Par Olivier Bault.
Pologne – Un entretien avec le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki réalisé par le journal Dziennik Gazeta Prawna (accessible ici en polonais) après le dernier Forum économique mondial de Davos apporte un éclairage intéressant sur les positions polonaises sur la scène européenne. À Davos, Morawiecki a rencontré le secrétaire d’État américain Rex Tillerson pour parler diversification énergétique et confirmer le soutien américain aux pays de l’ancienne Europe de l’Est opposés au projet russo-germanique de doublement de la capacité du gazoduc Nord Stream. S’il est mené à bien, ce projet renforcera le quasi-monopole russe en matière de fourniture de gaz aux ex-pays satellites de l’URSS. Les deux hommes ont aussi parlé contrats d’armement, la Pologne étant en train de négocier l’acquisition de batteries de missiles Patriot. Sur l’administration de Donald Trump, Mateusz Morawiecki a les mots suivants : « Pendant le Forum économique mondial, le politiquement correct impose de critiquer les États-Unis pour leur slogan ‘America first’ et de vanter les Chinois pour leur relative ouverture. Quand je vois notre bilan commercial avec la Chine et le rapport de 1 à 12 au profit de cette dernière – et c’est la même chose pour beaucoup de pays d’Europe centrale –, je me demande si ce n’est pas le monde à l’envers. La possibilité pour des entreprises étrangères de vendre des services en Chine est extraordinairement limitée. Cela vaut parfois la peine de rejeter le fardeau du politiquement correct et de regarder les chiffres pour dire quels sont les vrais défis du monde contemporain. C’est aussi ce que pensent les États-Unis. Il nous faut un commerce libre, mais aussi juste, comme a judicieusement fait remarquer le président Trump. »
Malgré les difficiles relations avec la Commission européenne, le premier ministre polonais rejette la question posée par le journaliste à propos d’un éventuel Polexit : « Aucune personne sérieuse n’évoque un tel scénario ou même n’y songe. Un Polexit est aussi probable qu’un Germanexit. La Pologne fait et fera partie de l’Union européenne. » En ce qui concerne l’euro, en revanche, Mateusz Morawiecki n’a pas l’intention d’abandonner la monnaie polonaise même si cela devait contribuer à une amélioration de la situation politique de la Pologne au sein de l’UE : « Rejoindre la zone euro aujourd’hui ou dans un avenir proche, ce serait jouer avec le feu. Quand il y aura à nouveau une crise, une récession ou un ralentissement brutal de la croissance – ce qui surviendra tôt ou tard dans le cycle conjoncturel – nous perdrons notre capacité de réaction. Nous n’aurons plus la possibilité d’affaiblir le zloty ou d’émettre des obligations dans la monnaie nationale. Or ce sont des instruments fondamentaux de la politique économique, financière et monétaire d’un État. En Pologne, on parle de l’euro comme s’il s’agissait d’un acte idéologique ou d’une décision économique simple. Ce n’est toutefois pas une question d’idéologie et encore moins une décision mineure en matière économique. Rejoindre une zone monétaire unique se justifie pour des pays similaires sur le plan de la structure de la production, de la compétitivité et de la flexibilité du marché du travail et des services. Or cette similarité n’existe toujours pas entre la Pologne et les pays de la zone euro, notamment ceux que l’on a l’habitude d’appeler ‘du nord’. Nous sortons seulement du communisme et notre énorme dépendance au capital étranger que nous a imposée le modèle économique choisi il y a plus d’un quart de siècle fait que nous sommes confrontés à des défis très différents de ceux auxquels doivent faire face les pays du sud ou du nord de la zone euro. Si la structure de notre économie et notre revenu disponible par habitant deviennent similaires à ceux des Pays-Bas, de l’Autriche ou de la Belgique, alors nous pourrons reparler de l’euro. »
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