La nuit tombe sur le domicile de Marine Le Pen à La Celle-Saint-Cloud où les deux chats Kiryo (le mau égyptien) et Jazz (le bengalais), s’engouffrent en même temps que nous. Détendue, la candidate qui enchaîne les déplacements, les meetings et les rendez-vous médiatiques, évoque une campagne présidentielle efficace, bien organisée en amont et qui se déroule sur le terrain dans une ambiance combative – mais joyeuse. Ce n’est pas le cas chez tout le monde.
— Dans la débandade qui est celle du camp Fillon et la panique des Républicains, doit-on s’inquiéter ou se réjouir de l’aspect surréaliste que prend cette campagne présidentielle ?
— On ne peut pas s’en réjouir parce que la conséquence directe c’est que le système politico-médiatique a trouvé une très bonne excuse pour priver les Français du débat de fond qu’ils attendent depuis des années eux qui ont énormément souffert du mandat de François Hollande. Il est vraiment très largement temps que ce débat de fond puisse se tenir et le plus vite possible puisque nous sommes à un mois et demi du premier tour. Nous, nous faisons campagne, nous allons sur le fond. Mais l’ensemble du bruit médiatique est complètement parasité, volontairement en partie je le crois, par les polémiques.
— En cas de plan J, Juppé peut-il refaire le coup de Chirac en 2002 et ramasser largement les voix de la gauche ?
— Le problème de Juppé, c’est qu’il va se retrouver en concurrence avec Macron parce qu’ils sont exactement sur la même niche. Ils ont le même programme et ils sont tous les deux les représentants de l’UMPS. Macron aujourd’hui, fait la voiture balai du système mais si Juppé est candidat, les deux électorats vont devoir se diviser entre ces deux personnalités qui portent exactement les mêmes grands axes : la soumission à l’Europe, la soumission aux flux migratoires, l’abandon de la défense de l’identité française ou l’ultra-libéralisme plus ou moins décomplexé.
— On ne voit pas bien d’ailleurs comment l’électorat de Fillon peut voter Juppé d’un seul homme.
— Le moins que l’on puisse dire c’est que ce ne sera pas d’un seul homme. Déjà les sarkozystes avaient du mal à voter Fillon et là ce sont les fillonistes qui vont avoir du mal à voter Juppé. Et puis il y a un autre problème. Ils ont choisi de faire une primaire, une primaire ouverte. J’ai toujours dit tout le mal que je pensais de ces primaires. Les Républicains vont donc s’asseoir sur le vote de leurs électeurs. Vous me direz que ce n’est pas la première fois, ils se sont déjà assis sur leur vote en 2005. Mais il y a quand même sur le fond, dans le cadre du processus démocratique qu’ils ont tant vanté, un méchant bug. Alors que ces primaires étaient présentées comme un succès de démocratie, ils ont tartiné ça pendant des semaines et des semaines et ça se retourne évidemment contre eux.
— Mieux vaut tard que jamais, Philippe de Villiers a fait des déclarations élogieuses à votre sujet. Est-ce un bon signal pour vous de la part de cette droite catholique dont une partie semblait très tentée par le vote Fillon ?
— C’est une bonne nouvelle surtout de voir qu’aujourd’hui les patriotes se rassemblent. C’est ce que nous avons toujours cherché à faire, le grand rassemblement des patriotes contre les mondialistes. Aujourd’hui les mondialistes sont plusieurs sur la ligne de départ. Il y a les mondialistes honteux à la Fillon et les mondialistes décomplexés à la Macron. Mais incontestablement on voit bien que dans cette élection, mon projet et celui des autres se percutent. Ils sont radicalement différents sur à peu près l’intégralité des sujets. Il y a ce vrai clivage qui se met enfin en place qui n’est plus un clivage gauche-droite puisqu’autour de ma candidature des gens viennent de la droite et de la gauche, et qu’autour de la candidature de Macron, viennent des élus de droite et de gauche, qui se scindent aujourd’hui entre patriotes et mondialistes. J’ai toujours dit que je considérais que sur la rive des patriotes, il y avait toute une série de gens qui ont plus ou moins de difficultés à l’exprimer ainsi, mais il y a évidemment Villiers, Guaino, Dupont-Aignan et même Chevènement. Et sûrement d’autres. Est-ce qu’ils participeront à la bataille décisive électorale, je ne sais pas. Mais profondément, ils ne sont pas du côté des mondialistes.
— Et que dites-vous aux catholiques qui seraient tentés par le vote Fillon ?
