods du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGR). Un peu plus tard, en 2007, le CGR a créé la milice Asaib Ahl al Haq dirigée par Kais al Khazali. Sept ans plus tard, en juin 2014, après la conquête de la ville de Mossoul par l'État islamique, l'Iran déploya le groupe al-Hashd al-Chaabab, une organisation commune de 40 milices qui opéraient aux côtés de l'armée irakienne pour libérer les territoires occupés [par l’État islamique]. Le procédé consistant à utiliser des groupes opérant par procuration convenait à Téhéran car il lui permettait d'intervenir sur une vaste échelle en Irak sans laisser sa signature dans les combats. Au fil du temps, la présence militaire iranienne dans divers endroits du Moyen-Orient illustrait cette tactique d’intervention par procuration.
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La guerre civile de Syrie, qui a débuté en mars 2011, a conduit à un changement de la stratégie du régime théocratique et à l'avènement d'un nouveau modèle. Soucieux de préserver le régime de Bashar Assad, Téhéran a intensifié considérablement son engagement militaire, mais il a également engagé des forces militaires régulières, ce qui contraste grandement avec son mode opératoire en Irak. En effet, au début de la guerre, l'Iran a utilisé sa méthode habituelle d'implantation de milices principalement chiites opérant sous son égide, mais son implication directe est allée rapidement bien au-delà du modèle irakien.
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Dans la pléthore de milices mises en place par l'Iran, il y avait la milice Zainbayun, composée de combattants pakistanais; la milice Fatmiyun, dont la plupart des combattants sont d'origine afghane et vivent en Iran (la plupart du temps sans statut défini), Harakat Hezbollah al-Nujaba sous le commandement d'Akram al-Qa'abi qui a établi il n'y a pas longtemps un autre bataillon, l'Armée de libération du Golan, dont le but est d'arracher cette région à Israël; la milice Abu al-Fadl al-Abbas, qui a opéré en Irak et en Syrie, et enfin Asa'ib Ahl al-Haq susmentionnée, également active dans les deux pays.
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La situation d'Assad semblait initialement désastreuse, mais avec le temps, l'Iran et la Russie ont réussi à consolider progressivement son régime. Ce succès, rendu possible par la présence massive des forces iraniennes, a offert à la République islamique l'occasion d'atteindre son objectif d'édification d’un «croissant chiite» réunissant Téhéran, le Liban, la Syrie, l'Irak et le Yémen. Le régime théocratique a commencé à planifier un corridor terrestre, pour aboutir à une continuité territoriale de l'Iran à la Méditerranée, en passant par l'Irak, la Syrie et le Liban. Pour y parvenir, considérant son contrôle sur le Liban comme acquis, Téhéran a obtenu l’aide de ses milices clientes pour prendre le contrôle des passages frontaliers entre l'Irak et la Syrie.
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Un élément clé de la nouvelle approche consistait à établir des bases iraniennes en Syrie. Certaines d'entre elles ont été implantées dans des bases et des aéroports syriens, d’autres ont été mises en place avec le Hezbollah, et d’autres encore ne sont occupées en exclusivité par l'Iran. Selon les informations disponibles, Téhéran dispose d’une présence permanente dans des bases proches de Deir az-Zor, d'Alep, d'As-Safira, d'Al-Qusair, etc. La construction de ces bases et la continuité territoriale à laquelle elles ont abouti, montrent que l’Iran a l'intention de rester sur le sol syrien à longue échéance.
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De nombreuses déclarations des commandants des milices et de hauts responsables de la défense iranienne indiquent clairement que la présence de Téhéran en Syrie a deux objectifs: stabiliser le régime d'Assad et promouvoir l'axe de résistance anti-israélienne. Le modèle iranien implique la création d'une chaîne de forces inféodées en appui à cet axe de résistance le long de la frontière nord d'Israël, comme Khomeiny l’avait envisagé. Le commandant du CGRI, Ali Jafari, a parlé de l'établissement d'une force de «Basij» internationale qui prendrait ses ordres à Téhéran. Sa déclaration visait à rendre bien clair que toutes les milices sous le contrôle de l'Iran dans toute la région, que ce soit en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban, deviendront une force transnationale unique opérant sous un même parapluie.
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L'hostilité de la République islamique à l'égard d'Israël est un fait avéré, mais le régime théocratique semble adopter une tactique différente et passer à une nouvelle étape de la lutte. La succession de déclarations belliqueuses s’en prenant à l'existence même d'Israël est maintenant soutenue par des mesures opérationnelles suggérant que l’objectif est désormais la confrontation sur le terrain. Au début, le régime révolutionnaire s’en est pris à Israël principalement sur le plan idéologique, par exemple en proclamant la Journée internationale de Jérusalem. Par la suite, l'Iran a adopté une stratégie de substitution, pour éviter de laisser la preuve directe de ses actions. Actuellement, Téhéran met en œuvre un modèle de participation directe. De l'effondrement du régime Ba'ath irakien à nos jours, le CGRI a acquis une expérience considérable en matière de guerre conventionnelle et de guerre asymétrique. Cette expérience a donné confiance aux décideurs iraniens et les déclarations du régime sont maintenant plus explicites que par le passé : il faudrait les prendre au sérieux, conclut le Dr. Doron Itzchakov.
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Michel Garroté pour Les Observateurs
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https://besacenter.org/perspectives-papers/iran-anti-israel-resistance/
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http://fim13.blogspot.ch/2018/02/liran-innove-avec-un-nouvel-axe-de.html#more
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Auteur : Dr. Doron Itzchakov, chercheur associé au Begin Sadat Center for Strategic Studies et à l' Alliance Center for Iranian Studies de l'université de Tel Aviv.
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Date de première publication : 20 février 2018, in BESA Center Perspective Papers n° 747
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Traduction : Jean-Pierre Bensimon
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2 commentaires

  1. Posté par Victor le

    Excellentes les deux photos juxtaposés, d’un côté de trés belles israéliennes, et de l’autre le nouveau Furheir et sa garde rapprochée. ….
    Ce qui me choque ,c’est surtout les Européens qui même en voyant ça, n’hésitent pas à commercer avec ces mollards !
    Juste , comme en 1938 ……

  2. Posté par My Suisse le

    Excellent article! Merci! Juste une remarque pour ceux qui doutent……regardez bien les deux photos.

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