— Puisqu’il aime à se référer à des concepts chrétiens, François Fillon vient de commettre un parjure. Il a dit, d’ailleurs animé de mauvaises intentions, que s’il était mis en examen il ne serait pas candidat. Il l’a fait non pas dans un élan de probité, mais exclusivement pour nuire à Nicolas Sarkozy. Bien mal acquis ne profite jamais. Et aujourd’hui il se parjure en indiquant que pour finir il restera candidat. Je pense qu’une partie de l’électorat qui a suivi François Fillon est aujourd’hui déboussolée et ceux qui l’ont suivi de bonne foi, sur le respect et l’attachement aux valeurs traditionnelles, n’ont objectivement plus rien à attendre de cette candidature.
— Votre immunité parlementaire vous a été retirée afin de vous poursuivre pour avoir publié des photos des atrocités perpétrées par Daesh. Le referiez-vous aujourd’hui ?
— Oui je le referais. Et je le referais pour trois raisons. La première c’est que je l’ai fait pour défendre l’honneur des millions d’électeurs qui votent pour moi et que je n’accepterai jamais de voir comparés à l’Etat islamique. Deuxièmement, parce qu’il est dans le rôle d’un député de montrer la réalité des menaces qui pèsent sur le pays et que personne, je dis bien personne, ne peut empêcher un député de le faire parce que c’est le mandat que lui ont donné ses électeurs. Et enfin parce que cette affaire a révélé la face hideuse du système. Que ce soit le parquet qui a lancé cette poursuite sans qu’il existe de partie civile ou que ce soit les députés français, qu’ils soient socialistes ou UMP, qui à une seule exception près, ont voté la levée de mon immunité parlementaire, ils révèlent leur vrai visage. Le visage de personnes qui n’ont absolument aucun principe et qui sont incapables de défendre la République et la démocratie parce que tenter d’empêcher un député de remplir son mandat c’est évidemment une atteinte directe à la démocratie. Leur intérêt passe avant les principes de la République française. CQFD.
— Phil Hogan, commissaire européen chargé de l’Agriculture et des Affaires rurales, a mis en garde les agriculteurs français contre toute tentation de voter Marine Le Pen à la présidentielle. Quel impact peut avoir une telle consigne sur eux ?
— Multiplier les votes pour ma candidature. Phil Hogan, s’il avait un minimum de conscience, devrait aller au salon de l’Agriculture en robe de bure, à genoux, en se flagellant à cause du mal qu’il a fait à l’agriculture française et aux agriculteurs qui sont, du fait de sa politique, complètement désespérés. Je pense que les agriculteurs français n’ont que faire des leçons du commissaire européen Phil Hogan.
— Si vous êtes élue, doit-on redouter les acteurs du mouvement social, les grèves dans les entreprises et les services publics, les manifestations de masse, voire les révoltes des banlieues ? Laurence Parisot que les Français pensent être une voix de poids, déclarait récemment : « Marine Le Pen élue : c’est la queue devant toutes les banques pour retirer d’urgence son argent, sur fond de révolte des banlieues. »
— On ne peut pas dire que Laurence Parisot soit connue pour l’intelligence et la fiabilité de son analyse politique. Ce qu’elle fait, ça a un nom, ça a été utilisé pendant le Brexit, ils l’ont théorisé, ça s’appelle l’objectif peur. L’idée, c’est en infantilisant les peuples, de les intimider et de tenter de susciter la crainte du changement, quel qu’il soit. Je pense que les Français avec le Brexit, avec l’élection de Trump, ont vu la stratégie. Ils ont vu les fils derrière la manipulation et à mon avis ils ne tomberont pas une nouvelle fois dans cette stratégie qui a été utilisée d’ailleurs en France aussi avant les municipales. Souvenons-nous : les pluies de grenouilles, les fonctionnaires qui démissionneraient en masse, l’incapacité de gérer les villes… Evidemment rien de tout cela ne s’est passé, bien au contraire. J’aurai peut-être une manif de banquiers d’affaires ? Ou de présidents de multinationales ? Peut-être même les deux ensemble. Ce n’est pas grave, c’est la démocratie.
— Et les violents tours de chauffe, notamment contre votre meeting à Nantes ?
— Là on sait très bien à qui on a affaire. A des milices d’extrême gauche, utilisées par le gouvernement et utilisées notamment pendant la loi El Khomri pour discréditer le mouvement populaire de rejet de cette loi. Des milices qui régulièrement cassent les centres-villes de Paris, de Nantes, de Rennes, dans le cadre d’une impunité absolument totale. Des groupuscules d’extrême gauche dits « antifas » qui auraient dû être dissous depuis très longtemps puisque leur seul principe d’action, c’est la violence. Quand vous tapez « antifas » sur google toutes leurs affiches représentent des types avec des battes de base-ball, qui tapent sur la tête des policiers etc. Ces structures doivent être dissoutes.
— Vous au pouvoir, vous les dissoudrez ?
— Evidemment. Je vais les dissoudre parce que la loi exige qu’elles soient dissoutes. Mais il est sûr que ce sont les chouchous du Syndicat de la magistrature. J’ai d’ailleurs noté que François Hollande a vivement critiqué la manifestation de Fillon de dimanche en disant qu’il était honteux de manifester contre une institution. En revanche, le Syndicat de la magistrature qui appelle à participer à la manifestation contre la police qui se tient aux cris de « Policiers, violeurs, assassins », « Tout le monde déteste la police », ça ne pose au président de la République aucun problème.
— Est-ce que le soulèvement de plusieurs banlieues en même temps est une éventualité qui vous inquiète, au lendemain du second tour ?
— La question se pose autrement : est-ce que les Français vont abandonner leurs libertés au motif et sous la menace d’émeutes dans les banlieues ? Je pense que les banlieues vont très bien comprendre que la fin de la récréation a été sifflée, que les Français n’entendent plus du tout accepter ce genre de comportements et que c’est précisément la raison pour laquelle ils ont élu Marine Le Pen. Quand ceux qui sortent pour brûler, casser, s’apercevront qu’ils devront payer l’addition, ils y réfléchiront très probablement pour une partie d’entre eux à deux fois, avant de commettre ce genre d’exactions. Pour les autres, on leur appliquera la loi et des instructions seront données à la police pour qu’elle remplisse sa mission de maintien de la sécurité et de l’ordre public.
— D’autre part, ne craignez-vous pas d’être aux commandes sans pouvoir piloter ? Rien n’assure que vous ayez une majorité au Parlement faute d’un réseau d’élus de terrain suffisamment implanté. Même si vous passiez à 100 députés, sans majorité parlementaire, vous vous trouveriez d’emblée en cohabitation, comment allez-vous faire ?
— Je ne crois pas du tout à cette hypothèse que l’on pourrait d’ailleurs développer pour l’ensemble de mes concurrents. Rien ne dit, si on part de ce principe, que M. Macron ou M. Fillon pourraient avoir une majorité. Moi je crois que le peuple français est un des peuples les plus politiques du monde et que s’il élit Marine Le Pen ce qui est en soi une forme de rupture avec le système, il donnera une majorité législative au président qu’il vient d’élire. J’en suis tout à fait convaincue, d’autant qu’entre nous, il y a de plus en plus d’élus, disons du RPR, bien souvent ils viennent du RPR, qui se sentent beaucoup plus en adéquation avec le projet que nous voulons mettre en œuvre qu’avec le projet de François Fillon et surtout avec le projet de Juppé.
— Est-ce que la peur ne risque pas de vous priver d’une partie des voix notamment des personnes âgées par exemple, que les médias passent leur temps à inquiéter ?
— Ces personnes âgées, elles ont des enfants et des petits-enfants. Et il se trouve que ces enfants et ces petits-enfants votent pour nous. C’est aussi à eux d’aller voir leurs parents pour leur expliquer que le grand danger c’est de rester dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Car ce qui devrait faire peur aux Français c’est ça. C’est la submersion migratoire qui est loin d’être terminée. Et je peux vous dire qu’au poste frontière de Menton où je suis allée, le printemps n’est même pas arrivé que déjà le nombre d’arrivées a doublé par rapport à l’année dernière. Les Français doivent avoir peur de l’effondrement du système de protection sociale à cause du poids de l’immigration. Ils doivent avoir peur du chaos, de la chienlit, de l’aggravation de l’insécurité. Ils doivent avoir peur du fondamentalisme islamiste contre lequel rien n’est fait. Mais ils doivent aussi avoir peur pour leur épargne parce que les sauvetages à répétition de l’euro vont finir par coûter une véritable petite fortune à la France. La politique de soumission des autres candidats à l’austérité imposée par l’Union européenne va avoir comme première conséquence la baisse de leur retraite et l’aggravation de la fiscalité qui pèse sur les petits possédants, ceux qui ont une épargne, au premier rang desquels les personnes âgées.
Propos recueillis par Caroline Parmentier et Samuel Martin
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Extrait de: Source et auteur
http://resistancerepublicaine.eu/2017/02/07/la-grande-reforme-de-marine-le-referendum-dinitiative-populaire-a-la-suisse